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Livia et Olivier se battent pour sauver leur foyer familial : une cabane jugée « illégale »

« Le maire nous reproche de perturber un corridor écologique qu’on a nous-même créé ! En plein Covid, il était hors de question de se soumettre à cette demande : on a préféré maintenir l’équilibre familial. C’est là qu’on a décidé de sortir du bois et défendre notre projet à travers une pétition qui a déjà recueilli 35 000 signatures. Notre expérience montre que construire la résilience d’un territoire est seulement une question de volonté. » raconte Olivier pour La Relève et La Peste

Partout en France, des milliers de famille ont choisi d’adopter un mode de vie différent, plus frugal, en harmonie avec la nature, et axé autour du partage. Livia et Olivier en font partie. Heureux parents de trois enfants, ils ont créé un havre de paix permacole de 3ha dans la Baie du Mont-Saint-Michel. Jugée illégale par les autorités, ils ont reçu pour ordre de détruire la cabane qui leur sert de lieu de vie. Aujourd’hui, ils sortent de l’anonymat pour sauver leur foyer.

Un mode de vie frugal

Olivier et Livia vivent à Roz-sur-Couesnon, dans l’Ille-et-Vilaine, au cœur de la baie du Mont-Saint-Michel. Depuis plus de six ans, le couple œuvre pour créer un lieu de vie permacole et quasi-autonome sur 3ha de terrain, composé de bois et de prairies, afin d’offrir une vie en symbiose avec la nature à leurs trois enfants : Lisa 2 ans et demi, Inti 7 ans et Léa 9 ans.

« Comme beaucoup, nous avons eu la prise de conscience qu’écologiquement, on était mal barrés, et qu’au niveau de la transition globale c’était compliqué de faire confiance à nos politiques vu l’inertie ambiante. On s’est dits qu’il valait mieux commencer par nous-mêmes et oser faire les changements au temps long. Surtout, nous voulions reconquérir notre temps pour le mettre à disposition de nos enfants. » explique Olivier Bescond pour La Relève et La Peste

Pour ce faire, pas question pour le jeune couple d’être dépendant d’un système bancaire et s’endetter sur 25 ou 30 ans. Leur démarche vers l’autonomie est d’abord passée par la réduction radicale de leurs besoins. Ils ont trouvé leur terrain grâce au bouche-à-oreille, un ami leur a vendu une première parcelle d’1ha et ils ont acheté 2ha supplémentaires il y a 1 an et demi.

« On a pris le temps d’observer l’existant en termes de présence végétale et animale et après on a réfléchi à la façon de mettre en place un habitat ayant le moins d’impact. C’est pour cela qu’on a choisi un habitat léger sans fondations et démontable. » explique Livia Silla pour La Relève et La Peste

Depuis cinq ans, Livia, Olivier et leurs trois enfants vivent dans une cabane en ossature bois de 35 m2 sans béton, sable, ni fondation au sol. Ils ont utilisé de la laine de mouton en guise d’isolation et installé un récupérateur d’eau de pluie, chauffée à l’aide d’un petit panneau solaire thermique, un poêle à bois pour le chauffage et deux panneaux solaires pour l’électricité, d’une puissance de 560watts.

« Notre force est d’avoir vécu le rationnement dans nos voyages. J’ai vécu 7 ans en Amérique Latine, dont 5 ans dans le dénuement. Cela a été extrêmement formateur sur la gestion des matières premières et des ressources : parfois nous n’avions pas du tout d’électricité, d’autres fois une seule journée dans toute la semaine, quant à l’eau courante n’en parlons pas. » témoigne Olivier en riant

Olivier et Livia ont mis en place tout un système vertueux au-delà du fonctionnement de la cabane : toilettes-sèches au fond du jardin, produits naturels pour la douche et l’entretien, poulailler, tous leurs déchets organiques retournent à la terre, les eaux usées arrosent leurs petits fruitiers et leur potager vivrier.  

