D’un bout à l’autre du globe, les événements météo extrêmes s’enchaînent. Sollicité par les médias pour comprendre les raisons de ce phénomène, le climatologue Jean-Pascal van Ypersele le rappelle : le GIEC avertit depuis 1990 que « l’effet de serre accentuera les deux extrêmes du pic hydrologique, c’est à dire qu’il y aura plus d’épisodes de pluie extrêmement abondantes et plus de sécheresses extrêmement prononcées. » Et les scientifiques d’ajouter : un degré supplémentaire, c’est 7% d’humidité en plus dans l’atmosphère. Pour eux, il est désormais urgent de « transformer notre économie et notre société » occidentale pour limiter les dégâts.
Après le dôme de chaleur en Amérique du Nord, et dans une moindre mesure en Espagne, ou des vagues de chaleur en Russie, à Madagascar et certains pays d’Asie ; voici les inondations en Europe, mais aussi dans l’Ouest de l’Australie, en Chine, au Népal ou encore des fortes pluies au Japon entraînant des glissements de terrain.
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« Les inondations de la mort », « une catastrophe sans précédent », « des intempéries dévastatrices. »
Les gros titres s’enchaînent pour décrire la tragédie qui frappe nos voisins européens, en Allemagne, en Belgique et aux Pays-Bas, mais aussi l’Est de la France qui subit des intempéries heureusement moins meurtrières.
Pour l’heure, ces catastrophes ont fait au moins 126 morts, des centaines de disparus, et d’énormes dégâts sur les infrastructures. Un bilan plus précis sera établi quand les choses seront revenues au calme.
Et si les climatosceptiques restent convaincus qu’il ne s’agit que d’événements météo qui ont déjà eu lieu avant, les scientifiques du monde entier s’accordent pour dire que nous vivons actuellement est sans commune mesure avec le passé, au climat plus stable, et avait été prédit depuis 1990 par le GIEC.
« L’effet de serre accentuera les deux extrêmes du pic hydrologique, c’est à dire qu’il y aura plus d’épisodes de pluie extrêmement abondantes et plus de sécheresses extrêmement prononcées. » Citation du premier rapport du GIEC, 1990
« On ne peut pas dire qu’on n’a pas été avertis. Le GIEC, et les scientifiques bien avant sa création, tirent la sonnette d’alarme depuis tellement longtemps, et sont si peu écoutés. On les écoute et on ne les invite que quand il y a une catastrophe, quand elle est déjà là. On s’occupe beaucoup trop peu de la prévention que ce soit au niveau des infrastructures qui n’ont pas été prévues quand il y a des débits d’eau comme ça, des bâtiments qui ne sont pas prévus non plus pour aider les populations à résister aux canicules. On en a trop peu parlé : la canicule de 2020 a tué 1400 personnes juste en Belgique. » a rappelé Jean-Pascal van Ypersele, le vice-président du GIEC lors du 5ème rapport du GIEC, sur un plateau TV belge
A nouveau, le corps scientifique qui travaille sur le sujet enchaîne les mises en garde et le recensement d’études pour étayer leurs propos, et faire prendre conscience à la population de l’ampleur de ce que nous vivons. Ainsi, une étude parue en juin 2021 le clame sans ambages :
« Les experts climatiques avertissent que, si aucune mesure urgente n’est prise, le changement climatique continuera de provoquer une augmentation de l’intensité des précipitations extrêmes pouvant entraîner de graves inondations. »
Dans un article publié dans The Conservation, la paléo-climatologue Valérie Masson-Delmotte décrypte ainsi comment ces phénomènes sont liés :
« L’augmentation de l’effet de serre, due aux activités humaines, entraîne un réchauffement des océans et de l’atmosphère, près de la surface. Ce phénomène peut renforcer l’évaporation. Une atmosphère plus chaude peut potentiellement transporter 7 % d’humidité en plus par degré de réchauffement, conformément à la relation de Clausius-Clapeyron. »
Un degré supplémentaire, c’est donc 7% d’humidité en plus dans l’atmosphère en moyenne. Nous sommes actuellement à +1°C de réchauffement moyen, et ressentons un peu plus chaque année les conséquences d’un dixième de degré d’écart. Limiter le réchauffement à +1,5°C par rapport à +2°C peut donc faire une différence énorme.
« Beaucoup de gens ont l’impression que les catastrophes que nous observons aujourd’hui, c’est cela le réchauffement climatique, mais la deuxième partie du siècle, si on ne fait rien, sera terrible. » avertit le climatologue Jean Jouzel à franceinfo
« Honte aux politiques qui parlent encore de la jouer tranquille, ou d’écologie punitive. La vraie écologie punitive, c’est ça. Quand certains dirigeants (et éditorialistes) font le jeu de l’inaction et comptent leur profit, d’autres comptent les morts. Le monde n’en est qu’à +1.2°C de réchauffement global et certains pensent que +2°C serait pragmatique. Personne ne sera épargné, pas même les pays riches industrialisés. » a réagi le vulgarisateur scientifique BonPote
Pour limiter les dégâts, il faut avant tout atténuer notre impact et notamment limiter les émissions de gaz à effet de serre. Les solutions magiques promises par des technophiles enthousiastes ignorent toutes un fait très simple : aucune solution industrielle à ce jour ne peut se passer d’énergies fossiles pour être mise en place, fonctionner et être entretenue dans le temps.
« On reste persuadé que l’innovation va permettre d’effectuer la transition, mais c’est parce qu’on ne comprend pas très bien comment fonctionnent la sidérurgie, les cimenteries, la production d’engrais, l’agriculture… et surtout les mécanismes de diffusion des techniques, son rythme et sa lenteur. La transition n’a pas eu lieu, elle n’a pas même pas commencé. Historiquement, nous n’avons jamais connu de véritables transitions énergétiques. La tâche qui nous attend est complètement inouïe. C’est quelque chose qu’on n’a jamais fait. » énumère Jean-Baptiste Fressoz, historien
Changer le modèle économique des pays du Nord n’est donc plus seulement un devoir d’ordre moral, par respect pour les pays du Sud en première ligne depuis bien longtemps face à la crise climatique, mais aussi un impératif sécuritaire : il s’agit d’éviter le pire aux populations.