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Après 30 ans de combat, les peuples autochtones d’Amazonie lancent un cri d’alerte avant qu’il ne soit trop tard

Dans le film Terra Libre, le botaniste Francis Hallé résume le comportement de nos politiques en une phrase limpide « Quand on est sur la planète fric, on n’est plus sur la planète Terre ». C’est exactement ça. Il ne faut jamais relâcher notre vigilance et je pense que les générations actuelles ont compris qu’elles seront toujours en lutte.

« L’aventure humaine est à la croisée des chemins. Le changement climatique menace, les forêts brûlent, la biodiversité mondiale s’effondre… Les Etats semblent impuissants depuis le Sommet de la Terre de Rio en 1992 à prendre les mesures qui s’imposent. ‘Terra Libre’, à la fois carnet de bord et enquête, couvre près de 30 ans d’un combat mondial pour la vie, s’attachant aux pas du légendaire Chef indigène Raoni Metuktire, qui nous alerte depuis si longtemps. » Gert-Peter Bruch, le réalisateur de Terra Libre, a accompagné le Chef Raoni et découvert les figures méconnues et la nouvelle garde des sentinelles de la planète. Il a confié à La Relève et La Peste les enseignements qu’il en a tiré. Aujourd’hui, il en est convaincu : « L’appel à l’union sacrée des chefs indigènes amazoniens à protéger les générations futures est un espoir et une inspiration pour l’humanité. »

LR&LP : Le film « Terra Libre » part d’un constat honteux : c’est parce qu’ils n’ont pas tenus les engagements pris lors du Sommet de la Terre de Rio en 1992, que les pays riches sont coresponsables, collectivement, de l’accélération hors contrôle de la déforestation et des feux de forêt. C’est ce qui vous a donné envie de faire ce film ?

Oui, parce que j’ai grandi avec ce combat. Je suis moi-même un jeune engagé. J’ai commencé la lutte à 18 ans. A cette époque, il n’y avait pas de Greta Thunberg, pas Internet, c’était plus difficile de se relier. J’ai répondu à l’appel de Sting qui a présenté Raoni au monde entier, je me suis engagé pour protéger mon avenir mais aussi les enfants que j’aurais.

Le message de Raoni était très clair : « au Brésil, les peuples indigènes sont menacés de toutes part. » En 1988, la nouvelle constitution brésilienne reconnaît enfin le droit à la Terre et à leurs frontières. Le Chef Raoni veut se servir de cette opportunité pour revendiquer leurs droits dans le monde entier.

Il rencontre alors le président Mitterrand, le premier chef d’Etat étranger à lui avoir ouvert ses portes. Leurs discussions ont mené à la création d’un programme international destiné à protéger durablement les forêts du Brésil et les peuples autochtones : le PPG7 – Programme Pilote pour la protection des forêts tropicales du Brésil.

LR&LP : Cet accord historique des pays du G7 a été scellé lors du Sommet de la Terre de Rio de Janeiro en 1992.  Ce programme ambitieux représentait un demi-milliard de dollars investis pour protéger 40 millions d’hectares de territoires autochtones en Amazonie. Près de 30 ans plus tard, force est de constater que la situation est catastrophique et que le programme est tombé dans l’oubli. Comment en est-on arrivés là ?

On ne sait pas exactement pourquoi ce programme a été abandonné. Sûrement parce que les concepteurs de l’économie verte sont arrivés et ont imposé un nouveau paradigme créé à Wall Street. Ce shift s’est opéré au début des années 2000, et on ne s’en est pas méfiés.

En 2008, un an avant le terme du PPG7, le lancement du Programme substitutif ONUREDD (Programme de collaboration des Nations Unies sur la réduction des émissions liées à la déforestation et à la dégradation des forêts dans les pays en développement) a ouvert le marché du carbone forestier.

Controversé, il considère la préservation d’un écosystème complexe à travers la seule quantification des émissions de gaz à effet de serre. Les réductions d’émissions obtenues au moyen d’incitation REDD au niveau local ne garantissent pas l’arrêt des activités de déforestation au niveau national.

Dans le même temps, il y a eu une diminution très grave de la démarcation des terres indigènes sous Lula. Je montre ainsi pourquoi les indigènes le considèrent comme un traître dans le film Terra Libre.

Ce film a l’ambition de donner des clés pour comprendre pourquoi la situation dans laquelle nous sommes était prévisible, et comprendre comment nous en sommes arrivés là. Les véritables racines du problème, c’est aussi notre renoncement à nous en tant que citoyens occidentaux d’avoir un rôle politique et actif.

Le programme PPG7 est méconnu du grand public, car il est rangé dans les archives de la honte. On peut pas dire qu’on n’a jamais rien fait. C’est encore pire de savoir que les choses accomplies ont été perverties par les successeurs politiques.

Les dirigeants politiques ont réussi à nous rendre complices de la destruction à la Terre Mère à travers notre consommation, alors que leurs discours politiques prétendaient l’inverse.

Cela fait partie de la longue histoire des Peuples du Nord d’avoir des traités trahis et bafoués. On leur promettait d’avoir des Terres à eux jusqu’à ce que l’herbe n’y pousse plus, on leur volait leurs terres pour les mettre dans des réserves, où les natifs américains ne pouvaient pas survivre, et maintenant on veut les récupérer pour leurs ressources minières.

Aujourd’hui, les politiques veulent transformer 30% des espaces naturels en « aires protégées » avec des clauses qui permettent une certaine forme de marchandisation de la nature, c’est inacceptable !

Dans le film Terra Libre, le botaniste Francis Hallé résume le comportement de nos politiques en une phrase limpide « Quand on est sur la planète fric, on n’est plus sur la planète Terre ». C’est exactement ça. Il ne faut jamais relâcher notre vigilance et je pense que les générations actuelles ont compris qu’elles seront toujours en lutte.

