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Les activités humaines ont tué 68% des populations de vertébrés sauvages en moins de cinquante ans

« La nature décline à un rythme sans précédent. La façon dont nous produisons et consommons la nourriture et l’énergie, ainsi que le mépris flagrant de l’environnement inscrit dans notre modèle économique actuel, ont poussé les écosystèmes au-delà de leurs limites. » écrit Marco Lambertini, Directeur général du WWF International

Comme tous les deux ans, la société Zoologique de Londres et WWF nous dévoilent les résultats de l’indice Planète Vivante, et le constat est de pire en pire. Entre 1970 et 2016, les activités humaines ont provoqué la mort de 68% des vertébrés – poissons, oiseaux, mammifères, amphibiens et reptiles – partout dans le monde. Ce chiffre était de 60% en 2018, de 58% en 2016 et de 52% en 2014. Une nette dégradation qui pointe de façon aigue l’immobilisme écocidaire de nos sociétés actuelles.

Une année de plus à compter les morts

S’il restait encore quelques personnes qui doutent de la gravité de la sixième extinction de masse et de notre responsabilité, le rapport (ironiquement) appelé Planète Vivante 2020 est là pour remettre les choses au clair : les activités humaines sont les principales responsables du déclin moyen de 68% des populations de vertébrés en moins d’un demi-siècle. 

« Déclin », un mot subtil qui pourrait faire penser à une fleur qui fane, si la réalité n’était pas aussi tragique. Des sols aux forêts jusqu’aux abysses des océans, pas une seule autre espèce animale n’est à l’abri de l’humain. Des plus emblématiques comme les gorilles de République démocratique du Congo ou encore les tortues luth de Guyane, aux plus discrètes comme les insectes, « ces petites choses qui font tourner le monde », le constat est le même.

« La nature décline à un rythme sans précédent. La façon dont nous produisons et consommons la nourriture et l’énergie, ainsi que le mépris flagrant de l’environnement inscrit dans notre modèle économique actuel, ont poussé les écosystèmes au-delà de leurs limites. » écrit Marco Lambertini, Directeur général du WWF International

La situation est particulièrement préoccupante dans les sous-régions tropicales des Amériques, qui connaît le déclin d’espèces le plus important jamais observé dans une région : -94% ! à cause de la conversion des prairies, des savanes, des forêts et des zones humides, la surexploitation des espèces, le changement climatique et l’introduction d’espèces exotiques. 

Egalement, la biodiversité d’eau douce meurt beaucoup plus rapidement que celle des océans ou des forêts, notamment en Amérique latine et dans les Caraïbes. La mégafaune y est la plus vulnérable comme l’esturgeon et le poisson-chat géant du Mékong, les dauphins de rivière, les loutres, les castors et les hippopotames.

« Sur la base des données disponibles, nous savons que près de 90 % des zones humides mondiales ont été détruites depuis 1700, et une cartographie mondiale a récemment révélé que des millions de kilomètres de rivières ont été modifiés par l’homme. » précise le rapport.

Avec les territoires d’Outre-Mer, la France abrite de nombreuses espèces animales et végétales dont certaines en danger d’extinction comme l’anguille européenne, le macareux moine, le coucou commun, la tortue luth en Guyane ou le moineau domestique.

Le pays a donc un rôle tout particulier à jouer pour empêcher l’extinction totale de la biodiversité. Et le temps presse, le rapport de l’IPBES montrait ainsi que nous détruisons la vie sur Terre à un rythme sans précédent dans l’histoire de l’humanité.

Crédit : Anna Wangler

Pour respecter la biodiversité, respecter les peuples

Mais la responsabilité des Etats est loin de se limiter à leurs seules frontières, comme le précise le rapport. En effet, la production et consommation de biens et services des pays les plus riches a été possible grâce à la colonisation et à l’exploitation de ressources des territoires les plus pauvres.

Le rôle de l’Occident est désormais bien connu dans l’étalement agricole qui détruit les forêts primaires d’Amazonie pour la production d’huile de palme et de soja à destination des marchés européens. Ces échanges commerciaux délétères sont permis par les fameux traités de libre-échange qui mettent en danger les agriculteurs et la souveraineté alimentaire des pays importateurs, en plus des écosystèmes des pays producteurs.

