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La justice interdit à Marineland d’envoyer les orques à l’étranger le temps d’évaluer leur état de santé

En France, la loi de 2021 a mis un terme à la captivité des animaux sauvages dans les cirques itinérants et les delphinariums. Là où le bât blesse, c’est qu’aucun sanctuaire marin n’a été créé par la France, malgré les demandes répétées de nombreuses associations.

Rebondissement dans l’affaire qui opposait les associations de protection des animaux à Marineland. Le célèbre delphinarium était soupçonné de vouloir déplacer les orques au Japon, suite à une opération de grande envergure dans leur bassin en Janvier. Le tribunal judiciaire de Grasse vient d’interdire à Marineland de les déplacer avant la fin de l’expertise indépendante sur leur santé, jugée préoccupante par les associations.

Des décès en série pour les orques de Marineland

Suite au référé déposé par One Voice, le tribunal judiciaire de Grasse interdit à Marineland de déplacer les orques avant la fin de l’expertise indépendante décidée par la cour d’appel d’Aix en Provence le 21 septembre dernier, sous peine d’astreinte en cas de manquement. « Un premier pas d’étape » pour les associations.

Marineland exploite le parc zoologique marin éponyme, fondé en 1970 et s’étendant à Antibes sur plusieurs hectares. Ce parc hébergeait jusqu’à récemment quatre orques : Inouk, mâle de 23 ans, sa sœur Wikie âgée de 20 ans et les deux fils de celle-ci, Moana âgée de 12 ans et Keijo, âgé de 7 ans, dans un complexe de cinq bassins dont un grand bassin principal, utilisé pour les spectacles, et un bassin dit médical, pouvant être mis à sec pour l’examen et les soins des animaux.

Cette expertise doit évaluer leur état de santé. Le doyen Inouk a d’importants problèmes dentaires à force de ronger les parois de son bassin. L’adolescent Keijo connaîtrait une perte de poids significative anormale pour son âge, et Wikie, âgée de 20 ans, est probablement en deuil suite au décès de son fils aîné, Moana, en octobre dernier.

Wikie a vu beaucoup de ses congénères mourir dans les bassins du parc d’attractions. Son père Kim II, capturé en octobre 1982 en Islande, est décédé le 23 novembre 2005 à l’âge de 27 an. Sa mère Sharkane, capturée en octobre 1989, est morte en 2009 d’une septicémie à l’âge de 23 ans. Son demi-frère Valentin a également trouvé la mort dans les eaux de Marineland en 2015, suite à de violentes inondations, à l’âge de 19 ans.

A l’état sauvage, les orques vivent en moyenne 80 à 90 ans pour les femelles et de 50 à 60 ans pour les mâles. Les causes du décès brutal de Moana à l’âge de 12 ans, dans la nuit du 17 au 18 octobre 2023, n’ont pas encore été déterminées

Invoquant la mauvaise qualité apparente de l’eau des bassins et l’état de santé dégradé des orques de Marineland, et plus particulièrement de Moana et Inouk, l’association One Voice a saisi le juge des référés du tribunal judiciaire de Grasse pour demander une expertise de santé indépendante.

Les trois orques à Marineland

Les trois orques survivantes à Marineland

Transfert de captivité pour les orques ?

En France, la loi de 2021 a mis un terme à la captivité des animaux sauvages dans les cirques itinérants et les delphinariums. Les spectacles seront interdits à partir du 1er décembre 2026. Au-delà de cette date, les animaux marins devront être hébergés dans des sanctuaires marins ou faire l’objet de programmes de recherches scientifique. Or ces programmes existent déjà, « ils ont toujours été une condition sine qua non pour détenir ces animaux » rappelle One Voice.

Là où le bât blesse, c’est qu’aucun sanctuaire marin n’a été créé par la France, malgré les demandes répétées de nombreuses associations qui ont lancé une pétition. Si c’est toujours le cas en 2026, les orques devront être déplacées dans d’autres delphinariums à l’étranger.

