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Pour économiser l’eau, implantons des jardins d’assainissement

On considère en moyenne qu’une famille de 4 ou 5 personnes a besoin de 12 à 15 m2 pour l’ensemble de ses eaux usées.

Tandis que les sécheresses se multiplient sous l’effet du dérèglement climatique, la gestion de l’eau est devenue cruciale pour les pays du monde entier. La France ne fait pas exception. Avec 5 millions de foyers non raccordés à un réseau collectif pour le traitement des eaux usées, ils sont de plus en plus nombreux à se tourner vers une solution écologique et sobre : le jardin d’assainissement. Un article d’Isabelle Vauconsant, co-fondatrice du magazine Hortus Focus.

Les eaux usées, un enjeu majeur

En 2050, 5 milliards d’humains manqueront d’eau potable au moins un mois dans l’année, confrontés à une grave crise de l’eau, selon Petteri Taalas, secrétaire général de l’Organisation météorologique mondiale.

À l’origine de ce désastre, le dérèglement climatique et une gestion calamiteuse des ressources en eau qui aggravent sécheresses et inondations partout dans le monde, et en France. Le traitement des eaux usées est un pan des questions soulevées par ce constat.

En France, on constate que 0,6 à 0,8% des eaux usées sont réutilisées contre 8% en Italie, 14% en Espagne et jusqu’à 80% en Israël. La France est en retard dans le domaine.

En cause, une réglementation bloquante alors que la FAO estimait déjà en 2010 que si la totalité des eaux noires était réutilisée pour l’agriculture, on pourrait faire l’économie de 30% d’engrais azotés et 15% d’engrais phosphatés.

Nous consommons 150L d’eau par jour et par personne, 54 m3 par an dans l’Hexagone. Par ailleurs, le réseau d’eau potable, long de 996 000 km, devrait être rénové. Les fuites d’eau tout au long pourraient alimenter 18,5 millions d’habitants si elles étaient réparées.

Dans cette eau si précieuse qui vient de nos toilettes ou de nos cuisines, on trouve : 

  • des matières solides, des objets dont certains ne se dissolvent pas dans l’eau (lingettes, coton tiges,…) ; 
  • des matières en suspension comme les huiles ou le sable (les premières flottent, les secondes coulent) ; 
  • des composés organiques dissous dans l’eau parmi lesquels des matières polluantes (ammoniaque, médicaments, détergents,…)

Voilà pourquoi, il est exclu de renvoyer tout cela dans les rivières sans traitement.

Le jardin d’assainissement, une bonne solution

La phytoépuration, dite aussi jardin d’assainissement, lagunage ou massif filtrant planté, met les plantes, les micro-organismes et les minéraux au travail. Ces filtres reproduisent un écosystème épuratoire naturel. À la sortie, l’eau répond aux normes de la baignade et peut donc retourner dans les rivières, les nappes phréatiques ou même une piscine naturelle.

La phytoépuration est possible à dimensionner pour une maison, un hameau ou un quartier. D’après le Cemagref, ce procédé peut être implanté pour 3 à 2000 Équivalent Habitant. C’est donc une solution à mettre en œuvre pour une habitation, un hameau ou un village entier. Tout dépend de la place dont on dispose.

Concrètement, les eaux usées sont envoyées vers un filtre à roseaux rempli de gravier, de gravillon et de sable. Ce filtre, à écoulement vertical, fonctionne comme un filtre à café. Les matières solubles sont traitées par les micro-organismes qui vivent autour des racines des roseaux. Les matières non solubles sont retenues en surface et compostent naturellement.

Pas d’eau stagnante, pas d’odeur et un retour au sol d’eau nettoyée utilisable pour l’arrosage ou pour alimenter un bassin.

On peut, par choix ou respect des normes en zones dites sensibles, ajouter un filtre floral qui permet d’améliorer encore la filtration et donc la qualité de l’eau.

La mise en œuvre d’un tel système suppose d’obtenir un agrément pour en démontrer l’efficacité. Ce protocole se déroule sur 48 semaines avec des simulations qui permettent d’en éprouver les qualités par tous les temps, quel que soit le nombre d’habitants dans la maison ou sur le terrain.