LR&LP : L’arrivée de Jair Bolsonaro au pouvoir a marqué une accélération de la déforestation mais aussi de la gravité des menaces qui pèsent sur les peuples autochtones et leurs droits humains les plus élémentaires. Parqués pour le covid-19, comment s’accrochent-ils aujourd’hui pour ne pas désespérer après 30 ans de lutte ?

Bolsonaro veut détruire tout ce qui a été fait. Une destruction totale de tout ce qu’on a entrepris ensemble communément. Plus que jamais, l’urgence est là. Nous avons le devoir de protéger la forêt amazonienne et ses habitants, tous ses habitants.

A la fois parce que la préservation de l’Amazonie est primordiale dans la lutte contre la crise climatique, mais aussi parce qu’il serait temps que nous respections les engagements pris il y a plus de 30 ans.

C’est pour ça qu’on parle d’une responsabilité collective pour un avenir commun, les jeunes qui ont 20 ans aujourd’hui sont vraiment légitimes pour demander des comptes à ces pays qui nous ont trahi, et le fait qu’ils se relient dans le programme « Protégeons l’Amazonie en solidarité avec les peuples indigènes » du 18 février est très fort.

Deux jeunes belges Anuna de Wever et Adelaïde Charlier, porte-paroles du mouvement « Youth for Climate Belgique », se sont rendus en voilier en Amazonie et ont retrouvé le Chef Raoni là-bas qui leur a délivré un message essentiel en leur disant qu’il est fier d’eux et veut qu’ils portent son témoignage.

Ce sont les flambeaux : on passe de la génération des sages avec Paul Watson, Sydney Possuelo qui est méconnu en France mais a un rôle inestimable dans la protection des indigènes, Jane Goodall et Raoni, à la nouvelle génération.

LR&LP : D’une durée de 2 heures, le live « Protégeons l’Amazonie en solidarité avec les peuples indigènes » (diffusé également par La Relève et La Peste, ndlr) a réuni toutes les générations engagées pour la cause environnementale, les sages et les jeunes. Quel est le but de cet appel ?

Faire connaître et inviter chacune et chacun à rejoindre l’Alliance des gardiens de Mère Nature pour nous-mêmes en devenir des gardiens. La naissance de cette Alliance est documentée dans le film Terra Libre dont nous avons diffusé deux extraits inédits lors de cet événement encore visible quelques temps.

Nous lançons cette mobilisation internationale parce que toutes les digues protégeant les peuples indigènes du Brésil sont sur le point de rompre, sous les assauts de Bolsonaro et son gouvernement violemment anti-indigène.

S’il y a bien un enseignement que j’ai appris du combat des peuples indigènes, c’est de ne jamais faire confiance à nos élus. Nous vivons dans un système démocratique malade où l’on élit des gens qui n’ont aucune légitimité pour nous gouverner et le font sans jamais nous consulter. Comment voulez-vous que cela se passe bien ?

C’était une erreur de relâcher la pression en 1992 suite à la création du PPG7. Il ne faut jamais relâcher la pression pour obtenir des résultats qui durent dans le temps. Les occidentaux ont besoin de se relier, c’est indispensable pour pouvoir nous sauver nous-mêmes et le Vivant qui nous entoure.

Car les gens qui nous gouvernent ont des intérêts économiques, et cherchent à nous diviser en nous donnant le nouvel opium du peuple : la technologie et les produits de consommation qui nous détournent de cette velléité à nous réunir grâce à un système médiatique et politique contrôlé par des lobbies.

C’est la même chose que cette petite fille (Severn Cullis-Suzuki, ndlr) en 1992 qui avait porté un message incroyable auprès des chefs d’Etat en leur disant qu’ils sont en train de saboter son avenir. Ce message a été tellement puissant et a été déclencheur de tant de prises de conscience qu’ils ont fait très attention par la suite à ne plus inviter d’enfants dans la plénière des Nations Unies.

Nous sommes maintenus volontairement dans un état de léthargie et d’individualisme, c’est délibéré, car il faut nous empêcher de nous relier les uns aux autres, de reprendre le contrôle. Les ennemis du vivant et donc de l’humanité ont déjà tissé des alliances depuis bien longtemps, qu’on les appelle lobbies, consortiums ou grands groupe.

Nous n’avons pas d’autre choix pour tenter de les contrer que de nous rassembler, de tisser des alliances, et les meilleurs ambassadeurs pour nous apprendre à le faire sont les peuples indigènes. Ceux des Amériques ont plus de cinq siècles de résilience à leur actif. Voilà pourquoi ils seront nos guides indispensables dans l’ère des désastres, qui commence à peine.

Ces peuples ont l’habitude de se réunir une fois par an pendant plusieurs jours pour se mettre d’accord sur leurs objectifs, dialoguer, se retrouver et de créer du lien. Ce qui fait que quand ils se relient, ils sont vraiment dans lutte tout de suite et pas dans l’ego : ils font front commun, les différents maillons d’une même chaîne.

Les mouvements comme Extinction Rebellion favorisent ce type d’alliance nécessaire, mais c’est encore balbutiant. J’espère de tout cœur que ça va bouger car il nous manque encore cet esprit d’Alliance, les gens ont trop tendance à tirer la couverture à eux.

Le processus de prise de conscience d’un humain traditionnel est très long, mais là on n’a plus temps ! La forêt amazonienne et les peuples autochtones ont besoin de nous maintenant !

Lien vers la pétition

Crédit photo couv : Benjamin Mengelle / Hans Lucas / Hans Lucas via AFP

Laurie Debove

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