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En Vendée, ce couple de maraîchers bio se bat pour vivre sobrement sur leurs terres

« Moi, je serais d’accord pour que des experts viennent analyser l’eau du système d’épuration, qu’ils aillent voir les voisins… Même si c’est intrusif, si c’est le prix à payer je le ferais volontiers, car ils se rendraient bien compte qu’on ne fait rien de mal ».

Adrien et Marine se sont installés en 2018 à Maché, en Vendée, avec leurs deux enfants de 1 et 3 ans. À cette époque, le maire leur donne son accord oral pour vivre sur le terrain qu’ils ont acquis pour faire du maraichage biologique. Après trois ans à avoir soigné la Terre et alors qu’ils lancent leurs premières ventes cet été, catastrophe. La nouvelle municipalité a lancé des procédures contre leur mobil-home, illégal selon le PLU. Aujourd’hui, Adrien et Marine se battent pour rester sur leurs terres.

En 2018, quand ils ont enfin trouvé le terrain de leurs rêves, l’avenir s’annonçait radieux. Habitant en mobil-home, avec l’accord oral du maire de l’époque, ils peuvent élaborer précisément leur projet agricole.

Le temps que la terre puisse devenir cultivable en bio, les formations, stages préparatoires à la chambre d’agriculture, études de marché, achat de matériel et aménagements s’enchaînent. Trois ans plus tard, le projet est lancé et les premières ventes à la ferme sont prévues pour l’été 2022.

Les cultures prévues sont une multitude de légumes annuels : tomates, courgettes, aubergines, oignons, échalotes, salades, pomme de terre, patate douce, poireau, carottes, etc. : tout pour composer des paniers variés.

La surface totale de la ferme est de 3.3 ha, avec une surface cultivable en plein champ de 2ha et sous abri de 500m². L’année prochaine, Adrien et Marine vont installer deux autres serres pour atteindre 1000 m². 

Marine et Adrien, devant leur futur point de vente

Pour mener à bien leur activité, ils ont réalisé toutes les démarches nécessaires. Adrien s’est installé comme chef d’exploitation et a même obtenu des aides européennes DJA ainsi qu’un prêt bancaire. Encore officiellement mère au foyer, Marine rejoindra l’entreprise en tant que salariée dès septembre lorsque leur petit ira à l’école. Malgré tout, la nouvelle mairie a lancé des procédures contre leur habitat.

« La seule raison de l’expulsion, c’est que le nouveau PLU – Plan Local d’Urbanisme – n’autorise pas les mobil-homes », explique Adrien Cano, contacté par La Relève et La Peste.

Les deux mobil-homes sont pourtant invisibles de l’extérieur, puisqu’ils se trouvent à l’intérieur d’un hangar agricole.

« On se trouve aussi dans le périmètre de protection d’un lac. Donc c’est vrai, au niveau de la loi on est en tort, admet Adrien Cano. Mais c’est là que c’est utile de venir voir ce qu’on fait vraiment, et constater que ce n’est pas nous qui polluons le lac ».

De fait, le couple possède un forage pour les cultures et a fait creuser une mare avec Vendée Eau pour faire tampon des eaux de ruissellement (qui vont ensuite dans le lac en contrebas) et réchauffer l’eau du forage. De plus, l’assainissement de l’eau est géré par phytoépuration, les toilettes sont sèches et les produits d’entretien qu’utilisent la famille sont écologiques.

En trois ans, celle-ci a observé une amélioration constante de la biodiversité sur le terrain, avec l’apparition de hérissons, vers de terre, insectes, oiseaux et batraciens.

Un de leurs enfants en compagnie d’un hérisson

Malgré cela, « la phyto-épuration, les toilettes sèches ce n’est pas conforme. Même en proposant au maire de mettre une fosse sceptique, ça ne marche pas. Pour lui, la loi c’est la loi et le débat s’arrête là ».

D’où ce souhait de voir la loi évoluer pour qu’elle facilite l’habitat léger, tant qu’il respecte la nature et les voisins.

« Mais pour que la loi évolue il faudrait que le débat soit posé. On en parle très peu alors que beaucoup de gens se trouvent dans une précarité de logement. Je sais qu’il y a un sénateur, Joël Labbé, qui défend l’habitat léger. On le connait tous justement car c’est le seul à en parler ».

Lire aussi : Xavier a été condamné à détruire sa cabane, un collectif s’est formé pour protéger le droit à l’habitat léger

Le deuxième enfant d’Adrien et Marine en compagnie d’un des poneys présents sur la ferme. La famille accueille deux poneys et deux chevaux en pension sur une parcelle pour avoir du bon fumier pour leurs cultures

Depuis que leur logement est menacé, Adrien Cano et sa femme se sont rapprochés d’Olivier et Livia, dont nous vous avons parlé récemment, qui se trouvent dans un cas semblable.

« Ils sont en train de travailler sur une charte, avec des conditions à remplir pour habiter sur place. Moi je serais d’accord pour que des experts viennent analyser l’eau du système d’épuration, qu’ils aillent voir les voisins… Même si c’est intrusif, si c’est le prix à payer je le ferais volontiers, car ils se rendraient bien compte qu’on ne fait rien de mal ».

Le lac, situé à 5min à pied de leur terrain, sert de réserve d’eau potable pour la commune. D’autres fermes sont situés à côté.

D’autant plus que cette menace d’expulsion se place dans un contexte où la profession agricole peine à se renouveler avec la moitié des 448 500 agriculteurs français qui vont prendre leur retraite d’ici dix ans. Dans le même temps, la pression sur le logement atteint des sommets.

« On sait qu’on est en manque d’agriculteurs. Se lancer dans ce métier nécessite de gros investissements. Si j’avais dû acheter une maison en même temps que la terre, je n’aurai pas pu me lancer. Cette situation compromet des installations, c’est dommage ».

La crise en Ukraine a également rappelé aux pays européens l’importance de développer une souveraineté alimentaire, de façon solidaire avec les pays du Sud. Or, 1 fruit et légume sur 2 est actuellement importé en France. Le pays a donc un besoin capital de petites fermes maraîchères.

Les tomates poussent sous la serre

Depuis le lancement de leur pétition, plusieurs signataires se sont d’ailleurs étonnés de cette situation.

« En général, les gens sont surpris : on ne peut pas habiter sur ses terres quand on est agriculteur ? Pour tout le monde, c’est logique. »

Cette tension entre le cadre légal et une réalité de plus en plus prégnante donne un pouvoir très important au maire.

« Le banquier qui me suit est également maire d’une commune pas très loin, remarque Adrien Cano. Il ne comprend pas qu’on ait des problèmes. Il me dit que le maire peut tout à fait le tolérer, dire que c’est un logement de fonction, parce que c’est justifié qu’on soit sur place. Pour nous c’est hyper-précarisant. C’est au bon-vouloir du maire, alors qu’on a des enfants et qu’on ne s’est jamais cachés. On a toujours dit : on va faire du maraîchage bio, on va vendre sur place, habiter sur place. Et jusque là ça n’avait pas posé problème ».

Le cas d’Adrien, Marine et leur famille rejoint ainsi celui de nombreux autres qui refusent de participer à l’artificialisation des sols en construisant une maison, de dépendre d’aides au logement et de contribuer à la pression foncière sur le territoire.

Aujourd’hui, un mode d’habitat écologique et réversible correspond non seulement à leur envie de nature et de sobriété, en plus d’une véritable problématique sociétale.

Lire aussi : Un couple fait entrer le mot « permaculture » dans la loi et obtient le droit de vivre dans leur jardin-forêt

Marine Wolf

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