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Loi dʼOrientation Agricole : « l’occasion de lier renouvellement des agriculteurs et transition écolo »

Alors que les fermes françaises (trop grandes et industrialisées) peinent à trouver repreneur, 1/3 des candidats au métier dʼagriculteur ne peuvent aller au bout de leur projet.

Pour l’ouverture du Salon de l’Agriculture, le collectif Nourrir publie les résultats d’un sondage auprès des agriculteurs pour proposer des perspectives d’avenir. Ils exhortent le gouvernement à assurer le renouvellement des générations agricoles en subventionnant les porteurs de projet agroécologiques, de plus en plus nombreux, plutôt que l’agroindustrie.

La Loi d’Orientation Agricole sur le devant de la scène

La colère actuelle du monde agricole couve depuis des dizaines d’années, principalement à cause des inégalités de revenus qui se creusent entre les agriculteurs, à une vulnérabilité croissante des fermes face aux crises sanitaires et environnementales, ainsi quʼaux choix politiques qui ne répondent pas durablement à ces problèmes.

A l’aube du Salon de l’Agriculture, le collectif Nourrir, composé de 54 organisations de la société civile et paysanne, publie les premiers résultats dʼune enquête commanditée à lʼinstitut BVA Xsight et menée fin 2023 auprès de 607 agriculteurs sur tous types de ferme, dont 29% font des grandes cultures et 11% sont certifiés en bio.

Sans surprise, le contexte économique est la source de préoccupation majeure pour 52% d’entre eux, et en particulier la construction du revenu agricole sous ses différentes composantes : augmentation des coûts (18%), instabilité des marchés (16%), prix de vente insuffisants (12%).

Là où les résultats sont plus surprenants, alors que le gouvernement et la FNSEA ont décidé de baisser les normes environnementales agricoles pour apaiser la colère, c’est que les agriculteurs sont également très inquiets des conséquences du dérèglement climatique sur leur métier.

A tel point que 62% d’entre eux estiment que la transition écologique est une nécessité et 23% considèrent même quʼil sʼagit dʼune opportunité : le refus de la transition est donc largement minoritaire auprès des agriculteurs sondés (15%).

Le mouvement agricole a remis sur le devant de la scène politique un projet crucial : la loi d’orientation agricole (LOA), annoncée par le Président de la République en septembre 2022. Elle doit répondre à un double défi : le renouvellement des générations et celui de réduction des émissions de gaz à effet de serre du secteur avec son adaptation au changement climatique.

Jusqu’alors, ce projet de Loi d’Orientation Agricole avait été repoussé constamment par le gouvernement qui, après avoir mené quelques mois des concertations avec les acteurs de l’agroindustrie et de la société civile, avait compilé la majorité des mesures sous forme de « pacte » qui n’aurait pas besoin d’être soumis à un vote du Parlement, réduisant ainsi la possibilité de débat démocratique.

Le collectif Nourrir veut faire de cette Loi d’Orientation Agricole « un moyen de réorienter l’agriculture et le système alimentaire » explique Mathieu Courgeau, co-président du Collectif Nourrir et agriculteur.

Assurer le renouvellement des générations agricoles

Avec 200 fermes disparaissant chaque semaine en France et 50% des agriculteurs qui seront en âge de partir à la retraite dans les 10 ans, le monde agricole va être l’objet du « plus grand plan social que la France ait jamais connu » explique Clotilde Bato, co-présidente du Collectif Nourrir et déléguée générale de SOL, lors d’une conférence de presse.

Alors que les fermes françaises (trop grandes et industrialisées) peinent à trouver repreneur, 1/3 des candidats au métier dʼagriculteur ne peuvent aller au bout de leur projet.

L’une des raisons : les candidats sont non issus du milieu agricole (NIMA) à 60% et portent majoritairement des projets dʼinstallation agroécologiques et biologiques. Malheureusement, lʼaccompagnement proposé par les pouvoirs publics ne permet pas de répondre à leurs besoins.

« Cette tendance devrait se concrétiser par une adaptation en profondeur de la manière qu’on a d’accompagner les fermes. Je suis agriculteur depuis 12 ans, mais pas pas fils de paysan et paysanne. Parce que je n’avais pas grandi dans ce monde, j’avais des besoins spécifiques : on ne m’avait pas appris à souder ou réparer des choses. J’avais aussi des besoins sur la façon de travailler en couple sur notre ferme, tout en ayant d’autres collaborateurs » se souvient Florent Sebban, paysan dans l’Essonne et porte-parole du Miramap

Pour enrayer les abandons de projets, les organisations paysannes accompagnent aujourdʼhui 1/3 des installations, et demandent d’être reconnues et soutenues à ce titre.

