En France, un logement sur dix est une résidence secondaire, faisant de notre pays celui au monde où il y en a le plus par habitant. Massivement présentes sur le littoral ou en altitude, on les trouve aussi dans les intercommunalités les plus densément peuplées. En plus de la spéculation immobilière, ce phénomène participe à l’aggravation de la crise écologique sur certains territoires en entraînant les communes à construire toujours plus de logements.
Nombre de résidences secondaires en France
En France, les résidences secondaires se trouvent sur le littoral (40 %) ou en altitude (16 %), mais aussi dans les intercommunalités les plus densément peuplées, hors littoral et montagne, pour 12 % d’entre elles selon le recensement récent de l’INSEE. Contrairement aux idées reçues, les « riches étrangers » ne sont pas les plus grands propriétaires : seule 1 résidence secondaire sur 10 appartient à une personne résidant à l’étranger.
« Parmi les résidences secondaires détenues par un ménage résidant en France, 2 sur 3 le sont par un ménage de 60 ans ou plus, et même 3 sur 4 dans certaines zones littorales. 34 % d’entre elles sont détenues par des ménages aisés. Les résidences secondaires, surtout lorsqu’elles sont détenues par un ménage aisé, sont situées souvent loin de la résidence principale du détenteur : à 3 heures de route ou plus pour 38 % de celles dont le ménage détenteur réside en France » décrypte l’INSEE
Combien y a-t-il de résidences secondaires en France ? Les Parisiens en sont les grands champions : 348 000 ménages détenteurs d’une résidence secondaire habitent à titre principal dans la métropole du Grand Paris. Les huit autres intercommunalités où les ménages détenteurs habitent le plus souvent sont toutes de grandes métropoles : Aix-Marseille-Provence et Lyon (avec chacune plus de 55 000 ménages concernés), Toulouse, Bordeaux, Nantes, Lille et Nice (de 32 000 à 24 000 ménages) et Rennes avec 20 000 ménages.
En France, le profil type d’un propriétaire de résidence secondaire est donc une personne âgée de nationalité française résidant en métropole, dont la distance avec son second lieu de villégiature se situe à 3h de route ou plus.
Et le fait d’avoir une résidence secondaire en France n’est pas prêt de s’arrêter nous apprend l’INSEE. Depuis le début des années 2010, le nombre de résidences secondaires et de logements occasionnels augmente plus vite que l’ensemble du parc immobilier alors qu’il avait progressé de façon moins soutenue que ce dernier à partir de 1992.
Les DOM sont elles plus épargnées par le phénomène : en 2022, dans les DOM, 81 % des logements sont des résidences principales, 6 % des résidences secondaires ou logements occasionnels et 13 % des logements vacants.
Un facteur aggravant de la crise du logement
Dédiées à une occupation non permanente, les résidences secondaires ont un impact ambivalent sur les territoires. Il est à la fois positif à certaines périodes de l’année par l’accueil de touristes et l’activité économique que leur présence induit, mais aussi négatif lorsqu’elles deviennent une contrainte empêchant l’accès aux logements des locaux.
C’est particulièrement vrai dans certaines zones, notamment littorales, où les résidences secondaires sont un facteur aggravant de la crise du logement que traverse la France alerte l’INSEE. Sur les communes de la façade atlantique, elles représentent en moyenne 22,5 % des logements (soit trois fois plus que dans le reste de la région) et jusqu’à 50 % dans les zones plus touristiques.
La croissance des résidences secondaires, en particulier quand la densité de logements et de population est importante, entraîne alors une hausse des prix immobiliers qui empêchent l’accès à la propriété pour les habitants permanents qui ont des revenus plus faibles. Les propriétaires des résidences secondaires du littoral néo-aquitain ont en moyenne un niveau de vie 1,5 fois supérieur aux locaux.
