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En plein hiver, sécheresse et canicule en Espagne, Portugal, France et Californie

« Ces sécheresses sont l’une des conséquences les plus graves du changement climatique. Tant que l’on n’aura pas fortement réduit les émissions globales de gaz à effet de serre, le problème continuera de se poser. » prévient Filipe Duarte Santos, chercheur à la faculté de Sciences de Lisbonne et spécialiste de l’environnement

Canicule en Californie, sécheresse exceptionnelle en Espagne, au Portugal et dans le sud de la France… Au milieu de l’hiver, plusieurs pays sont en proie à des évènements climatiques inhabituels, faisant craindre des incendies et un stress hydrique selon les régions. Alors que les 195 membres du GIEC travaillent depuis lundi et pour deux semaines sur nouveau rapport de référence sur les impacts dévastateurs du changement climatique, « les enjeux n’ont jamais été aussi élevés » avertit le patron des experts du climat. 

Une « canicule hivernale »

Depuis lundi 14 février, les membres du GIEC ont commencé une longue session de deux semaines de travail afin d’établir un nouveau rapport déclinant les conséquences du changement climatique sur la santé, la sécurité alimentaire, la pénurie d’eau, les déplacements de population ou la destruction des écosystèmes.

Si le rapport va donner des solutions envisageables pour se préparer à ces impacts, les quelque 300 chercheurs qui ont contribué au texte y montrent que la vie telle que nous la connaissons va inéluctablement être transformée à court terme. 

Et cet hiver, les conséquences du réchauffement climatique se font déjà sentir de façon inquiétante dans plusieurs régions du monde. En Californie, plusieurs centaines d’habitants ont dû être évacués la semaine dernière à Laguna Beach, une ville balnéaire au sud de Los Angeles.

En cause : un gigantesque incendie qui ravageait la ville, en plein cœur de l’hiver. Actuellement, la Californie est frappée par une « canicule hivernale », un épisode météorologique exceptionnel jamais vu en cette période de l’année.

https://twitter.com/CBSLA/status/1491771900514689024

« Ce n’est plus une saison des incendies que nous connaissons. C’est une année entière », a constaté Brian Fennessy, le chef des pompiers de ce comté situé au sud de Los Angeles, selon LeMonde.

Pour les météorologues, ces fortes chaleurs s’expliquent par un phénomène semblable à celui observé dans l’ouest de l’Amérique du Nord à l’été 2021, avec des records absolus de température atteints (49 °C). Le Jet stream, provenant du golfe d’Alaska et charriant habituellement des précipitations en cette période de l’année, est bloqué par un dôme de hautes pressions qui l’a repoussé vers l’est, et ce depuis plusieurs semaines.

De l’autre côté du pays, c’est l’inverse. Les oscillations du Jet stream ont provoqué des tempêtes de neige massives. Fin janvier, l’écart était ainsi de +30°C de la Côte 0uest à la Côte Est du pays. Résultat, pour la première fois depuis 16 ans, le service national de météorologie a émis une alerte « chaleur hivernale » en Californie du Sud. Des records de température ont été battus avec plus de 32°C dans le Sud au mois de février.

Ces températures mettent en péril l’enneigement historique de décembre 2021 de la région, en faisant fondre plus rapidement que prévu le « snowpack », le crucial empilement de neige qui permet un écoulement progressif à l’été, qui n’est plus que de 75 %.

Lire aussi : Dôme de chaleur en Amérique du Nord : les prémisses d’événements météo extrêmes dus au réchauffement climatique

Des sécheresses préoccupantes

En Espagne, au Portugal et en France, une sécheresse hivernale inhabituelle provoque l’inquiétude de la population. Dans la péninsule ibérique, le mois de janvier est le deuxième le plus sec enregistré depuis l’an 2000, selon les agences météo locales, avec une pluviométrie très faible voire inexistante, entraînant une aridité précoce et extrême.

Pour Ricardo Deus, climatologue de l’Institut portugais de la mer et de l’atmosphère (IPMA), cette sécheresse est exceptionnelle par « son intensité, son ampleur et sa durée ». Tandis qu’en Espagne, « en janvier, il n’a plu que le quart de ce qu’il aurait dû pleuvoir à cette période », a précisé l’AEMET, l’agence météorologique espagnole.