« C’est une logique de changement de vie en profondeur, donc on n’a pas besoin d’être jugés ou d’avoir des regards condescendants. Pas mal de personnes préfèrent être accompagnées par des structures associatives car on est nombreux à avoir affronté la dureté des chambres d’agricultures qui peuvent considérer nos projets comme trop petits et pas assez rentables, alors qu’on nourrit des centaines de familles sans grosse subventions publiques » détaille Florent Sebban, paysan dans l’Essonne et porte-parole du Miramap

Le collectif Nourrir propose également une réelle réforme de la régulation foncière pour assurer une juste répartition des terres et mettre un terme à la concentration des fermes, qui encourage la chute du nombre de paysans.

Pour cela, ils souhaiteraient que la Loi d’Orientation Agricole soit rédigée en faisant le lien avec les schémas départementaux d’installation agricole qui régissent les installations agricoles, à l’heure où plus de la moitié des agriculteurs louent leur terres et ne sont donc pas en capacité de les vendre.

Aider les jeunes installants en agroécologie

Parmi les annonces supplémentaires du gouvernement : l’inscription dans la Loi d’Orientation Agricole de la souveraineté alimentaire de la France. Seulement, la définition qui en est faite à l’heure actuelle aurait tendance à « être une injonction à “nourrir le monde”, visant à soutenir la compétitivité internationale et les exportations à bas prix » accuse le collectif Nourrir.

Ce dernier plaide pour que la définition adoptée dans la loi soit celle des Nations Unies adoptée dans une résolution en 2018. L’instance internationale préconiser de prioriser la production alimentaire destinée aux marchés nationaux et locaux, dʼaugmenter le nombre de fermes à taille humaine sur les territoires, de diversifier les productions, dʼassurer le droit à lʼalimentation et de garantir des prix rémunérateurs aux agriculteurs, sans dumping vis-à-vis des pays tiers.

« Il faut bien comprendre que nous vivons une crise agricole et alimentaire ! En France, 10% de la population fait appel à l’aide alimentaire, dans le monde c’est 50%. Le pire, c’est que nous avons un problème de répartition de la nourriture, pas des quantités disponibles. A l’origine, la souveraineté alimentaire est un concept issu des mouvements paysans proclamant le droit des peuples à une alimentation saine et culturellement appropriée. La LAO doit respecter le droit des peuples à définir eux-mêmes leur système agricole et alimentaire » détaille Lorine Azoulai, chargée de plaidoyer souveraienté alimentaire au CCFD-Terre Solidaire

La rédaction de la LOA est un processus politique qui n’a lieu en moyenne que tous les 10 ans. Pour le collectif Nourrir, développer la souveraineté alimentaire du territoire peut être une opportunité unique pour assurer la décarbonation de l’agriculture dans le respect du Vivant.

« Le changement technique et la remise en cause de leur travail est très compliqué pour les agriculteurs installés depuis longtemps, mais la transmission des fermes est une très bonne occasion pour le faire. Le sondage nous a montré que la transition écologique est plébiscitée par les agriculteurs. Mes voisins en agroindustrie ne sont jamais fiers de sortir leur pulvérisateur de pesticides, et se sentent montrés du doigt. Eux aussi ont le droit de trouver une paix dans leur métier en étant accompagnés dans un changement de pratiques » illustre Alan Testard, Maraîcher bio, Secrétaire national Futurs Bio, FNAB

La question du maintien de l’usage des terres à vocation agricole est aussi un enjeu fort, alors que les projets d’agrophotovoltaïsme ou de méthanisation essaiment le territoire.

« Un champ de 15ha se libérait juste derrière chez nous, en Beauce, ce qui est assez rare. La commune s’est positionnée pour reprendre une partie de ces terres afin de créer une régie agricole municipale qui aurait fourni des légumes pour la cantine du village. Elle a été déboutée par la Safer qui a préféré sélectionner un agriculteur faisant partie d’un énorme projet de méthanisation. La Safer a fait le choix délibéré d’attribuer des terres pour de la production énergétique plutôt que pour la souveraineté alimentaire de la commune, en dédaignant le droit des communes à pouvoir choisir elles-mêmes leur système alimentaire » raconte Florent Sebban

Pour l’heure, les reculs en matière de législation environnementale se multiplient, et la situation économique de la bio se tend, à l’inverse de ce que prônent tous les rapports scientifiques qui étudient les mises en œuvre de souveraineté alimentaire des territoires. 

A l’ouverture du Salon de l’Agriculture, le collectif Nourrir espère ainsi apporter de nouvelles solutions pour soulager les agriculteurs en colère et aider les porteurs de projet en agroécologie.

Laurie Debove

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