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Fast-fashion : une proposition de loi veut pénaliser les entreprises qui font de la surproduction

Le secteur textile représente près de 10 % des émissions mondiales de gaz à effet de serre, soit 17 milliards de CO2 par an, et pourrait atteindre 26 % en 2050 si aucune lutte contre la surproduction n’est menée.

Le mardi 13 février dernier, le député des Républicains Antoine Vermorel-Marques déposait une proposition de loi visant à instaurer un système de bonus-malus envers les entreprises de fast-fashion. L’objectif, sanctionner les marques sur-productrices de vêtements, à travers la mise en place d’une pénalité de 5 euros par produit pour qui mettrait en vente plus de 1000 nouveaux modèles par jour. Les associations saluent « l’ouverture d’une réflexion sur les pratiques du secteur de la mode et appellent les parlementaires à adopter un texte ambitieux ».

« Démoder la fast-fashion »

Fin janvier déjà, le parti Horizons proposait une loi « visant à réduire l’impact environnemental de l’industrie textile ».

Dans ce texte, le groupe présidé par Édouard Philippe prévoit de sanctionner les quantités et les fréquences de renouvellement des modèles des collections de fast-fashion, mentionnant tout particulièrement la marque Shein, avec un malus pouvant aller jusqu’à 10€ par article en 2030. 

Aussi, la proposition évoque l’interdiction de « la publicité relative à la commercialisation de produits dans le cadre d’une pratique commerciale de collections vestimentaires et d’accessoires à renouvellement très rapide ».

En outre, le député Antoine Vermorel-Marques déposait il y a quelques jours une nouvelle proposition de loi, visant quant à elle à « démoder la fast-fashion grâce à un système de bonus-malus », et qui permettrait d’instaurer « une pénalité maximale d’un montant de 5 euros par produit », pour les producteurs mettant sur le marché plus de 1000 nouveaux modèles par jour.

Un manque d’ambition pour les associations

« Il s’agit d’une initiative attendue depuis bien longtemps, analyse Pierre Condamine, chargé de campagne surproduction aux Amis de la Terre France. Pourtant, la fast-fashion ne se limite pas à Shein, c’est aussi et surtout des enseignes qui vendent des quantités astronomiques de vêtements, telles que Primark, Kiabi, Décathlon ou encore Action. Il faut aussi s’attaquer aux quantités mises en marché, aux prix trop bas et aux promotions pour en finir avec ce désastre environnemental et social qu’est la fast-fashion ».

Charlotte Soulary, responsable du plaidoyer de Zero Waste France, ajoute par ailleurs que « cette proposition de loi est une opportunité historique d’avoir un débat démocratique sur les pratiques de l’industrie textile ».

Une société du tout-jetable

Des démarches législatives notables, donc, quand on sait qu’aujourd’hui, jamais autant de vêtements ne se sont vendus sur le territoire français. Selon l’éco-organisme Refashion, 3,3 milliards de vêtements, chaussures et linge de maison ont été commercialisés sur le marché en 2022.

On rappelle cependant que, pour respecter les termes définis par les accords de Paris sur le climat, chaque habitant ne devrait être amené à consommer que cinq vêtements neufs par an.

« La fast-fashion est l’incarnation de la société du tout jetable et les produits trop vite obsolètes qui en découlent peuvent être mis sur le marché sans aucune restriction alors même qu’ils ont des impacts déplorables » rappelle Laetitia Vasseur, déléguée générale de Halte à l’Obsolescence Programmée.

Résultat, la part de collecte des textiles usagés, récupérés par les relais, les associations et les recycleries solidaires, s’est élevée à 244 500 tonnes en 2021, mais ne représente pourtant que 35% de l’ensemble de ces vêtements. Le restant est incinéré ou enfoui, quand il n’est pas envoyé dans des décharges sauvages à l’autre bout du monde, constituant alors une véritable bombe environnementale.

Une aberration écologique

Le secteur textile représente en effet près de 10 % des émissions mondiales de gaz à effet de serre, soit 17 milliards de CO2 par an, et pourrait atteindre 26 % en 2050 si aucune lutte contre la surproduction n’est menée.

 « 80% de l’impact environnemental de nos produits proviennent du processus de production. Si nous voulons réduire l’impact environnemental du secteur textile, il est impératif d’encadrer la production par l’instauration de normes contraignantes et dissuasives pour les producteurs, précise Axèle Gibert, chargée du réseau prévention des déchets chez France Nature Environnement. L’instauration d’un malus sur les nouvelles unités de vente est un premier pas encourageant vers la réduction de la production et donc, vers la réduction des émissions de GES produites par ce secteur ».

De leur production jusqu’à leur commercialisation, les vêtements synthétiques participent aussi grandement à la pollution aux microplastiques des océans, qu’ils libèrent à chaque cycle de lavage dans l’eau. 

« Ce phénomène est alarmant quand on sait que les microplastiques, persistants et presque impossibles à éliminer, représentent un fléau pour la santé publique », commente Magali Payen, fondatrice d’On Est Prêt.

Un désastre humanitaire

Aussi, comme le rappellent les associations, « la lutte contre la fast-fashion ne peut faire l’impasse sur le lien indissociable entre exploitation humaine et destruction de la planète ».

« Derrière les collections sans cesse renouvelées et les prix cassés, il y a des travailleuses anonymes vivant sur des salaires indignes, des conditions de travail déplorables et des violences de genre graves. Pour une industrie de la mode plus durable il faut une réponse triple : justice environnementale, justice sociale et économique », explique Salma Lamqaddam, chargée de campagnes à ActionAid France

Pénaliser l’ensemble des marques

Aujourd’hui, les associations ActionAid France, Les Amis de la Terre France, Emmaüs France, Fashion Revolution France, France Nature Environnement, Halte à l’Obsolescence Programmée, Max Havelaar France, On Est Prêt et Zero Waste France demandent aux députés de « pénaliser toutes les marques de fast-fashion ».

Ces dernières souhaitent « fixer un seuil de 5000 nouveaux modèles commercialisés chaque année, à partir duquel s’appliquera un malus sur les produits textiles », mais aussi « élargir la définition et les critères de la fast-fashion ». 

Les objectifs étant, à terme, de « réduire les quantités commercialisées en France », de « favoriser la production locale » ainsi que « d’exiger la transparence ».

La proposition de loi déposée par le parti Horizons sera discutée à l’Assemblée nationale à partir du 5 mars prochain, en commission du développement durable et de l’aménagement du territoire ainsi que le 14 mars en séance publique.

Sources : « Proposition de loi n°2129 visant à réduire l’impact environnemental de l’industrie textile », Assemblée nationale, 30/01/2024 / « Proposition de loi visant à démoder la fast-fashion grâce à un système de bonus-malus », Assemblée nationale via Actu Environnement, 14/02/2024 / « Produits textiles (TLC) », Ministère de la transition écologique et de la cohésion des territoires, 12/04/2023

 

Juliette Boffy

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