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Travailler quatre jours par semaine réduirait drastiquement notre empreinte carbone

L’étude a découvert qu’en se dirigeant vers une semaine de quatre jours d’ici 2025, les émissions du Royaume-Uni seraient réduites de 127 millions de tonnes, soit de plus de 20%, ce qui équivaut à retirer des routes l’intégralité des voitures de particuliers.

C’est en analysant des données portant sur le Royaume-Uni que cette étude commandée par l’association Platform (dédiée à la justice sociale et environnementale) montre qu’une réduction du temps de travail à quatre jours par semaine, et sans baisse des salaires, réduirait grandement l’impact de notre économie mondialisée sur la planète.

La surcharge de travail entraîne la surconsommation

Dans les grandes lignes, il s’agit pour l’autrice de montrer que libérer le temps des travailleurs(ses) leur permettrait de passer plus de temps à développer d’autres activités, près des communautés, de leurs territoires et de leurs centres d’intérêts, des activités globalement moins gourmandes en énergies carbones.

Essentiel à cet argumentaire, l’étude montre aussi que l’organisation actuelle, en ne laissant que peu de temps libre, favorise « l’alimentation rapide », la consommation de jouets technologiques et de voyages expéditifs, autant de manières pour celles et ceux qui passent leur temps à travailler de décompresser rapidement.

Cette surconsommation de services et de biens à haute empreinte carbone est simultanément le résultat des opérations massives de publicité mises en place pour écouler des surplus massifs ; et ces surplus d’entreprises sont eux-mêmes le résultat d’avoir passé trop de temps à travailler avec des outils de production ultra-efficaces.

Bien sûr, dans l’angle mort de cette étude, c’est une des dimensions fondamentales de l’économie capitaliste qui est remise en question. En celle-ci, l’on demande aux employés de travailler plus que ce qui est nécessaire pour reproduire la valeur de l’entreprise, afin de créer un surplus. Ce surplus peut alors être distribué sur de nouveaux marchés et générer un profit que les propriétaires ont le droit de garder pour eux-mêmes.

Lorsqu’on parle de réduire le temps de travail sans baisser les salaires, on parle donc d’éliminer du temps de travail servant à maximiser les capacités de profits des propriétaires, et de gagner du temps pour développer ses activités, relations et centres d’intérêts à l’écart de toute injonction hyper-productiviste.

Un changement de paradigme

C’est dans un article de The Guardian que cette étude s’est fait connaître. Avec un chiffre choc :

« l’étude a découvert qu’en se dirigeant vers une semaine de quatre jours d’ici 2025, les émissions du Royaume-Uni seraient réduites de 127 millions de tonnes, soit de plus de 20%, ce qui équivaut à retirer des routes l’intégralité des voitures de particuliers. ».

En ce qui concerne sa dimension sociale, on compte parmi les vertus de la semaine de quatre jours l’amélioration de la santé mentale et physique des personnes, le renforcement des familles et des communautés et même, à terme, la création de nouveaux emplois.

C’est qu’en ayant plus de temps à consacrer à sa vie, aux problématiques de son milieu et aux centres d’intérêts partagés avec d’autres, les personnes sont mieux disposées à monter des projets d’entreprise ou des initiatives publiques.

Plus urgemment, nombreuses sont les voix au Royaume-Uni qui proposent la semaine de quatre jours comme rempart viable contre la montée du chômage suite à la crise du Covid. Les postes pourraient alors être partagés entre plus de personnes, les entreprises pouvant alors miser sur une meilleure qualité de production pour monter leurs prix et payer ces nouveaux frais.

En ce qui concerne la dimension écologique, la semaine de quatre jours pourrait être un élément décisif pour adresser l’enjeu du réchauffement climatique.

« Non seulement cela réduirait les émissions des lieux de travail à haute consommation d’énergie et de transports, mais en plus cela pourrait contribuer à baisser l’empreinte carbone des biens consommés au Royaume-Uni mais produit ailleurs ».

Dans l’étude, l’autrice défend sur la base de recherches menées en France que le rythme de 35 heures par semaines (relativement bas par rapport à d’autres pays) permet de développer plus d’activités « bas-carbone », dont les valeurs sont plus centrées sur la réflexivité et sur la construction de relations entre amis, familles et membres de mêmes communautés plutôt que sur ce qu’apporte l’utilisation de commodités coûteuses en termes d’argent et de ressources naturelles.

Pour soutenir ce dernier argument, l’autrice de l’étude utilise notamment cette recherche sur les schémas de consommation des Français. Cette étude montre que ce sont ceux qui travaillent le plus dans la population qui ont les schémas de consommation les plus coûteux en termes écologiques.

Un constat qui suggère que la baisse du temps de travail pour ces personnes, à salaire égal, leur permettrait de se dégager de ce type de consommation et de se tourner vers des modes de vie plus viables.

Graphique tiré de l’étude commandée par Platform

« Investir dans le capital humain »

Si l’argumentaire de la semaine de quatre jours est d’abord porté par les mouvements de défense des intérêts et des droits des travailleurs, l’urgence écologique et le langage des nouvelles techniques de management (qui privilégient la qualité à la quantité) lui ont offert une progressive popularité dans le milieu des grandes entreprises.

Ainsi, Unilever, la multinationale née au sein de l’économie coloniale des Royaume-Uni, met depuis Novembre 2020 la semaine de 4 jours à l’essai dans ses locaux en Nouvelle-Zélande.

« Pour nous, il s’agit d’obtenir une meilleure productivité à partir de lieux de travail plus efficient… il n’y a pas de mauvais côté pour nous » témoigne pour le Guardian Andrew Barnes, businessman Néo-Zélandais militant pour la semaine de quatre jours.

L’autrice de l’étude de Platform ne cache d’ailleurs pas qu’il y a aujourd’hui une opportunité de faire passer cette réforme dans le langage du nouveau management.

« Une semaine de travail plus courte pourrait être cadrée comme un investissement dans le capital humain, en une période où la contribution et la créativité de chacun est requise pour imaginer la société durable de demain. Les données venant d’Utah (après son expérience d’un an où les fonctionnaires avaient des semaines de quatre jours) ont montré le résultat inattendu d’un accroissement du bénévolat. Ceci soutient l’idée que beaucoup de travailleurs veulent être plus impliqués dans la transformation méliorative de la société et le font lorsqu’on leur en donne l’opportunité. »

Pour autant, elle souligne que si les entreprises réduisent le salaire en même temps que le temps de travail, ou qu’elles en profitent pour remplacer la force de travail de leurs employés par des machines, les gains sociaux et écologiques de la semaine de 4 jours auront été neutralisés.

De même, si une politique de valorisation des activités en plein air, culturelles et sportives n’est pas menée, et que les entreprises continuent à pouvoir promouvoir par leurs dispositifs massifs de publicité des activités à haute émission, la réforme n’aura pas l’impact souhaité.

La lutte autour des modalités sous lesquelles une telle semaine est mise en place sera donc cruciale pour qu’elle serve effectivement à l’intérêt général.

Pour suivre les développements de ce mouvement et éventuellement participer à son émergence en France, nous vous renvoyons vers le site du mouvement pour une semaine de 4 jours https://www.4dayweek.co.uk/why , et vers la campagne #FridaysForFuture, lancée aux Etats-Unis, qui défend le droit d’être libéré de son temps de travail salarié pour avoir le temps de s’engager dans des causes globales.

Crédit : Dmitry Shamis

Pierre Boccon-Gibod

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