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Les recycleries sont menacées par l’arrivée de gros industriels sur le marché du réemploi

« De plus en plus de plateformes ou de grands magasins vous proposent d’acheter ou de vendre vos livres, vos téléphones portables, vos machines à laver ou vos vêtements. Ces entreprises qui génèrent des milliers de tonnes de carbone en transport, des millions d’euros de bénéfices et qui se fichent pas mal des questions de solidarité et d’emploi sont en train de tuer le don »

Les recycleries lancent l’alerte : le recyclage est, lui aussi, victime des rouages pernicieux du capitalisme. Le boom des sites internet de revente d’objets ou vêtements, mais surtout l’entrée sur le marché de gros industriels précarise leur profession et menace le tissu associatif du réemploi solidaire, qui crée des milliers d’emplois en France. Un article de Liza Tourman et Laurie Debove.

Les déchets, un fléau environnemental

Dans un contexte économique et politique tendu, notamment du fait de l’inflation et de l’augmentation des matières premières, il est devenu plus qu’urgent de se pencher sur nos manières de consommer et de se débarrasser de nos vieux biens.

Depuis les années 1970, l’utilisation des matières premières dans le monde a triplé. Pire, 55 % des déchets ménagers sont enfouis et incinérés alors qu’une partie pourrait être réutilisée. 70 % des émissions de gaz à effet de serre sont liées à la fabrication, au transport et à la fin de vie des biens et des services.

Lire aussi : Les importations ont augmenté les émissions de CO2 de 78% en France

« Au total, 343 millions de tonnes de déchets par an sont produits en France, soit 7 fois le poids du parc automobile » détaille Martin Bobel, porte parole du Réseau National des Ressourceries et Recycleries

Ces chiffres ont non seulement un impact exorbitant sur l’environnement mais sont aussi d’un coup humain désastreux, notamment lors des processus d’extraction des minerais nécessaires à notre société numérique. Nos manières de consommer doivent être questionnées tant en profondeur qu’au travers des actions que nous pouvons mettre en place quand nous n’avons plus l’utilité d’un objet devenu obsolète quand certains pourraient le trouver vintage.

Il en va de même pour nos produits électroménagers qui nécessitent souvent une petite réparation mais que l’on préfère jeter car on ne sait pas comment faire ou que l’on n’y pense pas car nos sociétés nous ont appris à consommer, à nous en débarrasser pour racheter du neuf.

Lire aussi : « Un tsunami de déchets électroniques » met en danger la santé de millions d’enfants

Le greenwashing du réemploi

Avec l’essor numérique de plateformes de vente de biens de seconde main, de plus en plus de personnes se tournent désormais vers les réseaux pour trouver la perle rare. Commander sur « Vinted » peut sembler être un acte responsable alors qu’au contraire, elle pousse à la surconsommation de vêtements de seconde main, ainsi que le montre cette enquête de nos confrères chez Reporterre, et stérilise le débat sur nos manières de consommer.

A l’inverse, depuis maintenant 22 ans en France, plus de 170 acteurs de terrain, structures de l’économie sociale et solidaire (ESS) et collectivités territoriales se sont fédérés afin de former le Réseau national des Ressourceries et Recycleries. Leurs préoccupations principales s’axent autour de la solidarité de proximité, la générosité et la protection de l’environnement.

Crédit : Réseau National des Ressourceries et Recycleries

A l’occasion de la 4ème semaine nationale des Ressourceries et Recycleries, le réseau lance l’alerte sur la menace que constitue l’arrivée de gros acteurs peu scrupuleux sur le marché. Si un intérêt croissant pour l’économie circulaire par les structures privées est à saluer, certaines sont bien plus intéressées par l’impact positif que cela va avoir sur leur image de marque, que par l’objectif de réduire leur « empreinte matières ».

« De plus en plus de plateformes ou de grands magasins vous proposent d’acheter ou de vendre vos livres, vos téléphones portables, vos machines à laver ou vos vêtements. Ces entreprises qui génèrent des milliers de tonnes de carbone en transport, des millions d’euros de bénéfices et qui se fichent pas mal des questions de solidarité et d’emploi sont en train de tuer le don » alerte Martin Bobel, porte parole du Réseau National des Ressourceries et Recycleries

Le groupe de luxe Kering a ainsi investi dans la plateforme de revente Vestiaire Collective, tout en poussant à la consommation en faisant de l’affichage sauvage sur les murs de Paris. Le suédois IKEA a créé un « service seconde vie » permettant l’achat et la vente de produits IKEA. Un « tournant environnemental » qui tente de faire oublier que pour construire ces fameux objets, le mastodonte de l’ameublement détruit une des dernières forêts primaires d’Europe en Roumanie.

