A partir de juin 2022 et pendant 6 mois, plus de 60 entreprises et près de 3000 salariés au Royaume-Uni ont testé la semaine de quatre jours. L’enquête a été menée par l’ONG 4 Day Week Global ainsi que par des chercheurs et chercheuses de l’université de Cambridge et du Boston College. Les résultats ont été publiés en février 2023 et sont excellents.
Selon Pierre Larrouturou, député européen du groupe Socialistes et démocrates, la grande majorité des secteurs de l’économie sont représentés dans l’étude (services, éducation, santé, industrie). 66 % des entreprises étudiées ont moins de 25 salariés, dans un contexte où l’on évoque souvent les difficultés à mettre en place des semaines de quatre jours dans les petites structures.
Les facteurs de burn-outs ont baissé de 71 %, les jours d’arrêt maladie de 65 %, et les risques de démission de 57 %. En moyenne, leur temps de travail a diminué de 38h par semaine à 34h.
56 des entreprises ayant participé à l’expérience ont annoncé poursuivre dans cette voie, et 18 d’entre elles affirment avoir définitivement adopté la semaine de quatre jours. Le chiffre d’affaires a progressé en moyenne de 1,4 %.
Pierre Larrouturou et Philippe Geluck, dessinateur et chroniqueur, se sont penchés dans un entretien sur la semaine des 4 jours en France comme solution contre la crise sociale, le chômage de près 4 millions de français et pour une meilleure qualité de vie.
Pour Pierre Larrouturou, il est possible de relancer l’activité sans viser la croissance, une formule qui ne fonctionne plus depuis une trentaine d’années, mais en se focalisant sur les besoins fondamentaux des gens.
Il reprend l’idée d’Antoine Riboud, fondateur de Danone, qui en 1993 estimait qu’il fallait descendre à 32 heures par semaine pour créer de l’emploi et ainsi diminuer les cotisations des entreprises pour le chômage, proportionnellement.
En France, la semaine de quatre jours a été expérimentée par 400 entreprises en 1996, avec la loi Robien. Ayant embauché 10 % de salariés en CDI supplémentaires, ces entreprises ont bénéficié d’une exonération de 8 % de leur cotisations sociales. Mamie Nova, avec 800 salariés au départ, a créé 120 CDI. L’entreprise est restée à 4 jours, et est ouverte 6 jours par semaine.
Une réorganisation est nécessaire. Pierre Larrouturou développe pour l’hebdomadaire Politis que la production doit continuer au moins 5 jours par semaine. Chez Mamie Nova, le travail a été enrichi, différentes catégories de travailleurs ont bénéficié de formations à de nouveaux métiers. La diversification des tâches a permis un attrait plus fort pour le travail réalisé.
Selon le magazine mensuel Alternatives Economiques, Laurent de la Clergerie, président fondateur de LDLC, a dressé le bilan de deux années d’expérience de la semaine de 4 jours, dont l’idée lui est venue en 2019, en apprenant que Microsoft Japon avait gagné 40 % de productivité par ce biais.
L’enseigne a connu une croissance de 36 % en deux ans, à effectifs constants (1000 employés) et sans baisser les salaires. Le taux d’accidents du travail, de maladies professionnelles, et d’absentéisme ont été divisés par deux.
Le président explique que le secret réside dans la confiance : « Nous avons laissé les équipes s’organiser et recruter si elles estimaient en avoir besoin. »
Mais il s’agit aussi et surtout de se focaliser sur le bien-être des employés :
« Avoir un troisième jour de repos par semaine, c’est un vrai changement de vie. Cela permet de faire tout ce que l’on n’a pas le temps de faire habituellement. Donc de profiter pleinement de son week-end. »
Sur quatre jours, la charge de travail des salariés a forcément augmenté, mais ils sont également plus détendus.
Pierre Larrouturou commente la proposition d’une semaine de 36 heures en quatre jours de Gabriel Attal pour Politis :
« Si la semaine de 4 jours rallonge les journées, ça n’est pas utile. Parmi les salariés des 400 entreprises qui ont testé ce modèle en France, seuls deux employés ont dit être en faveur de cette proposition. La majorité des salariés préfère les quatre jours et les 32 h qui garantissent les trois points de ce système : qualité de vie, facilité de recrutement et création d’emplois. »
Selon un rapport commandé par le ministère du Travail en 1997, en passant à 32 heures par semaine, on créerait 1,6 millions d’emplois en France.