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En Espagne, le modèle des méga-bassines est un immense raté

En mars, les réserves d’eau étaient à 50 % de leur capacité, à 28 % en Catalogne et plus de 500 communes étaient placées en état d’alerte.

Ces cinquante dernières années, plus d’un millier de barrages ont été aménagés en Espagne pour lutter contre la sécheresse et soutenir les agriculteurs. Aujourd’hui, la surexploitation des sols et des nappes phréatiques remet en question tout un modèle, qui est devenu caduc. Le gouvernement cherche des solutions alternatives.

L’Espagne à court d’eau

Les 1226 bassines ont été construites entre les années 1950 et 1990 pour les besoins des agriculteurs intensifs, des petits cultivateurs, de l’industrie hydraulique, des professionnels du tourisme nautique. Mais 85 à 95 % sont destinés à l’agriculture et aujourd’hui, les retenues d’eau espagnoles n’arrivent plus à combler les besoins des populations en situation de sécheresse.

Julia Martínez, de la Fondation nouvelle culture de l’eau, commente pour Libération: « La pression agricole est si forte que les réserves d’eau ne peuvent pas se reconstituer d’année en année. »

Jaume Grau, porte-parole des Ecologistas en Acción, explique pour le site d’information multimédia Equinox, qui couvre l’actualité de Barcelone et de la Catalogne : « Le problème c’est que ce ne sont pas vraiment des réservoirs, mais plutôt des moyens d’amasser toujours plus d’eau et de la distribuer sans limites selon la demande, alors que l’on devrait distribuer selon les ressources disponibles.

Ces retenues d’eau servent à arroser les terrains de golf ou l’agriculture intensive sans restrictions, et dans un contexte de changement climatique, il faut arrêter cette course à l’eau et réduire drastiquement la consommation ».

Les pluies diminuent et les réserves chutent. Dans le sud, des syndicats majeurs, tels que Asaja et Coag, demandent davantage d’eau déviée depuis le bassin du Tage, au nord, sans réponse positive. Le manque d’eau touche tout le monde. En mars, les réserves d’eau étaient à 50 % de leur capacité, à 28 % en Catalogne et plus de 500 communes étaient placées en état d’alerte.

Dans l’immédiat, les autorités régionales misent sur les usines de dessalement, au nombre de 700 dans le pays. Mais ces usines représentent un grave risque pour la faune et la flore des fonds marins, et sont très onéreuses.

Santiago Martin Barajas, expert en eau de l’organisation Ecologistas en Accion, estime : « Et c’est là le danger, on se réfugie vers une solution qui n’en est pas vraiment une. D’une part, ces usines ne peuvent s’implanter que dans les endroits proches de la mer. Ensuite, elles consomment beaucoup d’énergie. Enfin, elles rejettent d’immenses quantités de saumure en mer. »

La Catalogne a mis en place de légères restrictions d’eau, qui pourraient être durcies. En août, Barcelone envisage de couper l’accès à l’eau à certaines heures de la journée.

Les limites en France

 En France, le week-end du 18 et 19 avril a marqué un tournant dans les tensions que le réchauffement climatique produit sur le système hydraulique. Dans les Deux-Sèvres, de violents affrontements entre manifestants et forces de l’ordre autour de la construction d’une méga-bassine ont eu lieu. 200 manifestants ont été blessés, dont 40 grièvement. 47 gendarmes ont également été blessés.

Un rapport du Sénat publié en décembre 2022 alerte sur les difficultés progressives d’accès à l’eau, notamment pendant l’été, et met en avant l’importance de la sobriété dans nos usages de l’eau. Une étude du ministère de l’agriculture estime à 30 % les économies d’eau pouvant être réalisées dans les bassins-versants.

Les rapporteurs estiment que la France stocke peu d’eau, en comparaison avec ses voisins (4,7 % du flux annuel), et que « disqualifier globalement le stockage d’eau ne paraît pas fondé scientifiquement ». Ils plaident ainsi pour la construction de nouvelles retenues d’eau, à buts multiples malgré la mobilisation populaire contre la création de méga-bassines.

Les sénateurs ont évoqué d’autres techniques et appellent avant tout à plus de recherche sur la récupération des eaux usées traitées.

Selon le rapport : « La réutilisation des eaux usées est très peu développée en France, où moins de 1 % des eaux récupérées en sortie des stations d’épuration sont exploitées, à l’inverse de l’Italie, l’Espagne ou encore Israël, où le taux de réutilisation atteint respectivement 8 %, 15 % et 90 % ».

Jusqu’ici, il n’y a pas d’étude scientifique fiable qui justifierait la récupération des eaux dans des méga-bassines comme solution viable face aux problématiques du réchauffement climatique. La seule étude effectuée par des scientifiques espagnols et publiée en 2017 démontrait que les retenues d’eau pouvaient aggraver les sécheresses en aval des bassins-versants.

Sources : Extreme hydrological events and the influence of reservoirs in a highly regulated river basin of northeastern Spain Volume 12, August 2017, Pages 13-32, Elsevier

 

Maïté Debove

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