Depuis le 1er septembre, le dispositif « Oui Pub », une interdiction par défaut des prospectus distribués dans les boîtes aux lettres, est expérimenté dans une quinzaine de territoires. Signe-t-il la fin d’un système accusé de gaspillage, ou le transfert de la pollution d’un support à un autre ?
894 000 tonnes : c’est le poids de tous les catalogues, prospectus et autres publicités déversés dans les boîtes aux lettres françaises pour la seule année 2019. Selon l’Agence de la transition écologique (Ademe), ce chiffre représente une moyenne de 30 kilos de brochures commerciales par foyer, dont les neuf dixièmes sont imprimés par la grande distribution.
Pour remédier à cette pollution annuelle massive, la Convention citoyenne pour le climat avait préconisé, en 2020, d’« interdire le dépôt des publicités dans les boîtes à lettres » dès l’année suivante, entre autres mesures de lutte contre la surconsommation et le gaspillage.
Promulguée en juillet 2021, la loi Climat et Résilience, moins ambitieuse, n’a retenu de cette proposition qu’un mécanisme, « Oui Pub », conçu par l’exécutif comme un instrument de transition censé « évaluer l’impact » d’une possible interdiction « sur la production et le traitement des déchets papier », ainsi que « ses conséquences sur l’emploi, sur les secteurs d’activité concernés [et] les comportements des consommateurs ».
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La logique du gaspillage inversée
Concrètement, « Oui Pub » est une expérimentation grandeur nature à laquelle participeront, pendant trois ans et sous la houlette de l’Ademe, 14 collectivités territoriales telles que Métropole du Grand-Nancy, Grenoble-Alpes Métropole, la Corse, l’agglomération d’Agen ou la ville de Bordeaux, qui se sont toutes portées volontaires.
Ainsi, depuis le 1er septembre, les 2,6 millions d’habitants de ces territoires ne reçoivent plus de publicité papier à moins d’avoir appliqué, sur leur boîte aux lettres, un autocollant « Oui Pub » avertissant les annonceurs qu’ils peuvent y déposer des promotions.
Remplaçant le célèbre « Stop Pub » – que l’Ademe voyait stagner, depuis plusieurs années, à moins de 20 % des boîtes aux lettres –, le nouveau dispositif en inverse aussi la logique : au lieu d’être distribuées à l’aveugle, les publicités parviennent à des consommateurs consentants, ce qui minimise les chances que ceux-ci les jettent à la poubelle sans les avoir lues.
Changement de support, transfert de pollution
Début 2025, à l’issue des trois années d’expérimentation, le gouvernement remettra au Parlement un rapport d’évaluation du dispositif, sur les fondements duquel sera décidée, ou non, sa généralisation au reste de la France.
Une chose est sûre : avec « Oui Pub », la publicité ne disparaîtra pas, la pollution non plus. L’une et l’autre seront sans doute transférées de l’imprimé au numérique, tout aussi énergivore et consommateur de ressources naturelles.
Le comité d’évaluation devra donc déterminer si le numérique est réellement plus favorable que le papier à une somme d’indicateurs environnementaux (déchets, énergie, affectation des sols, usage de l’eau, etc.).
Quant aux emplois – le marché français de la distribution d’imprimés publicitaires compte 15 000 équivalents temps plein –, il y aura quelques sacrifices. Mais le secteur n’est-il pas déjà en déclin ?
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