Depuis le 4 janvier, des « écureuils » se sont perchés à 6m de hauteur dans une forêt d’Hossegor pour bloquer les travaux de la ligne Très Haute Tension. En lutte depuis plusieurs années contre le projet, la majeure partie de la population soutient les militants écologistes. La Préfecture des Landes et la commune d’Hossegor s’opposent à cette occupation et soutiennent le porteur de projet RTE.
Une occupation dans les cimes
Piloté par la REE (Red Eléctrica de España) et le français RTE (Réseau Transport d’Electricité, filiale d’EDF), ce projet d’interconnexion électrique titanesque vise à relier Cubnezais, en Gironde, à Gatixa, au nord de Bilbao via une ligne Très Haute Tension (THT) de 400 000 Volts en courant continu et longue de 400km.
Depuis trois ans, les habitants se battent contre le projet à travers le collectif « Stop THT 40 » et demandent l’étude d’un tracé alternatif le long de l’autoroute, en vain. RTE refuse purement et simplement d’étudier l’alternative. Alors que les recours en justice traînent en longueur, les travaux de la ligne Très Haute Tension ont démarré tous azimuts dans les Landes sur 27km de longueur dont 7m de large sont défrichés en fonction des besoins.
Face à l’urgence, des « écureuils », ces militants écologistes qui se perchent dans les arbres pour éviter leur abattage, sont donc arrivés en renfort le samedi 6 janvier.
Goupil, dont c’est la première fois en tant qu’écureuil, explique les raisons de son engagement auprès de La Relève et La Peste : « Je suis généralement en colère contre le non-respect du Vivant et je trouve ça important de participer aux luttes écologistes pour empêcher la destruction d’espaces naturels. Là, cela me tient particulièrement à cœur car je viens d’ici. Ce chantier se déroule chez moi, dans les forêts et les dunes de mon enfance. Je devais y participer. »
Leur but : tenir le temps que la demande de moratoire des travaux, déposée en décembre, soit évaluée et construire plusieurs structures pour créer un véritable village suspendu. Leur arrivée a été accueillie chaleureusement par une grande partie de la population qui s’est sentie totalement ignorée par le porteur de projet RTE lors de la concertation publique sur le sujet.
« Pour moi l’occupation a du sens car cela prouve à quel point on peut résister en étant ensemble. Tout n’est pas fait et on sera là jusqu’au bout. Ce projet est complètement gargantuesque et dingue, il est en train de nous pourrir la Région. En tant que papa je suis particulièrement concerné. Nous ne sommes pas du tout écoutés par RTE depuis le début, on nous a même refusé l’entrée à la mairie lors de réunions publiques ! » dénonce Philippe, kinésithérapeute et habitant de Capbreton
Une véritable chaîne de solidarité s’est mise en place pour soutenir les écureuils et leur apporter régulièrement vivres, eau, mais aussi bâches et vêtements chauds par ce temps froid. Ils sont déterminés à rester là aussi longtemps que possible.
Des informations opaques
Face à cette occupation, la Préfecture des Landes a envoyé un courrier aux collectifs engagés dans la lutte pour leur demander d’y mettre fin. Elle est soutenue par la municipalité d’Hossegor. Dans cette lettre, que La Relève et La Peste a consulté, la Préfecture précise notamment que l’espace boisé concerné par l’occupation « ne fera l’objet d’aucune mesure de défrichement ni de coupes d’arbres, seul de l’élagage sera réalisé, si cela est nécessaire et hors période de nidification ».
Une affirmation qui ne convainc par les citoyens vigilants qui ont déjà repéré de nombreux dégâts forestiers sur les différents chantiers en cours sur le territoire. En août dernier, le chantier sous-marin avait ainsi été suspendu par la justice pour non-respect des mesures de précaution
« La réalité sur le terrain est tout autre. Il suffit d’aller voir à l’angle du parking d’Intermarché à Soorts-Hossegor où au lieu d’un « élagage » les arbres ont été tronçonnés que ce soit des chênes-lièges, des chênes ou des pins. A la Clairière aux Chênes, il existe une infrastructure existante à savoir une piste cyclable, ils ne font que la traverser plutôt que la suivre, au détriment de la forêt, c’est inacceptable. Lorsqu’on parle de mesure ERC « Eviter – Réduire – Compenser », on s’aperçoit que le E est totalement absent de ce projet » accuse Marie Darzacq, membre du collectif Stop THT, auprès de La Relève et La Peste.
Un constat partagé par Vague, l’un des écureuils qui s’est installé dans les arbres dans la partie de forêt menacée par le chantier.
« Le mandataire du chantier qui est passé ce matin nous a assurés qu’ils ne feront aucun mal aux racines des arbres, or c’est impossible. A certains endroits, le passage est tellement étroit qu’ils seront obligés d’en enlever pour enterrer les lignes. Enlever les racines, c’est condamner les arbres. Avec un risque de dommages collatéraux en raison du réseau mycorhizien. »
Depuis le début, les citoyens sont également inquiets par les risques sanitaires posés par une telle ligne très haute tension. Ce sera la première fois que des habitants seront exposés à une puissance de 400 000 volts en courant continu qui induit un champ électromagnétique constant. Depuis, la Préfecture promet que des mesures d’ondes électromagnétiques seront faites « sur l’ensemble du tracé, avant et pendant le chantier puis lors de l’activation de la liaison ».
« On nous raconte n’importe quoi sur les risques sanitaires, car ils n’en savent rien, s’agace Philippe auprès de La Relève et La Peste. En tant que professionnel de la santé, je sais très bien que 400 000 volts ce ne sera pas anodin sur la santé des gens. Le pire, c’est que Les Landes sont une grande zone humide, tout communique par de l’eau et on sait très bien que l’eau est conductrice des ondes électromagnétiques. »
Alors que la demande de moratoire immédiat a été déposé au nouveau Premier ministre François Bayrou à Noël, nulle mention de cette demande dans le courrier de la Préfète des Landes, Françoise Tahéri.
« Nous sommes atterrés de voir que la Préfète botte en touche en ce qui concerne notre moratoire, aucune réponse, même pas une allusion » s’étonne Marie Darzacq auprès de La Relève et La Peste.
Le jugement sur le fond a déjà été rejeté par le tribunal administratif d’appel de Bordeaux suite à un vice de procédure causé par la Préfecture qui s’est trompée dans les délais de recours. L’association Landes Aquitaine Environnement a même été condamnée à verser 9000 euros de dommages et intérêts à RTE, un comble. Un système d’adhésion leur permet de les aider à payer ces frais judiciaires.
Alors qu’une enquête pénale est toujours en cours au Parquet environnemental de Bayonne, l’audience sur la légalité de l’autorisation environnementale devrait être menée par la tribunal administratif d’appel de Bordeaux courant 2025, mais la date n’est pas connue.
Les habitants déterminés ne se découragent pas pour autant, galvanisés par l’arrivée des écureuils dans les arbres. Pour attirer l’attention sur ce dossier épineux, le collectif Stop THT a lancé une pétition sur le site de La Relève et La Peste alliant les voix du monde du surf et de l’océan. Ensemble, ils le proclament : l’océan et la forêt doivent être protégés.
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