Nouveau bras de fer pour la taxation européenne sur les transactions financières. En taxant seulement 0,1 % d’actions et 0,01 % de produits dérivés et d’obligations, elle rapporterait chaque année entre 50 et 60 milliards d’euros à l’UE. Une résolution récemment adoptée par le Parlement Européen veut la mettre en place. Dernier pays membre à convaincre : la France.
Ancien rapporteur du budget européen, l’eurodéputé Pierre Larrouturu n’a jamais été aussi proche de son but. Cette année, il n’a pas eu besoin de faire une grève de la faim pour se faire entendre par ses collègues. Adoptée à 55% le 16 février 2023, la résolution du Parlement européen pourrait bien enfin taxer les transactions financières, qui échappent pour l’instant à l’impôt.
« Je n’y croyais pas ! Même 92% de la droite allemande a voté pour et affirmé qu’il est temps de demander un petit effort au marché financier. Le jour-même où le Parlement européen a voté ce texte, la bourse de Paris a enregistré un nouveau record. Il est temps de mettre le secteur de la finance à contribution de la société » explique l’eurodéputé Pierre Larrouturou pour La Relève et La Peste
Le principe est très simple : de la même façon que chacun paie une TVA lorsqu’il achète un bien, quelqu’un qui achète des actions, des produits dérivés ou des obligations devrait lui aussi payer une taxe.
« Le Parlement européen rappelait fin 2020 dans son rapport sur le financement du plan climat que, rien qu’à l’échelle européenne (et malgré le Brexit), une taxe de 0,1 % sur les transactions financières pourrait rapporter jusqu’à 57 milliards d’euros par an, sans toucher au portefeuille du plus grand nombre » rappellent ainsi les élus qui soutiennent la taxe dans une tribune publiée dans Le Monde
Taxer les transactions financières est une vieille idée, d’abord proposée par l’américain John Maynard Keynes au lendemain de la crise de 1929 puis reprise par le prix Nobel d’économie James Tobin dans les années 1970. Cette année, le Parlement européen demande à la Commission et aux États concernés de se mettre d’accord avant la fin du mois de juin. Comme il y a deux ans, c’est la France qui en bloque le lancement.
« Lors du vote de la résolution, Stéphane Séjourné, présidence du groupe centriste au Parlement européen et proche de Macron a voté contre, le FN a voté contre : on voit que les fachos et les ultra libéraux partagent les mêmes dogmes » dénonce Pierre Larrouturou à La Relève et La Peste
Pourtant, une taxe sur la spéculation constituerait une étape décisive dans le financement de la transition écologique en finançant par exemple la rénovation thermique des bâtiments et les transports communs dans les Pays du Nord, et des infrastructures essentielles à l’adaptation au changement climatique dans les pays du Sud.
En 2021, Bruno Le Maire attendait les conséquences du Brexit pour pousser ou non le sujet, en se réfugiant derrière le fait qu’une taxe financière sur les ventes d’action existe déjà en France depuis 2012, soit seulement 1% des volumes.
« Cette taxe existait avant le gouvernement Macron, c’est la preuve que cela ne fait pas fuir les financiers. Avec 99% des échanges toujours non taxés, il n’y a rien de compliqué à comprendre qu’1% des volumes n’est pas suffisant. C’est vrai sujet de société : va-t-on assister au suicide de l’humanité parce que la finance est au-dessus de tout ? Où est l’équité si on ne peut même pas demander 0,1% aux marchés financiers alors que même les plus pauvres paient 5,5% de TVA pour manger ? » interroge Pierre Larrouturou auprès de La Relève et La Peste
Malgré sa réticence, l’étau se resserre autour du gouvernement français qui se retrouve de plus en plus isolé sur la scène internationale. Cette taxe, soutenue par le Programme des Nations unies pour le développement (PNUD) depuis 2011, a désormais aussi le soutien de Joe Biden aux Etats-Unis qui a créé au mois d’août une taxe à 1% sur toutes les entreprises qui rachètent des actions.
Pour la France, le temps est compté : Emmanuel Macron pourrait bien devenir un sujet de moquerie internationale s’il préside le grand Sommet sur le climat qui aura lieu les 22 et 23 juin 2023 à Paris sans argent pour les pays du sud alors que son but est de concrétiser l’accord trouvé lors de la COP27 sur le fonds climatique destiné à aider les pays les plus touchés par le réchauffement climatique
« On veut que l’UE mette en place cette avant le Sommet pour qu’il ne s’agisse pas d’une énième réunion sans résultats. Il faudra se mettre d’accord sur la façon de répartir ces 57 milliards d’euros pour financer la transition écologique et sociale » explique Pierre Larrouturou
L’eurodéputé Pierre Larrouturou voit même plus loin et souhaite ensuite taxer les milliardaires voire imposer une taxe monétaire sur les gens qui achètent du dollar et qui spéculent.
Pour aller plus loin et signer la pétition : https://taxonslaspeculation.com/