Annoncé en octobre 2022 et porté par la multinationale française Imerys, le projet de mine de lithium est destiné à produire près de 700 000 batteries de véhicules électriques par an. Il cristallise les débats, entre soutien affiché du gouvernement et inquiétudes des citoyens et associations de préservation de l'environnement sur la ressource en eau de la région.
La plus grande mine de lithium d’Europe en projet
Depuis peu, la petite bourgade d’Échassières fait la Une. Et pour cause : cette commune de l’Allier (Auvergne-Rhône-Alpes), qui compte tout juste quelques centaines d’habitants, pourrait accueillir d’ici 2028 une des plus grandes mines européennes de lithium, un minerai extrêmement convoité car il permet notamment d’alimenter les batteries rechargeables des véhicules électriques.
Baptisé « Emili », le projet minier a été annoncé en octobre 2022 par la multinationale française Imerys. Depuis 2005, cette dernière exploite du kaolin (argile) sur la carrière de Beauvoir, à Échassières. Des prospections ayant montré que le sous-sol contiendrait en moyenne 1 % de lithium, la multinationale souhaite désormais y ouvrir une mine.
Pour ce faire, des galeries d’extraction seraient creusées à plus de 400 mètres sous terre et un site de concassage souterrain verrait le jour, au-dessus duquel serait construite une usine de concentration pour séparer les minéraux contenus dans le granite.
Deux autres communes du département seraient également concernées par le projet : celle de Sainte-Bonnet-de-Rochefort, où se situerait l’espace de stockage du lithium, et celle de Montluçon, destinée à l’usine de conversion pour le raffinage du minerai.
700 000 batteries de véhicules par an
Dans un contexte où la production de lithium est principalement assurée par l’Australie, le Chili, la Chine et l’Argentine, l’ouverture d’une mine de lithium en France hexagonale est vue comme une aubaine par le gouvernement Macron.
« Je salue le lancement par Imerys de la première exploitation de lithium bas carbone en France, soulignait en ce sens Bruno Le Maire fin 2022. Ce projet, exemplaire sur le plan environnemental et climatique, réduira drastiquement nos besoins d’importation de lithium et (…) contribuera à l’objectif fixé par le Président de la République de produire 2 millions de véhicules électriques en France d’ici 2030 », poursuivait le ministre de l’Économie, des Finances et de la Souveraineté industrielle et numérique.
Destiné à produire près de 700 000 batteries de véhicules électriques par an grâce à la production de 34 000 tonnes annuelles d’hydroxyde de lithium, le projet est également soutenu par des membres de l’opposition comme le secrétaire national du Parti communiste français (PCF), Fabien Roussel.
Présenté comme un moyen de participer à une « transition vers une économie plus durable » et estimé à plus d’un milliard d’euros d’investissement, le projet minier permettrait « non seulement de répondre à la demande croissante [en lithium], mais aussi de stimuler l’économie locale [avec la création de 530 emplois directs et 980 emplois indirects et induits localement selon Imerys, NDLR] », peut-on lire dans le dossier du maître d’ouvrage.
« Sur le plan environnemental, une mine de lithium bien gérée se doit d’avoir des impacts maîtrisés et d’adopter des pratiques responsables », est-il également précisé dans le dossier du maître d’ouvrage, grâce à l’adoption de « technologies respectueuses de l’environnement ».
Imerys s’engage notamment à ne pas pomper dans les nappes phréatiques, mais dans la rivière voisine, la Sioule. Dans le même temps, la multinationale assure que 90% de l’eau utilisée sera recyclée et que la raffinerie de Montluçon utilisera les eaux usées de la station d’épuration.
Un manque d’informations
Des arguments en faveur d’une mine « verte » qui peinent pourtant à convaincre les associations de préservation de l’environnement, à l’image de Préservons la forêt des Colettes, Stop Mines 03, ainsi que de la fédération France nature environnement (FNE), qui ne cache pas son inquiétude quant à l’épineuse question de l’eau.
« Le maître d’ouvrage explique qu’il va recycler la quasi-totalité des eaux prélevées et qu’une partie des eaux sera prélevée à partir d’une station d’épuration, mais ça ne règle pas le problème, entame Ysaline Jean-Jacques, cheffe de projet prévention au sein de FNE pour La Relève et La Peste. Le site est situé dans une zone fortement soumise à la sécheresse, dans un contexte de dérèglement climatique. On ne peut pas en faire abstraction. »
Et de renchérir : « On s’interroge également sur le risque de contamination des nappes phréatiques. Le jour où il y a un accident, on fait comment ? »
Président de l’antenne régionale de FNE Auvergne-Rhône-Alpes, Michel Jarry a, lui, visité le site d’Échassières il y a un an et demi. Il fustige de son côté le manque d’informations, soulignant le fait que la multinationale n’a pas encore livré les résultats de ses études environnementales.
« Depuis le début, on manque vraiment d’informations et dans le dossier d’ouvrage, on n’a pas trouvé de réponse à nos questions, lâche-t-il. On nous présente une mine propre, mais on ne nous en dit rien ».
Un débat public jusqu’en juillet
Alors qu’habitants et représentants associatifs s’inquiètent du manque d’informations, un débat public a été lancé début mars par la Commission nationale du débat public (CNDP).
« On espère que ça va permettre d’éclaircir la situation parce que pour le moment, on a plus de questions que de réponses », souligne Michel Jarry.
Alors que le débat public doit prendre fin début juillet, Michel Jarry comme Ysaline Jean-Jacques espèrent surtout qu’il permettra aux citoyens d’être véritablement entendus.
« Dès le départ, le gouvernement s’est félicité de la présence de lithium dans notre sous-sol et a apporté son soutien au projet, alors même qu’on n’avait aucun élément sur son impact environnemental et sanitaire ni sur les réelles retombées économiques, soulignent-ils d’une même voix. On en vient à se demander si le débat n’est pas plié d’avance, ce qui serait très grave pour la démocratie environnementale. »
Pour faire entendre leur voix, les associations entendent continuer à se mobiliser dans les prochaines semaines. D’autant qu’il reste, selon FNE, une question majeure, mais peu discutée : celle de l’objectif poursuivi à travers l’ouverture de mines de lithium, telle que celle prévue dans l’Allier.
« Est-ce que ça a vraiment du sens de remplacer tout le parc de véhicules thermiques par des véhicules électriques, s’interroge Michel Jarry. Est-ce qu’on a vraiment quelque chose à y gagner ? »
Des interrogations partagées par Ysaline Jean-Jacques pour qui, « si on ne fait que remplacer un parc par un autre, on va juste continuer à consommer alors que ce qu’on défend, c’est la sobriété, c’est-à-dire la réduction réelle de notre consommation au regard des limites planétaires », insiste-t-elle.
Des questions de fond d’une importance majeure qui devraient être discutés dans les prochaines semaines, alors que l’entrée en production du site est, elle, envisagée pour 2028 pour une exploitation minimum d’un quart de siècle.
Contacté, Imerys explique ne pas pouvoir s’exprimer pour le moment, le débat public étant en cours.