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Historique : le peuple équatorien vote l’arrêt des forages pétroliers dans une réserve naturelle unique au monde

À l’heure où la crise climatique s’intensifie dans le monde entier et où la forêt amazonienne approche rapidement d’un point de bascule irréversible risquant de la transformer en Savane, l’Équateur est l’un des premiers pays au monde à fixer des limites à l’extraction des ressources par le biais d’un vote démocratique.

Dimanche, une majorité d’Équatoriens a banni à travers un référendum national toute exploitation pétrolière de la réserve amazonienne de Yasuni, dans l’est du pays. Une victoire historique après 10 ans de lutte pour protéger l’un des endroits les plus riches en biodiversité de la planète, foyer de plusieurs peuples autochtones non-contactés.

Une décision historique

Dimanche 20 août ont eu lieu des votes importants en Equateur. D’une part, en plein milieu d’une crise politique nationale, des élections générales anticipées ont placé Luisa González, la dauphine de l’ex-président Rafael Correa, aujourd’hui en exil, en tête du premier tour de la présidentielle en Équateur.

Surtout, un référendum a été organisé pour savoir si les équatoriens voulaient arrêter l’exploitation pétrolière d’Ishpingo, Tambococha et Tiputini (ITT), connu sous le nom de « bloc 43 », d’où sont extraits 12% des 466’000 barils/jour produits en Équateur. Le peuple a décidé de bannir les forages pétroliers à 59% des voix, une décision historique après dix ans de lutte.

Le bloc 43 se situe dans le parc national de Yasuní, l’un des endroits les plus riches de la planète sur le plan écologique, qui s’étend sur près d’un million d’hectares de forêt humide et primaire. Territoire historique des Waorani, le parc abrite aussi des peuples autochtones qui refusent tout contact avec les étrangers : les Tagaeri, Dugakaeri et Taromenane.

« Le peuple équatorien, soucieux de la vie, solidaire de nos frères et sœurs tagaeri, taromenane et dugakaeri non contactés, a dit “oui à Yasuní” lors du référendum du 20 août. Nous avons sauvé leur territoire, leur vie, leur souveraineté alimentaire et leurs médicaments dans la forêt sacrée de Yasuní » a déclaré Leonidas Iza, président de l’organisation nationale autochtone équatorienne CONAIE

L’entreprise publique Petroecuador était jusqu’à présent autorisée à intervenir sur quelques 300 hectares du Yasuni. Elle dit en avoir exploité « seulement » 80 hectares pour l’instant. Suite au résultat du référendum, elle dispose désormais d’un an et demi pour mettre fin à ses activités dans la région.

A ce jour, Petroecuador a investi plus de 2 milliards de dollars pour extraire le pétrole de la parcelle. Elle va devoir dépenser un demi-milliard supplémentaire pour démanteler les kilomètres d’oléoducs, des centaines de puits de pétrole et une douzaine de plateformes.

La compagnie pétrolière nationale Petroecuador produit plus de 57 000 barils de pétrole par jour, soit environ 12 % de la production pétrolière de l’Équateur. Le gouvernement, qui s’opposait au référendum, estime les pertes à 16,47 milliards de dollars sur 20 ans si le bloc est laissé intact.

Crédit : Clinton N. Jenkins

À l’heure où la crise climatique s’intensifie dans le monde entier et où la forêt amazonienne approche rapidement d’un point de bascule irréversible risquant de la transformer en Savane, l’Équateur est l’un des premiers pays au monde à fixer des limites à l’extraction des ressources par le biais d’un vote démocratique.

Le résultat est d’autant plus historique que le pays est secoué par une crise politique et sécuritaire majeure. Après que l’ancien président Guillermo Lasso ait été destitué, puis son successeur parti en exil, l’un des candidats à la présidence – Fernando Villavicencio – a été assassiné juste avant les élections.