« Dans des communes, leur taux dépasse les 70%. Catastrophe environnementale, désertification, gentrification, remettre en collectivité le logement devient prioritaire ! Par mise en collectivité, j’entends la réintégration du marché du logement dans un projet de territoire pensé collectivement. Peu importe que le logement soit privé ou public, la source du problème c’est la déconnexion du marché et d’un horizon commun pour chaque lieu ! » résume le géographe et anthropologue Damien Deville
Face à l’ampleur du phénomène, le gouvernement français a décidé de supprimer la taxe d’habitation pour les résidences principales et de surtaxer les résidences secondaires, afin d’inciter les propriétaires à remettre les logements sur le marché immobilier. Plus de 5000 communes sont concernées à partir de cette année. Une mesure insuffisante pour certains observateurs.
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« Aujourd’hui, seule la majoration d’un taux maximum de 60% de la taxe d’habitation peut être mise en place par les communes de la zone tendue. Or, même fixée à son plafond maximal de 60%, cette surtaxe n’a aucun effet dissuasif sur les propriétaires des résidences secondaires puisqu’elle représente à peine quelques centaines d’euros par an. » explique Nikolas Blain, porte parole d’EH Bai, pour La Relève et La Peste, qui avait occupé la résidence secondaire de Bruno Le Maire
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En Bretagne, qui compte 250 000 résidences secondaires, des élus se battent pour instaurer un statut de résident afin de soumettre l’achat d’un bien immobilier à certaines conditions et notamment celle de vivre et travailler sur le territoire depuis un an ; sans aucun autre critère d’origine, de langue ou touchant à la vie privée.
L’habitat, un impact écologique
Au contraire, d’autres communes continuent à construire toujours plus de logements, pour répondre à la demande.
« Pour expliquer la hausse du nombre de logements, il faut ajouter à la démographie, deux autres phénomènes : la décohabitation et la métropolisation. La décohabitation, c’est la réduction du nombre d’occupants par logement en raison des modes de vie : plus de séparations, plus d’études, vieillissement de la population. On est passé de 3,1 personnes par logement dans les années 1960 à 2,2 de nos jours. La métropolisation, quant à elle, concentre les populations sur les territoires des grandes villes et en vident certains autres. Cela aboutit à « produire » des logements vides pendant qu’on en construit d’autres ailleurs. Le stock de logements augmente chaque année de 350 000 unités, dont 250 000 résidences principales, 50 000 résidences secondaires et de tourisme et 50 000 logements vacants. Tout cela explique pourquoi, hélas, on artificialise les sols deux à quatre fois plus vite que l’augmentation de la population. » explique l’ingénieur Philippe Bihouix, auteur de « La ville stationnaire ; Comment mettre fin à l’étalement urbain », pour GoodPlanet Info
Et cette construction incessante de bâtiments est loin d’être neutre : 68 % de la consommation d’espaces est à destination de l’habitat. En France, les opérations de moins de 8 logements par hectare sont responsables de 51 % de la consommation d’espaces (dont 30 % pour les opérations de moins de 5 log / ha), pour une production de logements modérée (19 % du total). De manière générale, ce sont ces opérations peu denses (moins de 8 logements par hectare) qui pèsent sur la consommation d’espaces des communes. Aujourd’hui, il est estimé que seulement la moitié du territoire métropolitain français reste peu anthropisée.
Or, la disparition de leurs habitats est la première cause d’extinction de la biodiversité. Cette colonisation des territoires par l’humain au détriment des autres espèces, animales ou végétales, entraîne d’autres pressions sur le Vivant : surexploitation des ressources, changement climatique, introduction d’espèces exotiques envahissantes
En 2020, nous vous expliquions ainsi comment l’explosion des résidences secondaires menaçaient la tortue d’Hermann en Corse, espèce protégée qui est le reptile le plus menacé à l’échelle européenne et mondiale. L’accaparement du foncier, qu’il s’agisse de résidences secondaires ou de logements destinés à la location touristique, pose donc à la fois un problème social et écologique en France.
A l’inverse d’autres pays ont été radicaux dans leur façon d’endiguer le phénomène : depuis 10 ans, la Suisse limite à 20 % le nombre de résidences secondaires dans chaque commune suite à un référendum décidé par le peuple, préservant les vallons enherbés du pays et attisant la colère des promoteurs immobiliers.
Sources : « Philippe Bihouix : « la vraie ville « smart », c’est celle qui repose avant tout sur l’intelligence de ses habitants » », Goodplanet, 07/12/2022 / Portail de l’artificialisation des sols, Cerema