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Fraudes massives sur un tiers des produits alimentaires possédant un label de qualité

En 2016, le taux d’anomalies de toutes catégories mesuré par la répression des fraudes s’est élevé à 31 % des produits contrôlés dans 610 établissements. En 2017, il a atteint 27 %, pour 1 169 établissements contrôlés.

Vendredi 28 février, la Direction générale de la concurrence, de la consommation et de la répression des fraudes (DGCCRF) a publié un bilan de contrôle annuel sur les « labels de qualité » des produits alimentaires. Celui-ci révèle que des tromperies et des usurpations massives existent à tous les niveaux de la chaîne, le plus souvent au préjudice du consommateur. 

Dans le domaine immense de l’alimentation, c’est un rapport assez attendu : vendredi 28 février, les services de Bercy spécialisés dans la répression des fraudes ont publié leur bilan de contrôle annuel « des systèmes de qualité européens applicables aux denrées alimentaires », c’est-à-dire excluant les vins, les boissons aromatisées et les spiritueux. Parmi les labels qui ont été passés au crible par les agents du ministère, on trouve principalement les appellations d’origine protégée (AOP), les indications géographiques protégées (IGP), les spécialités traditionnelles garanties (STG) ou encore l’agriculture biologique (AB), autant de gages de qualité et d’authenticité censés garantir le consommateur et guider ses choix.

En 2016, le taux d’anomalies de toutes catégories mesuré par la répression des fraudes s’est élevé à 31 % des produits contrôlés dans 610 établissements. En 2017, il a atteint 27 %, pour 1 169 établissements contrôlés. 

Toutes les étapes de la commercialisation sont concernés : production, importation, transformation, commerce de gros, distribution, restauration et vente au détail, y compris sur internet. Les contrôles de la répression des fraudes « prennent en compte les signalements transmis par l’Institut national de l’origine et de la qualité (INAO) et les autorités compétentes étrangères », précise le rapport. L’INAO, de son côté, fait le lien entre les professionnels du secteur et le ministère de l’Agriculture ; il délivre ou retire les certificats, protège les labels et les terroirs, recueille les procédures d’opposition. Très difficiles à décrocher, les labels alimentaires et environnementaux représentent un sésame aux enjeux financiers majeurs pour les territoires, les producteurs et les distributeurs. 

Crédit photo : GARO / Phanie AFP

Selon les statistiques de la répression des fraudes, un tiers des produits labellisés sont donc trompeurs ou frauduleux. Les fraudes les plus communes sont de trois catégories :

  • Des opérateurs qui produisent sous les labels AOP ou IGP sans certificat. La répression des fraudes donne l’exemple d’un producteur qui labellisait ses fromages « Cantal » sans en avoir reçu le droit par l’INAO, ou encore celui de fromages portant la mention « Rigotte de Condrieu » alors qu’ils ne respectaient pas le cahier des charges, car ils étaient élaborés avec du lait thermisé et non du lait cru, un type de fraudes qui semble assez répandu.
  • Des producteurs qui jouent sur l’ambiguïté d’une désignation ou trompent le consommateur sur l’origine exacte du produit ou sa composition. Un fabricant mentionne l’IGP « Coppa di Parma » sur de la véritable coppa qui ne possède pourtant aucunement cette indication géographique protégée. Des viennoiseries sont vendues avec un label explicite « Beurre de Charentes-Poitou » alors que ce fameux beurre ne représente qu’un unique ingrédient du produit. Un restaurateur prétend vendre de « l’Agneau de l’Aveyron » tandis que les agneaux n’ont pas été élevés en Aveyron mais y ont simplement été abattus. Comme vous le voyez, l’inventivité des fraudeurs est toujours au rendez-vous. Autre exemple : en 2018, la DGCCRF a démantelé un trafic gigantesque de faux miel français ; au total, l’entreprise avait écoulé 140 tonnes de miel provenant de Chine ou d’autres pays européens, tout en prétendant qu’il était produit par des apiculteurs français, le tout pour un préjudice de plusieurs millions d’euros. 
  • Enfin, des défauts de traçabilité et d’étiquetage sont à déplorer dans de nombreux établissements, aussi bien dans des magasins vendant des produits issus de l’agriculture biologique mais incapables d’en justifier l’origine, que chez des grossistes ou des fabricants qui ne respectent pas les règles visuelles ou les appellations exactes en vigueur dans toute l’Union européenne. Souvent, pour se démarquer d’une façon plus ou moins trompeuse, les fabricants sont tentés de modifier les appellations : c’est ainsi que les agents de la répression des fraudes ont retrouvé des fromages labellisés « Tomme noire des Pyrénées », alors que l’appellation correcte est « Tomme des Pyrénées »

Une telle quantité d’abus et de fraudes montre bien que l’usage des labels fonctionne correctement et permet de mettre en avant les produits issus de nos terroirs. Cependant, elle risque de détériorer la confiance du consommateur et faire échouer la reconquête écologique essentielle des territoires. Devant un tel éventail de tromperies, la DGCCRF a établi 240 avertissements, 92 injonctions et 22 dossiers de contentieux en 2016 ; en 2017, ces chiffres s’élèvent à 405 avertissements, 158 injonctions et 41 dossiers de contentieux.

En tout, seulement 63 fraudeurs seront conduits devant la justice. C’est bien peu, quand on sait que les effectifs de la DGCCRF sont passés de 3 800 à 2 800 en 2017, que leurs moyens financiers ont été drastiquement réduits et qu’ils ont désormais l’obligation d’obtenir l’accord du préfet pour contrôler et sanctionner une entreprise. Dans la même dynamique, celle de lâcher la bride aux entreprises, en 2018, l’Union européenne a discrètement assoupli son règlement sur le contrôle des fermes et des sites de production d’agriculture biologique

Cette incohérence entre l’ambition affichée et les moyens réellement mis en œuvre montre bien la contradiction profonde de notre système, qui cherche à revaloriser les territoires et la proximité des producteurs et des consommateurs d’un côté, tout en mettant en place tout ce qui peut favoriser la croissance de l’autre.

Aujourd’hui, les consommateurs n’ont jamais été aussi attentifs sur les produits qu’ils achètent ; parallèlement, les labels et les indications protégées se multiplient, dans une véritable course à la conquête visuelle et éthique du marché. AB, IGP, AOP, « viande française », « sans résidu de pesticides », « sans OGM », « porcs bien élevés », certificat « haute valeur environnementale », « bien-être animal » : décidément, ce monde de la surconsommation n’en finit pas de se dérober au changement. 

Image à la une : THIERRY ROGE / BELGA MAG / Belga / AFP

Augustin Langlade

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