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Le WWF est accusé de financer des milices paramilitaires qui sèment la terreur parmi les populations autochtones

Le WWF n’est pas seulement financé par les donations du grand public, mais aussi par des subventions publiques et privées. Pour créer l’aire protégée de Messok Dja, dans une région de la République du Congo, le WWF s’est ainsi associé avec les entreprises forestières industrielles qui financent « largement les éco-gardes », comme le précise le site du WWF.

Les scandales qui entachent le WWF n’ont pas fini de faire polémique. Lors d’une audience sans précédent par la Commission des ressources naturelles de la Chambre des représentants des États-Unis, menée hier, des représentants des deux partis et des experts indépendants ont dénoncé le modèle de “conservation-forteresse” de l’ONG qui a conduit à des abus graves en matière de droits humains. Loin de vouloir réparer ses torts, l’ONG a persisté à nier toute implication ou mauvaise gestion de ses écogardes ce qui a provoqué la colère du président de la commission qui s’est déclaré “frustré, exaspéré, et incrédule devant l’incapacité du WWF à assumer ses responsabilités” en matière de violations des droits humains.

Le Professeur John Knox, qui a dirigé une étude commandée par le WWF sur les violations des droits humains dans les projets du WWF, a déclaré lors de l’audience :

« J’ai été très déçu par l’incapacité du WWF à rompre avec son passé […] Les dirigeants du WWF sont toujours dans un état de déni quant à leur propre rôle dans la “conservation-forteresse” et les violations des droits humains. »

Pour l’heure, il n’y aura pas de sanctions qui vont suivre cette audience. En effet, son objectif était de clarifier certaines questions concernant les droits humains et le financement américain, et mettre en place une législation adéquate. Le résultat sera donc une loi bipartisane (qui est toujours à l’étude) pour empêcher que ces abus se produisent à l’avenir avec l’argent américain.

Dans cet objectif, il faut savoir que le gouvernement américain, suite à une enquête bipartisane, avait déjà interrompu le financement à hauteur de plus de 12 millions de dollars (environ 10 millions d’euros) accordé au WWF, à la Wildlife Conservation Society (WCS) et à d’autres ONG de protection de la nature. 

Cette audience a été motivée par les révélations de Buzzfeed News et de nombreuses autres enquêtes, y compris des témoignages de personnes autochtones recueillis par Survival International pendant de nombreuses années, qui ont mis en évidence l’implication du WWF dans des violations des droits humains, en particulier en Afrique et en Asie. Initialement publié dans nos colonnes le 17 juillet 2019, voici l’article de La Relève et La Peste qui révélait les faits :

Sous prétexte de lutter contre le braconnage, des factions paramilitaires financées par le WWF commettent tortures, viols et meurtres d’Afrique en Asie. Au Congo, le peuple autochtone des Baka, déjà persécuté depuis une dizaine d’années, est menacé par la création du Parc national de Messok Dja. L’ONG Survival International dénonce un colonialisme vert.

La militarisation de la Nature

Depuis Mars 2019, le site d’information américain Buzzfeed délivre une enquête accablante sur les pratiques des unités de lutte contre le braconnage mandatées par le Fonds mondial pour la nature (WWF). Après un an d’investigation et une centaine d’entretiens, le média a révélé les tortures, viols, et meurtres qui ont été commis par ces milices paramilitaires sur les populations locales dans six pays d’Asie et d’Afrique, notamment l’Inde, le Népal, le Cameroun et la République centrafricaine. 

« WWF participe à la militarisation de la Nature : ils vont payer et soutenir des gardes de parc qui sont armés et interdisent l’entrée du parc aux populations locales. Ces « écogardes » touchent des primes de performance et de bonus chaque fois qu’ils arrêtent quelqu’un ce qui leur donne encore plus envie d’arrêter des gens. En Afrique, les Baka sont frappés, arrêtés et torturés par ces milices paramilitaires. La guerre contre le braconnage a été créée pour justifier ce type de militarisation alors que tous les experts disent la même chose : c’est en changeant les comportements de consommation pour ne plus avoir d’acheteurs que nous pourrons stopper le braconnage. » explique Fiore Longo, anthropologue et directrice France de l’ONG Survival International, à La Relève et La Peste

Le WWF aurait ainsi fourni à ces « écogardes » salaires, formation et matériel — y compris des couteaux, des jumelles de vision nocturne, du matériel anti-émeute et des matraques — et financé des raids dans des villages.

Les exactions listées par Buzzfeed représentent une violation totale des droits de l’homme. Des villageois ont été fouettés avec des ceintures, attaqués à la machette, battus avec des bâtons de bambou jusqu’à ce qu’ils perdent conscience, agressés sexuellement, enfermés, abattus et assassinés… le plus souvent sans aucune preuve qu’ils auraient braconné des espèces protégées.

