En Inde, des communautés autochtones sont entrées en résistance dans tout le pays pour dénoncer l'expulsion forcée de leurs forêts millénaires. Alors que les Adivasi vivent en harmonie avec les félins depuis des siècles, elles doivent être transformées en réserves de tigres.
L’expulsion des Adivasi
En juillet, le directeur de la NTCA (National Tiger Conservation Authority) a demandé aux responsables de la faune sauvage de 19 États indiens d’expulser les communautés Adivasi de réserves de tigres.
Sa lettre indiquait qu’ « environ 591 villages comprenant 64 801 familles résident toujours dans la zone d’habitat principale des tigres. Les progrès de la relocalisation des villages sont très lents et constituent une grave préoccupation pour la conservation du tigre ».
Cette révélation a provoqué la colère des peuples autochtones, alors que certaines familles ont déjà été expulsées et doivent désormais survivre dans des camps précaires, composés de cabanes en bâche plastique, sans accès à leurs ressources traditionnelles.
Près de 400 000 Adivasi sont menacés d’expulsion de réserves de tigres dans tout le pays. En protestation, des manifestations ont eu lieu dans plusieurs réserves de tigres parmi les plus célèbres du pays, notamment Nagarhole, Udanti-Sitanadi, Kaziranga, Rajaji et Indravati. A Nagarhole, ce sont près de 700 Adivasi issus de 25 villages qui ont manifesté.
JK Thimma, militant adivasi actif, a déclaré durant la manifestation : « Faire de nos terres des réserves de tigres constitue une violation du droit, car nos peuples n’ont jamais consenti ni n’ont été consultés au cours du processus.
Aujourd’hui, ils ont placé des pancartes sur nos terres, les déclarant parcs nationaux et réserves de tigres. La NTCA est un intrus sur nos terres. Cette violation des droits autochtones doit prendre fin immédiatement et les mafias conservationnistes (y compris des ONG telles que le WWF, la WCS et le WTI) impliquées dans ces actions doivent être sanctionnées par la loi. »
Désignés sous le terme collectif d’Adivasis, ces peuples représentent des communautés tribales sédentaires, vivant de cueillette et de récolte de produits forestiers. Il y aurait plus de 700 tribus (non homogènes) en Inde, rassemblant 100 millions d’individus. Ces communautés Adivasis bénéficient d’un statut constitutionnel protecteur (« Scheduled Tribes », article 342) depuis 1950. Le département des Forêts indien n’a donc normalement pas la main sur les territoires forestiers des Adivasis ni sur les produits ou la biodiversité qu’ils recèlent.
Des milliers d’Adivasi vivant dans des réserves de tigres en Inde manifestent. – Crédit : Survival International
Un peuple en harmonie avec les tigres
Cela fait des années que les peuples autochtones indiens se battent contre la destruction de leur mode de vie au nom de la conservation des tigres. En 2021, un peuple de récolteur de miel avait ainsi lancé une manifestation similaire devant la réserve de Nagarhole, pour protester contre leur expulsion forcée des forêts où ils vivent depuis des millénaires.
« Ces expulsions sont illégales, au regard tant du droit national que du droit international, et n’ont aucun effet positif : la forêt, les peuples autochtones et les tigres ne peuvent survivre les uns sans les autres. Les organisations de conservation et les entreprises de tourisme sont complices de ce scandale, car une fois les habitants expulsés de leurs forêts ancestrales, le tourisme dans les réserves de tigres est un commerce juteux. » dénonce Caroline Pearce, directrice de Survival International au Royaume-Uni
Des enfants manifestent devant le département des forêts de Nagarhole, 2021 – Crédit : Survival International
Cruellement, ces peuples se déplaçant à pied et au mode de vie sobre sont remplacés par des touristes conduits dans des safaris en jeep ou minibus à travers les réserves. Bisons, éléphants, cervidés, singes, oiseaux, crocodiles leur sont promis. Leur graal : les tigres et léopards. Les plus fortunés peuvent ensuite dormir dans des lodges de luxe à la lisière du parc pour 350€ la nuit.
Or, les tigres et les Adivasi vivent en harmonie depuis des siècles. Certaines communautés, comme la tribu des Jenu Kuruba, les ont même érigés au rang de divinité.
« Nous ne tuons pas les tigres et les tigres ne nous tuent pas. (…) Les organisations de conservation de la nature de la ville ne comprennent pas la forêt. Tant que nous serons en vie, les tigres seront en sécurité. Si nous disparaissons, les exploitants forestiers et les braconniers auront le champ libre. » expliquait ainsi Muthamma, une femme jenu kuruba
En plus d’être inhumain, ce modèle de conservation colonial est donc complètement hors-sol et ignorant des dynamiques qui favorisent la protection de ces forêts millénaires.
S’informer avec des médias indépendants et libres est une garantie nécessaire à une société démocratique. Nous vous offrons au quotidien des articles en accès libre car nous estimons que l’information doit être gratuite à tou.te.s. Si vous souhaitez nous soutenir, la vente de nos livres financent notre liberté.
Retour