« Le temps des seuls intérêts nationaux est révolu, l’internationalisme doit être notre approche et, ce faisant, aboutir à une plus grande égalité entre ce que les nations prennent au monde et ce qu’elles redonnent. Les nations les plus riches en ont pris beaucoup et le moment est venu de donner. » explique ainsi Sir David Attenborough pour TheGuardian

Et ce besoin de justice sociale et environnementale se traduit au sein-même des pays, à l’image des militants anti-chlordécone dans les Antilles françaises qui maintiennent leur combat malgré la répression judiciaire et policière qu’ils subissent.

La présence de l’humain sur Terre est telle qu’une poignée de pays seulement – la Russie, le Canada, le Brésil et l’Australie – hébergent la plupart des endroits sans empreinte humaine, les dernières zones terrestres sauvages de notre planète. Une ère désormais désignée sous le nom d’Anthropocène ou de Capitalocène, selon les différents mouvements de pensée.

« Depuis la révolution industrielle, les activités humaines n’ont de cesse de détruire ou dégrader les forêts, les prairies, les zones humides et autres écosystèmes vitaux, menaçant ainsi notre propre bien-être. Soixante-quinze pour cent de la surface terrestre libre de glace a déjà été considérablement altérée, la plupart des océans sont pollués et les zones humides ont perdu plus de 85 % de leur superficie. » explique le rapport

Planète Vivante 2020 liste ainsi les activités humaines responsables du carnage, par ordre de leurs impacts : la perte et la dégradation des habitats, la surexploitation des ressources (notamment la pêche, mais aussi la chasse, le braconnage), la pollution, les espèces invasives et les maladies.

Tout au long du rapport, WWF nous rappelle à quel point la santé des écosystèmes peut affecter la prospérité économique et la santé humaine, notamment en cette période de pandémie qui touche aussi les pays les plus riches de façon à ce qu’ils se sentent enfin concernés, une fois n’est pas coutume, par les conséquences de la surexploitation des ressources et de l’étalement humain.

« La biodiversité joue un rôle primordial en nous procurant nourriture, fibres, eau, énergie, médicaments et autres matériels génétiques. Elle est aussi essentielle à la régulation de notre climat, de la qualité de l’eau, de la pollution, des services de pollinisation, de la lutte contre les inondations et les tempêtes. En outre, la nature sous-tend tous les aspects de la santé humaine en contribuant aussi à des besoins immatériels – comme l’inspiration et l’éducation, le développement physique et psychologique, et la construction de nos identités – qui sont indispensables à la qualité de vie et à l’intégrité culturelle. » énumère le rapport

Crédit : Ray Hennessy

Ce qu’il nous reste à faire

La biodiversité n’est pas seulement la somme des êtres vivants, animaux ou végétaux, qui composent un écosystème, mais aussi les relations entre ces différentes espèces. Ces dynamiques sont l’objet de recherches passionnantes qui devraient nous rappeler l’humilité dont l’humain doit faire preuve dans la compréhension d’un écosystème, pour enfin cesser de se considérer comme un gestionnaire de la Nature (attitude qui nous conduit tout droit à notre perte au rythme actuel) mais bien comme une partie intégrante de la Nature.

« La biodiversité n’a jamais eu besoin que nous élaguions, coupions, tondions, tirions sur les animaux, mettions des clôtures… La nature n’a jamais eu besoin des humains. En revanche, les humains ont cruellement besoin d’écosystèmes en bonne santé pour survivre. La nature reprend ses droits lorsqu’on la laisse tranquille et qu’on lui donne un peu de temps. En atteste le retour du loup en France (disparu en 1939), du lynx (disparu en 1970), ou encore l’augmentation des populations de baleines à bosse quasiment éteintes au début des années 1980 et proches de 90 000 individus aujourd’hui… Mais encore faut-il au préalable préserver ces espèces de la disparition complète. » écrit Jean-Marc Gancille dans son livre Carnage

Pour être pérennes, la création de réserves naturelles ou de vie sauvage doit être pensé en respect des populations autochtones qui y vivent et en sont souvent les meilleurs gardiens.