De surcroît, si les grandes entreprises embauchent de nombreux salariés, leurs emplois sont souvent précaires et difficiles. Quant à l’essor des plateformes numériques qui comptent sur les utilisateurs pour s’occuper seuls des stocks, elles représentent une menace pour les milliers d’emplois que créent les recycleries et ressourceries.

Les recycleries, lieux de solidarité et lien social

Pour 10 000 tonnes de déchets traitées ce sont 850 emplois créés au sein de ces structures, 31 dans les filières de recyclage, 3 dans l’enfouissement et 1 dans l’incinération. Ces chiffres montrent à quel point ces espaces sont d’utilité publique. Dans les Landes, la Brocante Eco-Solidaire de Mimbaste est un exemple de réussite en terme de création d’emplois, mais aussi de lien social.

« On a eu la chance d’arriver au bon moment. On a réussi à créer très vite notre Recyclerie avec tout de suite 3 emplois. Aujourd’hui, on en crée un quatrième : on va embaucher Mélissa au début du mois prochain, une jeune de 20 ans actuellement en service civique chez nous. Les autres salariés sont moins jeunes et se situent plutôt dans la cinquantaine, une catégorie d’âge qui a énormément de mal à retrouver un emploi habituellement. L’avantage des Recycleries, c’est que tout le monde peut y travailler : que ce soit sur le tri, l’aspect social, ou participer à la logistique du lieu » explique Mehdi Rouizem, le fondateur de la Brocante Eco-Solidaire, pour La Relève et La Peste

Mehdi et son équipe espère bien continuer dans cette lancée et créer 1 emploi par an sur les deux ou trois prochaines années. Il s’agit d’une structure d’emploi pérenne et pas d’un chantier d’insertion. Avec plus de 2000 membres adhérents à l’association, et encore plus de visiteurs depuis le début de sa création, ce lieu contribue également à dynamiser la vie locale dans ce coin de campagne reculé à travers l’animation de nombreux événements (construction d’un dôme, ateliers de soudure, réparation de vélo, vannerie, atelier greffe ou relooking de meuble, etc.)

Des membres de l’équipe ont transformé un lit en banc – Crédit : Brocante Eco-Solidaire

« Plein de choses se sont créées grâce à la Recyclerie comme des artisans qui ont trouvé des chantiers, on en fait aussi travailler sur des besoins ponctuels. Pas mal de jeunes et moins jeunes un peu en rupture de ban viennent chez nous pour s’occuper et se sentir utile. Des retraités bénévoles viennent nous donner un coup de main. Tout plein de profils très différents, c’est assez curieux mais ça marche et les gens sont contents d’être là surtout quand on les fait participer aux décisions, sur ce qu’on garde, ce qu’on rénove et comment, et fixer des prix » se réjouit Mehdi Rouizem, le fondateur de la Brocante Eco-Solidaire, pour La Relève et La Peste

Les ateliers ont lieu tous les premiers dimanches du mois et la Recyclerie va bientôt ouvrir un café associatif tous les vendredis soirs, grâce à un budget participatif local dont ils ont été lauréats l’an dernier, preuve de l’attachement des locaux à ce tiers-lieu solidaire. Pour abattre la fracture numérique, Mehdi et son équipe vont aussi créer un cyber café (avec ordinateurs et connexion internet) pour que les gens puissent venir y faire leurs démarches administratives et se former sur certains logiciels.

Aujourd’hui, plus de 200 Ressources et Recycleries existent en France. Toutes ces structures ouvrent leurs portes cette semaine, et toute l’année, pour contribuer à un changement sociétal profond : réorganiser nos modes de production et consommation pour réduire au maximum l’usage que nous faisons des ressources. Et surtout, recréer du lien social dans une société de la consommation qui nous pousse à l’individualisme.

Liza Tourman

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