Trois entreprises en France sont agréées pour installer un jardin d’assainissement. Cela soulève des questions quant à la manière dont sont fixés les prix et il serait souhaitable qu’un opérateur public soit créé pour mettre à disposition du public des installations à coûts réduits pour aider les populations les plus précaires à y avoir accès, conformément à l’objectif de développement durable n°6 fixé par l’ONU, tout en protégeant la biodiversité et en réduisant la consommation d’énergie.

Les points très positifs

  • 100 % écologique. Il s’intègre au jardin et s’entretient avec lui. Végétal, il est très favorable à la biodiversité.
  • 100 % autonome. Une taille par an en hiver, c’est tout ! Si vous avez à remplacer des plants, il suffit de diviser ceux qui vont bien.
  • 100 % durable, il épure les eaux de la maison tant que vous en prenez soin. On considère que son coût s’amortit sur 13 à 15 ans.

Pour l’Unesco, « le lagunage est simple, écologique, rustique, fiable et peu onéreux du fait de son fonctionnement non mécanisé, avec des résultats hautement satisfaisants en matière de décontamination. C’est en fait une forme naturelle et souple du traitement biologique des eaux usées. »

Il existe deux types de filtres plantés. Les plus efficaces sont les filtres plantés de roseaux à écoulement vertical dont l’eau s’écoule depuis la surface du lit vers l’intérieur, de manière verticale. A l’inverse, les filtres à écoulement horizontal ne peuvent recevoir que des eaux prétraitées, ou très peu chargées en matières en suspension. Le risque de colmatage serait trop important. Ils sont par ailleurs plus sensibles au froid.

Pour l’un comme pour l’autre, les roseaux sont plantés dans les massifs, mais ils peuvent être étanches ou non selon les contraintes du site :

  • perméabilité du sol, 
  • présence ou non d’une nappe phréatique
  • réglementation locale.
Crédit : Florence De Groot – Maisons Paysannes de France, délégation de la Manche.

On peut construire un tel jardin en l’alimentant par une pompe de relevage, ou par gravité si la pente le permet. Pour le relevage, les pompes à eaux chargées broient les eaux usées. Elles sont équipées d’une ventilation et d’une alarme pour alerter en cas de panne, assez rare. La consommation annuelle d’une pompe coûte moins de 10€. Les stations gravitaires, elles, sont équipées de systèmes de chasses qui facilitent la répartition des eaux sur le filtre, sans consommation électrique.

Certains jardins d’assainissement sont donc complètement autonomes quand d’autres nécessitent une petite consommation électrique.

Dans tous les cas, le traitement se fait sans odeur, car sans fermentation. Au démarrage, une grille caillebotis empêche l’accès au filtre et la vue des matières en surface en attendant que les roseaux se développent.

On considère en moyenne qu’une famille de 4 ou 5 personnes a besoin de 12 à 15 m2 pour l’ensemble de ses eaux usées.

Le tutot Phytoépuration des eaux usées est disponible sur le Low-Tech Lab

Les roseaux, plantes amies

Avec leur système racinaire puissant, les roseaux ont une capacité d’absorption de l’eau et des sels minéraux très importante. Des enzymes, glucides et autres nutriments nécessaires aux microorganismes sont libérés au cours du processus d’absorption. Les bactéries épuratrices se fixent sur les rhizomes et dégradent les matières organiques.

Ces micro-organismes favorisent la minéralisation de l’azote et du phosphore disponible pour les plantes pour une coopération bénéfique. Ces bactéries ont besoin d’oxygène pour dégrader la matière organique et le choix des roseaux est adapté. Souples face au vent comme le dit le poème, ils fendent la croûte à leur pied. Ainsi, l’oxygène est accessible, évitant tout colmatage.

Coût moyen d’un jardin d’assainissement : 8000 à 11000 euros pour 5 EH (équivalent habitant). En autoconstruction, on peut faire une économie de 1000 euros pour un filtre à roseaux. Un filtre fleuri peut entraîner 2000 euros de surcoût.

La gestion à long terme est bien plus simple et économe : pas de frais de vidange comme dans une fosse septique, aucun frais de réparation ou d’entretien. Et si de nouveaux habitants arrivent, la dimension du filtre peut être étendue !

Isabelle Vauconsant

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