Le WWF, auteur du rapport, est d’ailleurs l’un des premiers organismes à avoir un sérieux travail de fond à effectuer suite aux révélations du site d’information américain Buzzfeed qui avait délivré en 2019 une enquête accablante sur les tortures commises par les unités de lutte contre le braconnage mandatées par le Fonds mondial pour la nature (WWF).

En 2018, le rapport Planète Vivante expliquait que nous avions « deux ans pour agir » et inverser la tendance. Et si depuis le nombre d’espèces représentées a augmenté dans le rapport, « ce dont il faut tenir compte lorsqu’on compare les éditions les unes aux autres », la situation est loin d’être réjouissante malgré quelques victoires écologiques.

Deux ans plus tard, l’Amazonie n’a jamais autant brûlé, les vagues de chaleur se multiplient, créant des méga-feux de la Sibérie à la Californie, et les projets destructeurs continuent de voir le jour malgré les engagements « zéro artificialisation nette » du territoire pris par le gouvernement.

Crédit : Stephanie LeBlanc

A l’inverse des cinq extinctions de masse précédentes, le principal responsable du désastre dispose cette fois-ci d’une pléthore de rapports, d’experts et de citoyens engagés pour agir à la hauteur des enjeux.

Cette année encore, un espoir ténu est permis : il n’est toujours pas trop tard pour enrayer l’effondrement dramatique de la biodiversité et même l’inverser d’ici 2050.

En s’appuyant sur les travaux d’une étude scientifique parue dans la revue Nature, le rapport Planète Vivante 2020 en présente les résultats. Les sociétés doivent mettre en œuvre dès maintenant une action combinée autour de trois leviers : 

  • le renforcement des efforts de conservation
  • la transformation de notre modèle agricole industriel vers l’agroécologie et la lutte contre le gaspillage alimentaire
  • la réduction de 50% de la consommation de protéines animales

On voit dans ces trois mesures à quel point l’alimentation occupe une place primordiale pour enrayer le déclin de la biodiversité. Pour cause : depuis quelques décennies, le changement d’utilisation des terres, principalement la conversion d’habitats vierges en systèmes agricoles, constitue la cause directe la plus importante de perte de biodiversité terrestre, tandis que la surexploitation des océans est un désastre écologique.

Or, le temps presse. Car une biodiversité florissante sera la seule à-même de nous aider face à un autre péril écologique : la crise climatique. Le rapport prévient de plus que si à l’échelle mondiale le changement climatique n’a pas été jusqu’ici la principale cause de perte de biodiversité, il pourrait devenir plus important que les autres facteurs au cours des prochaines décennies.

« Un cinquième des espèces sauvages sont menacées d’extinction au cours du siècle en raison du seul changement climatique. Même avec des efforts d’atténuation importants, on anticipe des taux de perte parmi les plus élevés dans les « points chauds » de biodiversité. »

Quand les institutions prennent des décisions fortes, la régénération de la nature est possible, comme le prouve les étangs et marais des Salins de Camargue, où des travaux ont permis à la nature de reprendre ses droits. Mais ce nouveau rapport au monde doit s’accompagner d’une critique lucide et objective de notre modèle économique actuel.

« Contrairement aux modèles standard de croissance économique et de développement, nous placer nous-mêmes et nos économies au cœur de la nature nous aide à accepter que notre prospérité soit en fin de compte limitée par celle de notre planète. Cette nouvelle grammaire doit diffuser partout, des salles de classe aux salles de conférences, et des conseils locaux aux services gouvernementaux nationaux. Cela modifie en profondeur ce que nous entendons par croissance économique soutenable, et aide nos dirigeants à prendre de meilleures décisions qui nous assurent, ainsi qu’aux générations futures, des vies plus saines, plus vertes et plus heureuses que de plus en plus d’entre nous disent aspirer à. » conclut le rapport

Laurie Debove

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