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Le PLF 2025 veut supprimer les subventions aux associations écolo jugées « trop extrémistes »

« c'est une incitation à multiplier des “procédures baillons”, visant à museler ou décourager les expressions critiques : une association pourrait se voir ainsi privée d’une large part de ses ressources financières par suite d’une condamnation pour des faits n'entraînant jusqu’ici qu'une amende de quelques centaines d’euros ».

L’examen de la partie recettes du projet de loi de finances 2025 (PLF) s’est ouvert la semaine passée, avec, au total, plus de 3600 amendements déposés et vivement débattus dans l’Hémicycle. Parmi eux, certains inquiètent plus que d’autres de nombreuses organisations environnementales et citoyennes, dont l’avenir et la pérennité pourraient être menacés par des conditions entravant directement leur liberté.

Plusieurs amendements problématiques

De nombreuses associations, environnementales comme syndicales ou encore citoyennes et paysannes, à l’image de Greenpeace France, Générations Futures, Foodwatch France, Réseau Action Climat ou encore WWF France, ont fait part de leur préoccupation le 22 octobre dernier, concernant le possible vote de certains amendements dans le cadre du PLF 2025.

En effet, plusieurs députés du Rassemblement National (RN) et de la Droite Républicaine (DR) ont déposé les amendements I-689, I-848, I-1017, I-1148 et I-1386, qui, selon les organisations signataires du communiqué, « constituent une attaque directe contre les organisations de la société civile qui alertent le public sur les atteintes à l’environnement, la maltraitance animale, ou encore les dérives de l’industrie ou de l’agriculture intensive, par des modes d’action résolument non violents ».

À l’heure actuelle, les dons aux organismes d’intérêt général ou reconnus d’utilité publique basés en France peuvent être déductibles des impôts à hauteur de 66 % de la somme versée, dans la limite de 20 % du revenu imposable. La réduction d’impôt suite aux dons à des associations d’aide aux personnes en difficulté atteint quant à elle 75 % pour un montant inférieur ou égal à 1 000 euros.

Une possible suspension de réduction d’impôts

Mais le vote de ces amendements pourrait bien redistribuer les cartes et menacer délibérément une large partie du fonctionnement habituel des associations. Ces derniers visent en effet à « suspendre les réductions d’impôts dont peuvent bénéficier les donateurs aux associations », si les adhérents de ladite association ont été condamnés pour infraction pénale, dans son sens large.

Cela peut concerner à la fois une intrusion sur un site industriel, de la diffamation, de « la diffusion d’images sans autorisation », de la « provocation à la commission de délits », de « l’occupation d’un terrain appartenant à autrui » ou bien encore « la dégradation de biens ».

Dans l’amendement n°l-848 notamment, déposé par le député RN Jean-Philippe Tanguy, sont avancés les arguments selon lesquels les associations écologistes « radicalisent leurs modes d’action, en s’attaquant à des propriétés et des installations agricoles, en s’attaquant à des œuvres d’art ou par des dégradations de biens publics ».

Une mention toute particulière est portée aux installations nucléaires qui, selon le député, sont « historiquement plus ancrées dans le registre des actions militantes de certaines associations se revendiquant de l’écologie » et qu’il est « à craindre, dans le contexte des débats sur l’avenir énergétique de la France, une recrudescence de ce type d’actions ».

L’évocation d’une violence abstraite qui ne semble alors jamais émaner des forces de l’ordre lors d’occupations de terres ou de manifestations, qui ont, pour ne citer que ces deux exemples, privé de ravitaillement les écureuils de l’A69 (acte dénoncé par le rapporteur des Nations Unies) ou encore tiré des grenades lacrymogènes en direction des manifestants contre les mégabassines de Sainte-Soline.

Un (énième) recours au 49.3 ? 

Le 25 octobre, déjà, deux amendements 1185 et 690 ont été adoptés à l’Assemblée nationale à seulement deux voix de majorité (97 pour – 95 contre). Dans le viseur, des « infractions incluant par exemple “l’entrave à l’activité économique”, “la provocation à la commission d’infractions” ou encore l’utilisation des paroles ou d’images de personnes sans leur consentement ».

Pour Jérôme Frignet, co-directeur des programmes de Greenpeace France, « cet amendement constitue une incitation à multiplier des “procédures baillons”, visant à museler ou décourager les expressions critiques : une association pourrait se voir ainsi privée d’une large part de ses ressources financières par suite d’une condamnation pour des faits n’entraînant jusqu’ici qu’une amende de quelques centaines d’euros ».

Le député breton Corentin Le Fur s’est lui félicité que l’Assemblée nationale ait adopté son amendement pour supprimer l’avantage fiscal des associations qui s’introduisent dans les élevages : « Plus d’argent public pour L214 et les associations extrémistes qui agressent nos agriculteurs et s’introduisent dans leurs élevages ! » a-t-il déclaré.

Pour Brigitte Gothière, cofondatrice de L214 : « Cet amendement constitue une attaque directe contre la liberté d’informer sur les pratiques d’élevage intensif en France. L214 et d’autres associations jouent un rôle crucial pour révéler au grand jour les souffrances endurées par des millions d’animaux dans les élevages et abattoirs, souvent cachées aux yeux du public. En criminalisant leur action, cet amendement cherche à faire taire les lanceurs d’alerte et à protéger une industrie qui redoute la transparence. Cette tentative d’intimidation n’a pas sa place dans une démocratie où le droit d’informer et la liberté d’expression doivent primer. »

À ce jour, les différentes associations demandent plus largement aux députés « de rejeter ces différents amendements, et au gouvernement d’émettre à leur encontre un avis défavorable, y compris si le texte du Projet de Loi de Finances devait être adopté avec l’usage du 49.3 ».

Une demande légitime quand on sait que le conseil des ministres a autorisé, mercredi 23 octobre, le principe d’un recours éventuel au 49.3 sur le projet de loi de finances, si Michel Barnier le juge nécessaire. Le plus probable reste que ce dernier laisse voter les députés en première lecture, même pour rejeter le texte, pour ensuite mieux utiliser le procédé à l’adoption finale du projet de loi.

Les différentes organisations signataires sont décidées à continuer de « défendre sans relâche les libertés d’opinion et de manifestation, si essentielles face aux épreuves que nous traversons et pour la démocratie, et d’alerter les citoyennes et citoyens sur ces dérives sécuritaires ».

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Sources : « Budget 2025 : Et si au lieu d’utiliser le 49.3 en première lecture, le gouvernement allait au vote sur la partie recettes ? », LCP Assemblée nationale, 24/10/2024 / « Budget 2025 : à l’Assemblée nationale, un débat à l’ombre du 49.3 », Le Monde, 21/10/24 / « Budget 2025 : la crise parlementaire couve après six jours de débats », Le Monde, 27/10/24 / « Dons aux associations : à quelle réduction d’impôt avez-vous droit ? », economie.gouv.fr, 30/04/24

Juliette Boffy

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