Lire aussi : Les scientifiques lancent l’alerte depuis 1990 sur l’augmentation des précipitations extrêmes et des sécheresses à cause du réchauffement climatique

Conséquences visibles et impressionnantes de cette sécheresse inhabituelle : Vilar, un ancien village portugais englouti par un fleuve après la construction d’un grand barrage il y a près de 70 ans, a réapparu depuis quelques semaines en raison du niveau très bas des eaux. En Espagne, c’est l’ancien village d’Aceredo qui a émergé du fait que la retenue du barrage d’Alto Lindo est quasiment à sec.

https://twitter.com/afpfr/status/1493213435542351874

Malheureusement, cette sécheresse pose aussi de sérieuses inquiétudes sur les ressources en eau de ces régions.

Le gouvernement portugais a été contraint de suspendre la production hydroélectrique de cinq barrages tandis qu’en Espagne, les niveaux des réservoirs d’eau se situent actuellement à moins de 45 % de leur capacité, faisant craindre le pire aux agriculteurs qui en dépendent. Les régions les plus touchées sont l’Andalousie (sud) et la Catalogne (nord-est).

https://twitter.com/SergeZaka/status/1493328600598208514

Lire aussi : La sécheresse pourrait être la « prochaine pandémie », avertit l’ONU

La France connaît elle aussi une sécheresse hivernale inhabituelle, notamment dans le sud-est. Le 11 janvier, un vaste anticyclone s’est étalé sur la France et l’Europe de l’Ouest, faisant barrage aux précipitations potentielles. Ainsi, le quart sud-est de la France enregistre actuellement un déficit de -35 à -60% par rapport à une pluviométrie normale, provoquant un manque de neige dès le début de l’hiver dans les Alpes du Sud.

Depuis ce weekend, des pluies abondantes et des vents assez forts viennent un peu soulager le territoire français et la végétation qui souffre de la sécheresse depuis le début d’année. Mais ce répit de brève durée ne suffira pas à lui seul car dès mardi et jusqu’à la fin février, aucune nouvelle dégradation n’est attendue dans le sud-est du pays.

« Dans ce contexte, la recharge des nappes phréatiques ne peut pas se faire, d’autant plus que l’automne est resté globalement sec sur cette région. Pire, la vidange des nappes, c’est-à-dire la baisse de leur niveau, pourrait débuter dès le début du printemps avec la hausse des températures. Il est à noter également la fréquence des coups de mistral, qui accentuent l’assèchement des sols et la diminution du manteau neigeux résiduel sur les Alpes du sud. Tous les éléments défavorables sont réunis au sud-est pour que plane désormais le spectre d’une importante sécheresse ces prochains mois. » avertissent les experts de la Chaîne Météo

Une situation malheureusement de plus en plus courante sur le territoire français. Ces dernières années ont été marquées par des saisons souvent déficitaires en pluie, dont les effets ont été amplifiés par des étés très chauds. De nombreuses communes doivent désormais être ravitaillées par camions citernes pour l’eau potable durant l’été, tandis que les bâtiments craquèlent sous l’effet de la sécheresse.

Depuis la fin des années 1980, la quasi totalité des Français dispose de l’eau courante à domicile, ce luxe considéré comme un acquis nous fait oublier qu’il s’agit d’une ressource vitale à protéger.

 

« Ces sécheresses sont l’une des conséquences les plus graves du changement climatique. Tant que l’on n’aura pas fortement réduit les émissions globales de gaz à effet de serre, le problème continuera de se poser. » prévient Filipe Duarte Santos, chercheur à la faculté de Sciences de Lisbonne et spécialiste de l’environnement

Alors que le prochain rapport du GIEC sur l’adaptation au changement climatique doit être rendu le 28 février, les scientifiques ont déjà rappelé un fait évident : il y a des limites aux possibilités d’adaptation selon la gravité de la situation.

A l’heure actuelle, la température moyenne s’est réchauffée de +1,1°C par rapport à l’ère pré-industrielle, multipliant déjà canicules, sécheresses, tempêtes ou inondations dévastatrices. Dans le premier volet de leur rapport publié en août dernier, les experts climat de l’ONU prévoient que le seuil de +1,5°C, objectif le plus ambitieux de l’accord de Paris, sera atteint autour de 2030, dix ans plus tôt qu’escompté, en raison des activités humaines.

Pour aller plus loin : La crise climatique s’accélère et s’intensifie à un rythme sans précédent, alerte le GIEC

Crédit photo couv : Apu Gomes / Getty Images via AFP

Laurie Debove

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