Coût total de l’opération : 10 000 euros, achat de terrain et matériaux en tout genre inclus. Leur projet a été financé grâce à leurs maigres économies, au RSA et au troc. A leurs yeux, la création d’un revenu universel pourrait permettre de financer d’autres projets similaires.

« Surtout, on a planté énormément d’arbres. » expliquent-ils dans un sourire

Crédit : « Les Ptites Mains de Gaïa »

Autonomie, symbiose avec la nature et leur communauté

Lorsqu’ils ont commencé le travail sur le terrain en 2015, les contraintes étaient fortes : situé sur un contrefort granitique de 8 km de long où les profondeurs de terre dépassent rarement 1 mètre, la profondeur moyenne est de 40 cm avec de nombreuses zones de roches affleurantes (roche mère).  Étant donné la structure du sol et le coût qu’aurait eu une telle opération, ils ont décidé de ne pas faire de travaux pour l’irrigation.

« Autant dire que le succès d’un potager vivrier sur une terre arable quasi inexistante, sans eau, avec un PH acide (de par l’environnement forestier) n’était pas garanti. » expliquent-ils

Pourtant, dès la première année, Olivier et Livia ont atteint 80% de l’autonomie en légumes pour nourrir leur famille grâce à l’expérience de Livia en maraîchage (8 mois de woofing). Ils ont aussi aggradé le sol en appliquant les principes agroécologiques de base : apport de fumier ovin, équin, matière organique forestière, non travail du sol, engrais vert, légumineuse fixatrice d’azote, sol vivant.

« On est en train de recréer des haies pour favoriser le retour de la biodiversité. Notre prairie est entourée par deux autres parcelles fauchées une fois par an où il n’y a pas beaucoup de vie alors qu’elles sont aussi considérées comme des zones naturelles. Et nous, au milieu, on est devenu un paradis de biodiversité. Notre lieu est même labellisé refuge LPO pour les oiseaux. » explique Livia pour La Relève et La Peste

Merles, rouge gorges, geais, troglodytes mignons, mésanges charbonnières et bleues font désormais partie intégrante de leur lieu de vie. Pour rafraîchir la clairière à l’endroit où se trouve le terrain et leur fournir des fruits, plus de 140 arbres fruitiers et comestibles ont été plantés (dont des variétés anciennes de pommiers locales) ainsi que des plantes médicinales. Leur verger fait 2000m2.

Crédit : « Les Ptites Mains de Gaïa »

« En vrai, nous avons seulement besoin de 5 arbres pour l’autonomie familiale. Mais nous en avons planté autant pour que cela devienne un verger communal, et participe à un futur projet économique de transformation. » détaille Livia pour La Relève et La Peste

Car autonomie ne veut pas dire autarcie. Tout leur projet a été possible grâce à un réseau d’entraide local fort.

« Dans l’idéal, il faudrait que le réseau ne dépasse pas les 30km de circonférence pour qu’on soit en mesure d’aller les voir à vélo. » détaille Olivier

Le lieu accueille déjà de nombreux woofeurs, il est désormais un centre de formation permacole. Olivier a reçu l’accréditation de formateur en permaculture et ils ont créé une association, « Les Ptites Mains de Gaïa », pour partager l’abondance qu’ils cultivent, qu’il s’agisse de connaissances ou de récoltes, à travers une ressourcerie, un groupement d’achat alimentaire, des trocs de graines, des soirées ciné-débat avec des repas partagés, des balades de reconnaissance de plantes sauvages, etc.

Crédit : « Les Ptites Mains de Gaïa »

Pour eux, il ne s’agit pas d’un nouveau mode de vie mais de revenir aux savoirs d’antan : se réapproprier le socle de connaissances de base que tous les paysans connaissaient dans les années 1930/1940.

