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Drôme : les chasseurs se plaignent de la diminution des sangliers causée par… les loups

« Les loups s’attaquent aux proies les plus fragiles, ce qui permet à la nature de se régénérer et de permettre aux espèces d’être plus fortes. Le loup est la meilleure chose qui puisse arriver à un écosystème. »

C’est ce qu’on appelle « l’arroseur arrosé ». Alors que certaines fédérations de chasse refusent désormais de payer les dégâts causés par la prolifération des sangliers dans d’autres départements, celle de la Drôme se plaint de ne plus en avoir assez à chasser à cause du loup. Revenu en force sur le territoire, ce canidé sauvage régule bien mieux les populations d’herbivores que les humains armés.

L’ingérence des chasseurs

En quarante-cinq ans, le nombre de sangliers en France a été multiplié par vingt. Il y en aurait aujourd’hui entre 1 et 2 millions dans l’Hexagone. Dans les vignes, les prairies ou les champs de maïs, leur prolifération entraîne chaque année 20 à 30 millions d’euros de dommages agricoles en France.

Dans les années 1960, les chasseurs avaient demandé à payer eux-mêmes le montant des dégâts causés par « le grand gibier » pour devenir les « régulateurs officiels » des herbivores des forêts. Seulement en 2019, l’indemnisation de ces dégâts a représenté un budget de 77,3 millions d’euros ce qui fait que les chasseurs ne veulent plus payer. Une demande rejetée en début d’année par le Conseil Constitutionnel.

« Les chasseurs ont fait tellement de choses pour gonfler les populations en les croisant avec des cochons domestiques, le fameux cochonglier qui est une pratique aujourd’hui interdite sauf en enclos, ou en les nourrissant. Face aux dérives, un décret a été promulgué il y a un mois pour interdire aux chasseurs de nourrir artificiellement les sangliers pour les maintenir à un endroit fixe, preuve que même l’Etat cherche à reprendre la main sur cette situation catastrophique » explique Richard HOLDING, naturaliste et chargé de communication à l’ASPAS, pour La Relève et La Peste

En plus d’interdire les tirs sélectifs épargnant les laies reproductives et les lâchers de sangliers, ce nouveau décret punit désormais le nourrissage des sangliers (betteraves, patates et baguettes de pain) par une amende de 750 euros. L’agrainage reste paradoxalement toujours autorisé, sauf dans certains départements qui prennent les choses en main comme l’Indre-et-Loire.

Lire aussi : L’Indre-et-Loire interdit aux chasseurs de nourrir les sangliers pour limiter leur prolifération

Dans la Drôme, au contraire, le nombre de sangliers a diminué de plus de la moitié depuis 2018 grâce aux loups qui sont de plus en plus présents dans le département. Mais au lieu d’accueillir avec plaisir cette aide inattendue, les chasseurs se plaignent d’avoir moins de sangliers à disposition : alors qu’ils ont tué 20 000 sangliers en 2018, ils en ont abattu deux fois moins en 2021 et ne devrait en tuer « que » 7000 à 8000 cette année.

« Les chasseurs considèrent les loups comme des concurrents directs puisqu’eux ont besoin de chasser pour se nourrir et vont s’attaquer aux chevreuils, cerfs, chamois, mouflons ou sangliers. Leur prédation se voit clairement : j’ai moi-même eu l’occasion de l’observer en trouvant des crottes de loup pleines de poils de sangliers dans la nature. Les chasseurs sont de plus en plus mobiles avec le prix du permis de chasse divisé par deux en 2018 (de 400€ à 200€, ndlr).