Officiellement, ce déplacement n’est pas censé faire l’objet d’une vente car toute vente est interdite s’agissant d’espèces protégées. La question du coût de leur transfert potentiel pose donc un souci et les ONGs se méfient des tractations passées en catimini. Elles estiment qu’une orque pourrait valoir jusqu’à 2 millions de dollars, « bien plus rentable qu’un sanctuaire ».

Ce qui a mis le feu aux poudres, c’est un « exercice d’évacuation » pour les 3 orques survivantes au Marineland d’Antibes, le 9 janvier, « au mépris du stress immense que cela implique pour les animaux » a dénoncé Sea Shepherd France.

L’opération de vaste ampleur, dans le bassin médical quasi-intégralement vidé de son eau, a entre autres mobilisé une grande grue de levage, ayant pour finalité de s’assurer que les orques pourront se positionner de manière volontaire sur des brancards fabriqués sur mesure, destinés à être soulevés par la grue.

Si Marineland l’a bien présenté comme un « entraînement dans l’hypothèse d’un déplacement », le delphinarium a réfuté tout départ imminent. Or, de nombreux indices prouvaient l’inverse : les spectacles d’orques stoppés dès février 2024, la publication sur Instagram de la fille du directeur général du parc Marineland qui évoque clairement la fin de l’activité du parc, le départ des orques et le fait qu’elle avait l’intention d’aller les voir au « à Suma très bientôt ».

Et justement, parmi les destinations possibles évoquées dans les articles de presse figure le « Kobe Suma Sea World » situé au Japon. Certains articles publiés dans des médias japonais informent ainsi de « la venue d’orques depuis la France très bientôt ». Pire, l’association « C’est assez ! » accuse le Japon de vouloir utiliser les orques comme « animaux reproducteurs pour perpétrer une industrie de malheurs », suite à l’annonce de la création d’un centre de conservation et de reproduction à Kobe pour promouvoir l’élevage des cétacés.

« Il est indispensable de ne rien précipiter et de mettre en place une solution de sortie digne, qui soit l’équivalent d’une amélioration des conditions de vie de ces animaux et non d’une détérioration, voire pire ! Des alternatives existent et elles doivent être tentées », plaide Lamya Essemlali, présidente de Sea Shepherd France.

Face à cet amoncellement d’indices, le tribunal judiciaire de Grasse a donc interdit à Marineland de déplacer les orques avant la fin de l’expertise indépendante sur leur santé. Cette décision était particulièrement attendue par les associations, dont One Voice qui a déposé le recours.

Marineland, de son côté, explique qu’elle a une certification « Humane Certified » sur le traitement des orques, et rappelle que deux experts mandatés par le ministère de la Transition écologique ont émis des rapports favorables sur les cétacés, suite à leur audit en novembre 2023.

One Voice s’est déclarée « satisfaite que le tribunal ait reconnu la nécessité de laisser les orques au sein du parc le temps de l’expertise, afin de permettre l’examen par les experts de la famille de cétacés. L’expertise sera également l’occasion d’observer les interactions des trois individus, l’état des installations du parc ainsi que la qualité de l’eau ».

L’interdiction prendra effet « jusqu’à la fin des opérations d’expertises et le dépôt du rapport d’expertise des deux experts désignés par ordonnance et par décision de la cour d’appel d’Aix-en-Provence du 21 septembre 2023, sous astreinte de 50.000 euros par jour de manquement à cette interdiction ».

Un délai de 4 mois est imparti à l’expert pour mener son rapport. Marineland estime que les associations font du lobbying pour obtenir du gouvernement français la création d’un sanctuaire marin en France.

Pour les associations, l’important est de tout tenter pour redonner un espace de liberté aux orques. Parmi les pistes envisagées, la présidente de One Voice milite pour que ces trois orques prennent la direction d’un sanctuaire situé en Nouvelle-Écosse, une province canadienne à l’extrême est du pays.

Sources : « Marineland d’Antibes et les orques : retour sur 53 ans de captivité, de vies et de morts », France3Régions, 11/01/2024 / « Après la mort soudaine de l’orque Moana à Marineland, les associations de défense animale réagissent : « la honte ! » » France3Régions, 19/10/2023 /

Laurie Debove

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