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Les chasses aux oiseaux « traditionnelles », catastrophiques pour la biodiversité, autorisées à reprendre

Ces types de pièges ne sont nullement sélectifs et presque impossibles à contrôler, car les quotas du gouvernement ne tiennent jamais compte du braconnage, et trop peu de la chasse au fusil.

Ces deux dernières semaines furent des plus mauvaises pour la protection des oiseaux. Après avoir annoncé, à l’occasion d’un coup d’éclat qu’il ne faut pas surestimer, qu’il interdisait au moins « cette année » la chasse à la glu, une méthode controversée que la France est la seule à maintenir en Europe, le gouvernement vient d’autoriser les autres pratiques de chasse traditionnelles, tout en publiant les nouveaux quotas annuels de prélèvement des espèces d’oiseaux menacées ou protégées sur le territoire national. Une politique du « en même temps » qui en dit long sur la conception que l’exécutif se fait de la biodiversité.

Les dérogations pour la chasse, un Etat hors-la-loi

Jeudi 27 août, l’Élysée fait savoir avec emphase que la chasse à la glu, qui consiste à capturer des oiseaux au moyen de baguettes enduites de colle pour s’en servir « d’appelants », sera prohibée en France jusqu’à ce que la Cour de justice de l’Union européenne (UE) statue sur cette pratique que notre pays est le dernier à autoriser, dans cinq départements du Sud-Est, à titre dérogatoire.

Au début du mois de juillet, la Commission européenne avait en effet sommé la France de « réexaminer ses méthodes de capture d’oiseaux » dans un délai de trois mois, en soulignant que les pratiques de chasse non sélectives, dont celle de la glu, étaient depuis longtemps interdites par la directive Oiseaux, datant de 2009 dans sa version actuelle. Cette décision est alors saluée par la Ligue pour la protection des oiseaux (LPO), fer de lance de la lutte contre la chasse à la glu.

Cependant, le lendemain même, vendredi 28 août, le ministère de la Transition écologique et solidaire publie un arrêté autorisant le prélèvement de 17 460 tourterelles des bois au cours de la saison 2020-2021, alors que cette espèce, dans un très mauvais état de conservation, est classée comme « vulnérable » par l’Union internationale pour la conservation de la nature (UICN).

En inexorable déclin, les populations de tourterelles des bois auraient chuté de 78 % depuis 1980, notamment parce qu’elles sont chassées à toutes les étapes de leur parcours migratoire, du continent africain jusqu’en Europe occidentale, où elles se reproduisent.

Comme le dit Allain Bougrain-Dubourg, président de la LPO, dans une interview pour le journal Reporterre, la date de l’arrêté résulte d’un pur calcul politique :

« [Le gouvernement] a pris l’arrêté la veille de l’ouverture de la chasse. Le temps que notre recours [au Conseil d’État] soit examiné, il se sera passé au moins une semaine pendant laquelle les chasseurs auront tout le loisir de tirer les tourterelles… »

S’il n’est pas certain que ce recours en justice obtienne un avis favorable, la LPO a tout de même de bonnes chances d’être entendue, quand on sait qu’en 2019, déjà, le Conseil d’experts sur la gestion adaptative (CEGA) préconisait de fixer à zéro les quotas de prélèvement de tourterelles des bois, au moins temporairement. La restauration des populations de tourterelles dans leur état d’origine ne peut passer que par un arrêt pur et simple de la chasse.

La technique de la tenderie tue les oiseaux en les étouffant ! Ici, une grive

Les effets néfastes des chasses « traditionnelles »

Mercredi 2 septembre, nouveau coup de tonnerre : à travers plusieurs arrêtés publiés au Journal officiel, le ministère de la Transition écologique autorise la chasse des alouettes des champs, merles noirs, grives, vanneaux et pluviers dorés, tout en maintenant certains types de chasse traditionnelle dans de nombreux départements.

Par exemple, dans les Ardennes, le gouvernement maintient une dérogation annuelle permettant aux chasseurs de capturer 5 800 spécimens de grives ou de merles noirs par « tenderie », une méthode qui consiste à piéger l’oiseau au moyen de lacets en crin de cheval, accrochés à un arbre ou posés à terre. Lorsqu’un volatile veut gober l’appât qui se présente en-dessous du filet, il passe sa tête dans le nœud, le resserre en se débattant et finit par s’étrangler.

Une telle technique, traditionnelle dans les Ardennes, est limitée à ce département. Les chasseurs réclament chaque année sa pérennisation en la désignant comme un élément de l’identité locale, faisant le pont entre les anciennes et les nouvelles générations.

Lire aussi : « La pratique barbare de la chasse au blaireau doit cesser »

Un chardonneret pris au piège dans une matole, l’espèce figure sur la liste rouge des espèces menacées en France

Dans d’autres zones de la France, dans les Landes, le Lot-et-Garonne, les Pyrénées-Atlantique ou en Gironde, c’est la capture des oiseaux à l’aide de « pantes » et de « matoles » qui vient d’être de nouveau autorisée. La matole est une petite cage dans laquelle on dépose des graines ou un « appelant » ; l’oiseau qui s’engouffre dedans ne peut ressortir.

On chasse ainsi le bruant ortolan ou le pinson des arbres. Les pantes, quant à elles, sont deux grands filets disposés à terre horizontalement. Le chasseur place non loin d’eux un « appelant » vivant, mais entravé (souvent capturé à la glu). Quand les alouettes parviennent entre les filets, ceux-ci se referment sur elles.

Ces deux types de pièges ne sont nullement sélectifs et presque impossibles à contrôler, car les quotas du gouvernement ne tiennent jamais compte du braconnage, et trop peu de la chasse au fusil.

Selon les chiffres de l’Office français pour la biodiversité, les chasseurs auraient abattu au fusil, durant la campagne 2018-2019, entre 400 000 et 600 000 grives mauvis, entre 800 000 et 2 millions de grives musiciennes et entre 175 000 et 261 000 merles.

Des ortolans braconnés – Crédit : LPO

Par ailleurs, les chasseurs capturent très souvent des espèces protégées, qui sont ensuite revendues sur le marché noir.

Par exemple, lorsqu’ils passent par la France pour rejoindre l’Afrique sub-saharienne en laquelle ils séjournent l’hiver, les bruants ortolans, une espèce vulnérable protégée, subissent un braconnage massif, notamment dans les Landes, où de 30 000 à 80 000 individus sont capturés chaque année par tenderie, en toute impunité, puisque les autorités locales ne semblent presque jamais faire appliquer la règlementation.

Selon la LPO, la valeur d’un bruant ortolan de 19 à 27 grammes sur le marché noir s’élève à 100 ou 150 euros, les principaux acheteurs étant des restaurateurs du monde entier, de Paris à New York.

En 2014, à l’occasion d’une tribune publiée dans le journal Sud-Ouest, plusieurs chefs étoilés avaient même réclamé du gouvernement « une dérogation limitée dans le temps pour servir dans les restaurants ortolans, pinsons, grives et bécasses interdites », au nom de la culture, et pour mettre fin au marché noir…

Des situations de braconnage similaires existeraient dans toutes les régions de France, les chasseurs se réclamant à chaque coup de la « tradition ». La chasse reste l’une des rares zones de non-droit de notre pays, dont l’État se rend complice, au moins par sa passivité.

Augustin Langlade

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