Lors d’un deuxième référendum, les citoyens de Quito ont également voté pour interdire l’exploitation de l’or dans le Chocó Andino, une biosphère sensible des hautes terres près de la capitale, avec 68% des voix de la population.

Crédit : Yasunidos

Une victoire populaire et démocratique

Ce vote est l’aboutissement d’une proposition unique formulée il y a 20 ans par l’ancien président de l’Equateur, Rafael Correa, lorsqu’il a demandé aux pays riches de rémunérer son pays pour qu’il n’exploite pas le gisement de pétrole à Yasuní pour un coût de 3,6 milliards de dollars, soit la moitié de la valeur estimée des réserves de pétrole.

A l’époque, Correa a plaidoyé sur la scène internationale six années durant sans jamais réussir à convaincre les pays riches de payer pour protéger cet écrin de biodiversité. De jeunes écologistes équatoriens ont alors décidé de se battre au sein d’une nouvelle organisation appelée Yasunidos, en lien avec les associations de protection des peuples autochtones.

Face à l’opposition populaire à l’exploitation pétrolière, Rafael Correa a mis les jeunes écologistes au défi de rassembler le nombre de signatures suffisantes pour organiser un référendum national sur le sujet. En seulement six mois, les jeunes ont alors recueilli plus de 757 000 signatures, soit 200 000 de plus que le nombre requis pour déclencher un référendum.

En Équateur, la population est la première à souffrir de l’exploitation du pétrole, pilier de l’économie qui a rapporté au pays 10 milliards de dollars en 2022, soit environ 10% du PIB. Mais cette manne financière profite à l’élite économique équatorienne tout en plongeant les locaux dans la pauvreté et la pollution, sous le joug des fusils des extracteurs d’or noir.

La lutte a aussi bien lieu dans les tribunaux et les urnes que sur le terrain. En février 2022, la Cour suprême de la République de l’Équateur reconnaissait le droit des autochtones à consentir ou non aux projets pétroliers, miniers et autres projets d’extraction dans les territoires ancestraux du peuple A’i Cofán. Un an plus tard, Eduardo Mendúa, figure du peuple A’i Cofán de la région de Dureno, a ainsi été assassiné pour son combat contre l’exploitation pétrolière qui a provoqué de nombreuses marées noires sur les 9 500 hectares de sa communauté ces dernières années.

Femme Wao – Crédit : Anka Maldonado / Yasunidos

Dans la partie amazonienne du pays (au nord-est), ce sont près de 500 000 barils qui sont produits chaque jour, transformant l’endroit en millions d’hectares de puits, pipelines, tankers, camions-citernes, stations de traitement et torchères enflammées. Le géant américain Texaco (aujourd’hui Chevron) est notamment accusé d’avoir pollué dans les années 1970-1990 toute la région de Lago Agrio (nord-est), capitale pétrolière du pays, où Petroecuador continue la production et la forêt est inéluctablement rasée.

Alors que Chevron avait été condamné à une amende historique de 9,5 milliards de dollars, un tribunal privé l’a annulé. Dans la jungle, les fleuves et les sols, cette pollution a eu des conséquences dramatiques sur les écosystèmes, avec plusieurs centaines de milliers d’hectares de forêt contaminée, et la santé des personnes résidant dans la zone. Ils ont été frappés par des cancers, leucémies, des problèmes respiratoires et digestifs.

C’est pourquoi l’organisation amérindienne CUNAI, a dirigé des manifestations massives contre le gouvernement équatorien en 2022, en demandant une meilleure répartition des richesses et une politique extractiviste moins agressive. La victoire du référendum constitue un tournant crucial pour le pays.

« Cette consultation, née des citoyens, démontre le plus grand consensus national en Équateur. C’est la première fois qu’un pays décide de défendre la vie et de laisser le pétrole dans le sol. C’est une victoire historique pour l’Équateur et pour la planète », s’est réjoui le collectif fer de lance de la lutte Yasunidos.

Laurie Debove

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