« Ils savaient forger, faire des murs en paille, et des toits en chaume. On repart à la conquête de ces connaissances que notre société a abandonné à cause de l’économie de service qui s’est mise en place. »

« Dans le temps, on ne faisait jamais une maison seuls. Elles étaient faites en collectivité et tout le monde aidait tout le monde tout le temps. L’individualisme consumériste a réussi à scinder toutes ces dynamiques et c’est sur quoi on a travaillé énormément en créant l’association sur la commune. Toute occasion est bonne pour créer du lien et partager du savoir. On a besoin d’excuses pour être ensemble quand on voit les gens rivés sur les écrans actuellement. » expliquent-ils en chœur

Les membres de leur réseau ne vivent pas tous comme eux, ce sont aussi des personnes « avec les deux pieds dans le système » qui ressentent le sens et l’enrichissement de leur démarche. Olivier et Livia voulaient à tout prix éviter un phénomène d’entre-soi.

Crédit : « Les Ptites Mains de Gaïa »

Une législation inadéquate pour l’habitat léger

Malgré cette belle dynamique collective territoriale, les élus locaux ne voient pas d’un bon œil qu’Olivier et Livia vivent sur ce terrain en désobéissance de la législation communale. Autrefois terres agricoles dans les années 60/70, le terrain est actuellement classé comme une zone naturelle protégée par le Plan local d’urbanisme (PLU) et leur interdit de vivre sur site.

En juin 2021, la sous préfecture de Saint Malo leur a fait une proposition pour classer l’affaire sans suite s’ils démontaient la cabane en six mois à date limite du 23 décembre 2021, sous peine de destruction par la force publique et d’une amende pouvant s’élever à 300 000 euros.

Lire aussi : Xavier a été condamné à détruire sa cabane, un collectif s’est formé pour protéger le droit à l’habitat léger

« Le maire nous reproche de perturber un corridor écologique qu’on a nous-même créé ! En plein Covid, il était hors de question de se soumettre à cette demande : on a préféré maintenir l’équilibre familial. C’est là qu’on a décidé de sortir du bois et défendre notre projet à travers une pétition qui a déjà recueilli 35 000 signatures. Notre expérience montre que construire la résilience d’un territoire est seulement une question de volonté. » raconte Olivier pour La Relève et La Peste

Grâce au réseau de la Désobéissance Fertile, dont nous vous parlons régulièrement, Olivier et Livia ont échangé avec de nombreuses autres familles. En France, on estime qu’elles sont des milliers dans le même cas.

La dérogation sous-préfectorale obtenue par Jules et Constance, un couple dans une situation similaire dans le Calvados, leur a donné de l’espoir pour participer à obtenir une législation en adéquation avec celles et ceux qui font le choix de vivre différemment, plus sobrement.

Lire aussi : Un couple fait entrer le mot « permaculture » dans la loi et obtient le droit de vivre dans leur jardin-forêt

« En parlant avec les différentes personnes incriminées que ce soit en terrain agricole ou en zone naturelle, on réalise que le seul fait de vouloir vivre de manière autonome suffit à être montré du doigt et délogé. Des maraîchers en Vendée et dans les Landes sont aussi impactés par cette stigmatisation. L’absence de taxes est souvent l’argument premier utilisé par nos détracteurs. Mais on paie la taxe foncière, la TVA quand on fait des achats, et on serait tout à fait d’accord pour payer des taxes spécifiques s’il y avait un cadre légal adapté. » précise Livia

Olivier et Livia ont fait part de leur décision par email au délégue du procureur, et n’ont plus eu de nouvelles depuis. Le dossier repose désormais entre les mains du préfet d’Ille-et-Vilaine.

« Notre démarche a plus de sens que jamais dans le contexte actuel. Entre la crise sanitaire puis une guerre et l’inflation, on a une certaine résilience pour le vivre plus sereinement que la plupart des gens. Et bien évidemment sur l’aspect écologique après six ans d’installation on a une empreinte tellement positive que la planète que c’est un sentiment très gratifiant. Je suis fière de pouvoir dire à mes enfants que j’ai fait tout ce que je pouvais pour améliorer les choses. » conclut Livia

Voir la pétition de Livia et Olivier : ici

Laurie Debove

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