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La mairie de Lille décrète à son tour un moratoire sur la 5G

Au regard de la récession que traverse la France à cause de l’épidémie, les investissements nécessaires au déploiement de la 5G ne lui paraissent nullement prioritaires, de même qu’ils vont à l’encontre des « enjeux de sobriété numérique », puisqu’ils entraîneront d’ici peu l’obsolescence de tous les appareils électroniques existants et (certainement) une multiplication des objets énergivores.

La résistance des élus locaux prend de l’ampleur. Après Bordeaux, Grenoble, Tours ou encore Lyon, la Capitale des Flandres vient de rejoindre le groupe des grandes villes opposées à une installation précipitée de la cinquième génération de téléphonie mobile (5G) sur leur territoire.

Dans la nuit du vendredi 9 au samedi 10 octobre, au terme de plusieurs heures de débat, le conseil municipal de Lille a adopté un moratoire sur le déploiement de la 5G, qui « prendra effet au moins jusqu’à la publication du rapport attendu de l’Anses en 2021 ».

En attendant, toute autorisation d’implantation ou d’allumage d’antennes « test » liées à la 5G est suspendue dans l’ensemble de la commune, qui affirme agir en vertu du « principe de précaution ».

« Les rapports officiels publiés ces derniers mois sur l’impact sanitaire de la 5G ne permettent toujours pas aux instances les plus compétentes d’exclure tout risque réel sur les populations en lien avec l’exposition à cette nouvelle technologie », expliquent les élus du groupe Lille en commun dans le texte du moratoire.

Dans un rapport préliminaire mené en 2019 et publié au début de l’année 2020, l’Agence nationale de sécurité sanitaire, de l’alimentation, de l’environnement et du travail (Anses) déplorait « un manque important, voire une absence de données relatives aux effets biologiques et sanitaires potentiels » des fréquences de 3,5 GHz propres à la 5G.

Lire aussi : « La 5G, une technologie aux conséquences mortelles »

En matière de risques pour les êtres humains, les animaux et les insectes, l’incertitude règne, aucun expert ne semble en mesure d’analyser les dangers que comporterait une exposition à la 5G sur le long terme.

 Alexandre Van Thuan

Si un rapport complet de l’Anses est prévu pour 2021, le chef de son unité Agents physiques, Olivier Merckel, a déjà annoncé qu’il n’y aurait pas « de réponse tranchée », notamment en ce qui concerne les téléphones portables, qui entrent en contact permanent avec le corps. Faute de temps et de données, les scientifiques seront contraints d’extrapoler un certain nombre de travaux antérieurs et des études menées à l’étranger.

Mais le volet de santé publique ne constitue pas l’unique préoccupation invoquée par la mairie lilloise pour adopter son moratoire. Au regard de la récession que traverse la France à cause de l’épidémie, les investissements nécessaires au déploiement de la 5G ne lui paraissent nullement prioritaires, de même qu’ils vont à l’encontre des « enjeux de sobriété numérique », puisqu’ils entraîneront d’ici peu l’obsolescence de tous les appareils électroniques existants et (certainement) une multiplication des objets énergivores.

Une telle innovation à marche forcée est-elle guidée par l’intérêt général, ou « les intérêts privés d’acteurs industriels et tertiaires » ? Le texte du conseil municipal pose ouvertement la question.

Lire aussi : « La 5G est un projet de société auquel les citoyens n’ont jamais été associés »

Depuis plusieurs mois, « l’ultra-connectivité » promise par les promoteurs de la 5G est remise en cause. Citoyens, associations, députés, maires écologistes fraîchement élus, une large frange de la population française tente de freiner l’empressement du gouvernement à déployer une technologie dont on ne connaît pour l’instant aucun impact réel et qui ne semble obéir qu’à des objectifs de croissance outrancière.

Pourtant, la grande majorité de la société civile ne réclame que « la tenue d’un débat démocratique décentralisé sur la 5G et sur les usages numériques », selon les termes employés par une soixantaine d’élus de tous bords, dans une tribune publiée le 12 septembre 2020 dans le JDD.

Outre « le principe de précaution », « la facture numérique » et « l’accaparement des données personnelles », les désignés « opposants » à la 5G cherchent surtout à se réapproprier des technologies qui échappent de plus en plus au contrôle des citoyens.

A Lille, 235 592 habitants seraient exposés à la 5G – Crédit : Jamain

Face à ces exigences légitimes, le gouvernement choisit de passer en force, sans débat, consultation ni évaluation sérieuse. Lundi 14 septembre, devant un parterre de représentants de la « French Tech », à l’Élysée, le président de la République a déclaré que ceux qui défendent « le modèle Amish » et le retour « à la lampe à huile » n’empêcheront pas la France de « prendre le tournant de la 5G ».

Chose promise, chose due : fin septembre, après des enchères expédiées en quatrième vitesse, les opérateurs principaux de France (Bouygues Telecom, Free, Orange et SFR) se sont partagé les fréquences 5G. Ils comptent lancer les premiers abonnements d’ici la fin de l’année, « avant Noël », évidemment. L’État a empoché près de trois milliards d’euros. 

La surdité du gouvernement et la verticalité de ses décisions sont peut-être les raisons pour lesquelles de plus en plus de villes se présentent aujourd’hui comme des bastions de résistance.

En un mois à peine, l’Assemblée de Corse, la métropole de Bordeaux, la commune de Saint-Herblain (Loire-Atlantique) et la ville de Lille ont adopté un moratoire sur le déploiement de la 5G, tandis que le Conseil de Paris a décidé d’organiser une simple consultation citoyenne métropolitaine sur la question. Une manière de botter en touche. D’autres villes comme Grenoble, Besançon ou Lyon pourraient prendre très prochainement des mesures similaires.

Lire aussi : « 5G : les opérateurs de téléphonie attaquent Grenoble en justice »

Les municipalités ont-elles le droit de refuser la 5G ? Selon trois décisions rendues le 26 octobre 2011 par le Conseil d’État, « seules les autorités de l’État désignées par la loi (ministre, ARCEP, ANFR) sont compétentes pour réglementer de façon générale l’implantation des antennes relais de téléphonie mobile. »

Les mairies n’ont aucun droit de regard vis-à-vis de ces technologies émettant des champs électromagnétiques, quand bien même elles invoqueraient le principe de précaution. Cependant, signale à France Info l’avocat spécialisé en droit de l’environnement David Deharbe, « le principe de précaution reste certainement utilisable » avec la 5G, puisqu’il s’agit d’une « technologie dont on n’a pas encore la preuve qu’elle n’est pas dangereuse ».

Les opérateurs pourraient donc attaquer les communes réticentes, mais ces éventuels procès auraient une issue incertaine et risqueraient de susciter de nouveaux débats peu désirables. Dernière arme à disposition des maires : le Plan local d’urbanisme (PLU), que les projets d’antennes-relais doivent respecter, ainsi que le Code de l’urbanisme protégeant les paysages naturels et les monuments.

Augustin Langlade

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