Comment bien prendre soin des écosystèmes alors que nous prenons si peu soin de nous ? Situé dans une petite commune du Morbihan, à Priziac, l’un des habitants a décidé de résoudre le problème grâce à un projet innovant : le tout premier hameau de santé regroupant médecine traditionnelle et alternative, ainsi qu’un réseau national fédérant toutes ces initiatives pour lutter contre les déserts médicaux.

Une autre vision de la médecine

Fondateur du village du Bel-Air, un éco-lieu breton situé à Priziac, Jesse Robert est un ancien étudiant en médecine qui crée une structure de santé holistique, et a lancé un réseau national pour fédérer tous les projets qui portent cette vision : les Hameaux de Santé.

A la base de son projet, les frustrations et l’incompréhension générés par un système éducatif très particulier, qui crée une élite médicale ayant une vision de la médecine dépossédant parfois les gens de leur capacité à se soigner.

« Petit à petit, je me suis pas mal politisé, avec une grande prise de conscience écologique. J’avais beaucoup de questionnements autour du manque de moyens mis pour la prévention alors qu’on sait à quel point cela pourrait être efficace pour améliorer la santé humaine. J’en ai discuté avec de nombreux acteurs de la santé, dont des personnes qui sont aux manettes et ont des contraintes qui ne laissent pas forcément l’espace à une quelconque évolution ou changement de cap. Mon objectif était donc d’abord personnel : créer une structure de santé où je me verrai exercer en tant que médecin avec une mission principale : prendre soin » raconte Jesse Robert au micro de The Octopus’h

Après un an d’internat en médecine générale à Brest, Jesse a donc quitté le cursus traditionnel pour se dédier à plein temps à ce projet, et « apporter sa pierre à un édifice manquant ». Au village de Bel-Air, il organise chaque été des rencontres autour du soin holistique qui lui ont permis d’affiner la vision de son projet.

Avec les participants, ils ont défini 4 piliers pour créer le hameau de santé idéal : global (holistique), démocratique, social et écologique. L’approche globale provient de la volonté de créer des ponts entre médecine conventionnée et non-conventionnée.

« Il ne s’agit pas seulement d’un partage de cabinets mais bien de discussions communes autour de cas concrets de patients. Comment les accompagner pas juste à la guérison, mais également à la promotion de la bonne santé et du bien-être pour redonner un rôle d’acteur aux usagers de soin » précise Jesse Robert au micro de The Octopus’h

De la même façon, le pilier démocratique permet de partir des besoins de la population d’un territoire donné, pour créer une structure de hameau de santé avec les bons thérapeutes. A Priziac, Jesse a rencontré le maire, les institutions et les différents professionnels de santé alentours pour connaître les besoins de cette zone rurale.

Il est actuellement en discussion avec le maire pour acheter un terrain constructible à partir de février 2023, et faire sortir de terre son projet.

L’accès aux soins pour tou.te.s

Le réseau des Hameaux de Santé vient répondre à une problématique sociale préoccupante. En France, la désertification médicale progresse toujours plus.

Actuellement, 30,2% de la population française vit dans un désert médical (62,4% en Île-de-France). Les conséquences sont délétères pour les patients comme pour les médecins : les premiers sont 1,6 million à renoncer à des soins chaque année, tandis que 45% des généralistes sont en situation de burn out.

Un des piliers phares du hameau de santé réside en ce sens dans son aspect social. Jesse veut de faciliter l’accès aux approches conventionnées et non-conventionnées à toutes les catégories de la population, notamment aux personnes isolées et à celles qui sont habituellement privées du secteur du bien-être faute de moyens économiques.

« On mène une réflexion autour des salaires et de la participation financière ou pas. On peut aussi proposer du bénévolat avec la création d’un tiers-lieu de la santé où tout le monde pourrait s’impliquer et sortir d’un modèle économique pur pour envisager d’autres modèles d’échange. Un exemple que j’aime bien : si on a un espace de sport avec des vélos d’appartement, on pourrait les relier à la création énergétique de la structure pour que cela soit la manière des patients de participer à son bon fonctionnement » détaille Jesse Robert au micro de The Octopus’h

Enfin, le pilier écologique est central pour le jeune thérapeute depuis le début. Pour lui, « impossible de parler d’approche globale sans parler de notre place sur cette planète », avec des concepts comme One Health, une seule santé qui démontre que si on ne prend pas soin de notre environnement, nous en subissons déjà et subirons des retombées catastrophiques pour la santé humaine.

Ce dernier pilier s’incarne de multiples façons : choix du matériel et des prescriptions médicamenteuses en fonction de leur impact sur l’environnement pour éviter différentes pollutions, développer des jardins thérapeutiques pour avoir une autonomie en phytothérapie, etc.

« Il s’agit aussi de remettre plus d’examen clinique du médecin qui se perd de plus en plus derrière les imageries et les bilans sanguins qui permettent d’avoir des diagnostics très précis sur un système qui tient techniquement pour l’instant, mais n’est en rien garanti dans le temps en fonction des chocs énergétiques que nous serons amenés à vivre » anticipe Jesse Robert au micro de The Octopus’h

Preuve que l’idée fait écho aux préoccupations de nombreuses personnes après une pandémie anxiogène, plusieurs hameaux de santé sont actuellement en cours de création : à Serres-sur-Arget en Ariège, grâce à un collectif de quatre jeunes femmes (deux orthophonistes, une médecin et une naturopathe) ou encore dans l’Orne, les collectivités et Agences Régionales de Santé sont souvent partenaires des projets comme la Coopérative des Territoires de Normandie qui accompagne le réseau.

« On arrive au pied du mur sur tant de domaines et de nombreuses personnes sont effrayées de l’ampleur des changements nécessaires, mais en construisant ensemble, on peut y arriver » conclut Jesse dans un sourire

Crédit photo couv : Antoine Dupont, tirée de la série documentaire « Le Village du Bel-Air », diffusée sur la chaîne Youtube MicroFaune, 2021.

Cet article a été rédigé en partenariat avec le podcast The Octopus’h, qui donne la parole aux acteurs d’une santé globale, durable et responsable.

Pour en savoir plus sur le réseau des Hameaux de Santé, vous pouvez écouter l’entretien complet de Jesse à ce lien.