Crédit photo : LILLIAN SUWANRUMPHA / AFP

Après ces accusations, WWF International a conduit une enquête indépendante qui aurait révélé « six crimes violents » dont les suspects principaux ont été adressés à la justice. Pourtant, les dernières révélations de Buzzfeed, parues ce 11 juillet 2019, démontrent que le WWF a dissimulé des viols et des meurtres commis par les gardes forestiers dans le cadre de l’enquête menée aux États-Unis pour déterminer si « l’argent des contribuables américains a pu soutenir des activités ayant abouti à ces atrocités. »

« La conservation de la nature » : du colonialisme vert

En effet, le WWF n’est pas seulement financé par les donations du grand public, mais aussi par des subventions publiques et privées. Pour créer l’aire protégée de Messok Dja, dans une région de la République du Congo, le WWF s’est ainsi associé avec les entreprises forestières industrielles qui financent « largement les éco-gardes », comme le précise le site du WWF.

L’Union Européenne a contribué à hauteur d’1 million d’euros pour créer ce parc, à la condition que les populations indigènes, dont le peuple Baka, soit consentantes et impliquées dans la création de la zone.

Seulement, si le WWF a bien pour principe que tout projet de ce type nécessite le consentement libre, préalable et éclairé des personnes concernées, à savoir les populations locales, la réalité sur le terrain est toute autre pour l’ONG Survival International.

Crédit photo : FLORENT VERGNES / AFP

Depuis dix ans, Survival International assiste à l’exil des Baka, contraints de quitter leurs terres par peur des représailles perpétrées par des écogardes, « laissant ainsi derrière eux la forêt qui leur permet de se nourrir et de se soigner ». Survival International est formelle : les Baka n’ont pas donné leur consentement au sujet de ce parc.

« On essaie de contacter le WWF depuis 1991, ils nous ont répondu qu’ils travaillaient avec le gouvernement pour faire un processus de consentement avec les populations locales. Mais comment un gouvernement qui n’a pas été élu par les gens peut obtenir le consentement de la population ? La réalité, c’est que le WWF préfère faire des partenariats avec des gouvernements accusés de violation des droits de l’homme plutôt que les populations autochtones. » dénonce Fiore Longo, anthropologue et directrice France de l’ONG Survival International, à La Relève et La Peste

L’ONG Survival International milite pour remettre les populations autochtones au cœur de la protection de la nature. Pour eux, la conservation de la nature telle qu’elle est appliquée actuellement par le WWF suit un modèle de « colonialisme vert » où les peuples autochtones, bien souvent des communautés de chasseurs-cueilleurs, sont illégalement expulsés des terres sur lesquels ils vivent, se retrouvant privés de leur maison, source de nourritures et médecines. 

« En Occident, nous n’avons aucun rapport avec la nature qui ne soit pas économique alors que les peuples autochtones vivent en symbiose totale avec elle et ne peuvent pas se permettre de la détruire ou la gaspiller car ils doivent léguer des terres saines aux prochaines générations. Mais ce n’est pas seulement une question d’argent, il y a derrière le modèle de conservation de la nature une idéologie colonialiste raciste où l’homme blanc croit avoir de meilleures connaissances que les peuples autochtones grâce à la science. C’est un biais de pensée énorme, des citadins occidentaux sont persuadés de mieux savoir gérer les forêts primaires que les peuples qui vivent dedans depuis des millénaires. » déplore Fiore Longo, anthropologue et directrice France de l’ONG Survival International, à La Relève et La Peste

Dépendants de la Nature pour vivre, les peuples autochtones sont ses meilleurs gardiens, comme l’a prouvé plusieurs études scientifiques. En Inde, la seule réserve naturelle qui a vu doubler son nombre de tigres est celle où les Soliga, la population autochtone qui vénère les félins, ont pu rester chez eux, ce qui n’est pas le cas des réserves qui accueillent désormais le tourisme de masse. Pour les acteurs de terrain comme les anthropologues, les écogardes sont non seulement en train de détruire des modes de vie millénaires, mais mettent en danger des écosystèmes qui s’en sortaient très bien sans l’intervention des occidentaux.

Pour Fiore Longo, « C’est en cela que consiste la décolonisation de la pensée : ce ne sont pas les occidentaux avec leur argent qui vont sauver les forêts primaires, ce sont les peuples autochtones grâce à leur savoir. La solution la plus efficace et la plus économique est de reconnaître les droits territoriaux des peuples autochtones. »

Image à la une : Beata Zawrzel / NurPhoto via AFP

Laurie Debove

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