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Les liens étroits entre le ministère de l’agriculture et l’agroindustrie retardent la sortie des pesticides

Le 1er juin, l’ex-cheffe de communication du cabinet, Eléonore Leprette, a pris ses fonctions à Phyteis, lobby des entreprises agro-chimiques qui regroupe 19 fabricants phytosanitaires, notamment Bayer. 

Depuis un an et sa nomination au ministère de l’Agriculture, l’ex-député Modem Marc Fesneau multiplie les combats pro-pesticides, pro-nicotinoïdes, pro-agroindustrie, tout cela marqué par une volonté absolue de « souveraineté alimentaire » et de « lutte contre la concurrence européenne ». Un programme peu novateur fragilisé par les polémiques autour des nombreux consensus idéologiques qu’il partage avec la FNSEA et les autres lobbys agricoles, phytosanitaires et agro-alimentaires.

La doctrine gouvernementale en matière d’écologie est connue depuis bien longtemps : le progrès technique nous sauvera. Et dans ce sens, il est bon de conserver des liens filiaux avec les acteurs de ce soi-disant progrès.

Le ministre était interrogé par Vakita le 25 mai dernier au sujet d’une étude du CNRS sur le déclin des oiseaux à l’échelle européenne. Selon celle-ci, 25% d’entre eux auraient disparu depuis 40 ans, et pire, ce chiffre monte à 60% pour les espèces vivant dans les milieux agricoles. En cause, « la responsabilité dominante de l’évolution des pratiques agricoles » rapporte le CNRS.

Bousculé par la question de la journaliste Marie Lecoq « pourquoi on ne fait rien pour limiter l’usage des pesticides ? », le ministre explique que cette affirmation est « inexacte » et appelle à ne pas tomber dans la « caricature ».

Mais la polémique n’est pas là. Après l’interview, les caméras de Vakita captent un échange en off avec une journaliste de Public Sénat durant lequel Marc Fesneau s’amuse « d’avoir dit du bien des pesticides ». 

Une « phrase ironique » s’est défendu le ministre, mais qui vient remettre de l’huile sur le feu alors qu’il est accusé d’entretenir des liens étroits avec les lobbys du secteur.

Depuis son investiture à l’Hôtel de Villeroy, rue de Varenne, l’ex député s’est entouré de membres proches des lobbyistes phytosanitaires pour composer son cabinet. Sophie Ionascu est devenue, début mai, sa nouvelle conseillère en communication. Dans la grande tradition macroniste de pantouflage et de porosité entre les institutions publiques et le secteur privé représenté de main de maître par les cabinets de conseils ou les lobbys, cette nouvelle dircom a été débauchée auprès de l’Ania, principale association de défense des intérêts des industriels de l’agroalimentaire.

Des interrogations quant à cette nomination rapidement balayées par le ministre au micro de BFMTV : « elle est conseillère en communication, elle ne va pas être en charge du dossier industrie agroalimentaire » avait-il expliqué début mai.

Et ce n’est pas le premier lien établi entre le ministère et ce type d’organisations. Le 1er juin, l’ex-cheffe de communication du cabinet, Eléonore Leprette, a pris ses fonctions à Phyteis, lobby des entreprises agro-chimiques qui regroupe 19 fabricants phytosanitaires, notamment Bayer.

La Haute Autorité pour la transparence de la vie publique (HATVP) qui avait été saisie à la suite de l’annonce de cette nouvelle fonction, ainsi que pour la nomination de Sophie Ionascu, a rendu deux avis favorables à ces transferts.

En 2018 déjà, Marc Fesneau, alors député MoDem, faisait partie des chefs de file de l’opposition à l’interdiction du glyphosate, pesticide classé cancérigène. Une substance produite par Bayer et défendue ardemment par le lobby Phyteis.

Placé sous le signe de la souveraineté alimentaire, le ministre entend persévérer « dans la massification de la transition écologique » et « dans la poursuite de la souveraineté alimentaire », tout en évitant d’introduire une « distorsion de concurrence avec nos voisins européens » avait-il déclaré dans une tribune publiée début avril sur son compte twitter. En d’autres termes, avancer à petits pas sans imposer des régulations qui perturberaient l’équilibre des marchés.

Dans les faits, ses positions convergent sur la très grande majorité des dossiers avec les idées de la FNSEA et des lobbys agroalimentaires et phytosanitaires. Fin mars, au congrès du principal syndicat agricole français, il avait annoncé avoir demandé à l’Agence française de sécurité sanitaire (Anses) de revenir sur la volonté de l’interdiction de certains néonicotinoïdes.

La FNSEA s’inquiétait de ces interdictions, notamment par rapport aux rendements des productions de betteraves, de maïs ou de tournesol. Mais l’Anses a confirmé le bannissement de certains néonicotinoïdes, notamment du S-métolachlore qui était au cœur des débats.

Cet herbicide avait été retrouvé en quantité dans les eaux souterraines à proximité des cultures en question et avait été classé comme « substance cancérigène suspectée » par l’Agence européenne des produits chimiques (ECHA).

Également au centre de l’actualité, les méga-bassines et la question de l’eau vont accompagner Marc Fesneau tout au long de sa gouvernance du ministère de l’Agriculture.

Malgré les inquiétudes scientifiques sur l’équilibre des ressources en eau lié à son extraction des nappes phréatiques, le ministre compte accélérer la construction de méga-bassines partout sur le territoire, en prétendant être du côté des faits scientifiques alors que ces derniers prônent l’inverse.

Le dernier rapport du Giec est clair. « Les réservoirs sont coûteux, ont des impacts environnementaux négatifs et ne seront pas suffisants partout au-delà de certains niveaux de réchauffement climatique » est-il indiqué page 1883.

Surtout, le rapport insiste sur un phénomène de « maladaptation » (comme évoqué dans notre article sur le modèle des méga bassines en Espagne) « au lieu de penser à une réduction de la consommation, les infrastructures comme les ‘bassines’ pourraient enfermer les usagers dans une voie non soutenable » (p 20).

La FNSEA est sur la même ligne que le ministre. Pour son vice-président Joël Limouzin, les méga bassines répondent au besoin de « souveraineté alimentaire ». Si l’accentuation de l’irrigation est réduite, les français mangeront des « tomates venues d’Espagne, produites à partir de l’eau qui a été stockée » a-t-il expliqué à Franceinfo.

Mais ce que le ministre et le lobby agricole n’évoquent pas, c’est que seulement 7,3% des parcelles agricoles sont irriguées en France. De vastes monocultures intensives qui servent principalement à cultiver des céréales, du colza ou du tournesol, dont une bonne partie ira nourrir les élevages industriels. Une agriculture industrielle qu’il faut donc encourager selon Marc Fesneau.

Florian Grenon

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