Ce cadeau de Macron a eu un impact assez énorme : avant, les chasseurs se contentaient de rester dans leur département car le permis national était beaucoup plus cher ; aujourd’hui, ils viennent de très loin pour chasser à la journée. On n’est plus du tout dans cette chasse à l’ancienne où les locaux chassent autour de chez eux, je croise partout des grands pick-ups de chasseurs avec des immatriculations d’autres départements. S’ils n’ont plus autant de gibier à disposition, cela casse le business de la chasse et rend les chasseurs en colère » analyse Richard HOLDING, naturaliste et chargé de communication à l’ASPAS, pour La Relève et La Peste

Lire aussi : La cohabitation des loups et des ours est bénéfique pour les proies

Le rôle essentiel des prédateurs naturels dans les écosystèmes

L’argument avancé par les chasseurs n’est pourtant pas d’ordre économique mais écologique. Pour eux, la « présence excessive » du loup, soit environ 250 individus selon leurs estimations, serait une menace pour la faune sauvage qui risquerait de disparaître.

« Clairement, la Drôme a de plus en plus de loups mais les loups ne connaissent pas les limites administratives et les meutes évoluent certainement à cheval entre plusieurs départements. Ils se déplacent de plusieurs dizaines de kilomètres par nuit, ce sont des animaux très mobiles. Quand ils chassent, ils vont rester plusieurs jours sur un secteur puis partir ailleurs pour se faire oublier et tromper la vigilance des animaux sauvages. Chaque meute a son propre territoire, donc une population de loups ne peut pas pulluler sur un secteur car ils sont vraiment dépendants de la quantité de gibier disponible. Même les naissances s’adaptent à ce facteur, un phénomène courant chez les renards et d’autres prédateurs » détaille Richard HOLDING, naturaliste et chargé de communication à l’ASPAS, pour La Relève et La Peste

Pour les chasseurs, les loups seraient notamment responsables de la diminution des mouflons, qui seraient passés de 900 individus il y a 20 ans à seulement une quinzaine de nos jours. Or, le mouflon n’est pas originaire des Alpes. Il a été introduit petit à petit au milieu du XXe siècle, sans aucune étude préalable, pour des raisons cynégétiques.

« L’espèce a été importée par les chasseurs, pour leur plaisir. Alors que le chamois, lui, est une espèce endémique qui souffre beaucoup du changement climatique et de la sur-chasse humaine. » rappelle Richard HOLDING, naturaliste et chargé de communication à l’ASPAS, pour La Relève et La Peste

Lire aussi : En France, il y a plus de loups et moins d’attaques : un signe encourageant pour la coexistence

Pourtant, Michel Sanjuan, vice-président des chasseurs de la Drôme en charge du loup et du grand gibier, explique à FranceBleu que « si on ne change pas le statut d’animal protégé du loup, on court à la catastrophe » et aimerait avoir l’autorisation d’abattre ce prédateur naturel.

« Les loups s’attaquent aux proies les plus fragiles, ce qui permet à la nature de se régénérer et de permettre aux espèces d’être plus fortes. Le loup est la meilleure chose qui puisse arriver à un écosystème. Ils ont ce rôle de régulation qui les assainit et profite à la végétation car les cervidés et les ongulés deviennent plus méfiants et plus mobiles, ce qui laisse plus de marge aux forêts pour se régénérer. Le problème, c’est qu’en France on ne laisse pas assez de temps et d’espace à la régulation naturelle. Clairement dans les zones où les loups sont présents il faudrait arrêter tout type de chasse et voir le résultat » plaide à l’inverse Richard Holding

On dénombrait entre 10 000 et 20 000 loups en France à la fin du 18ème siècle, contre 920 aujourd’hui. Malgré cela, des abattages légaux et illégaux de loups continuent d’avoir lieu dans le pays. Pour l’ASPAS, la solution n’est pas de les tuer, une bonne coexistence avec les éleveurs inquiets passe par le triptyque présence du berger, clôtures électrifiées et surtout chiens de protection.

Les études le prouvent, il n’y a aucun risque les loups fassent mourir toute la faune sauvage dont ils dépendent. Il n’y a que l’espèce humaine qui soit assez stupide pour se condamner toute seule.

Pour aller plus loin : Les prédateurs naturels sont bien plus efficaces que les chasseurs dans l’équilibre des forêts

Laurie Debove

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