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Des milliards d’euros ont été gaspillés dans le plan anti-pesticides en France en dix ans

En novembre 2019, la Cour des Comptes élève le bilan des plans Ecophyto : ce ne sont pas 800 000 millions, mais 4 milliards sur les fonds publics qui auraient été dépensés entre 2009 et 2021, soit 400 000 euros en plus par an.

En octobre 2007, lors de la conclusion du Grenelle de l’environnement, la France s’est fixée l’objectif de réduire de moitié l’usage des pesticides, et cela en dix ans. En 2008, 800 000 millions d’euros avaient été débloqués pour un programme dédié à cet objectif : le plan Ecophyto 2018. A cette somme ont été ajoutés 400 millions d’euros chaque année entre 2009 et 2021. Loin des résultats escomptés, l’usage des pesticides a augmenté de 15 % entre 2009 et 2019. En cause : projets inefficaces, détournements de fonds, et lobbying.

Anne Laure-Barral, journaliste à l’origine de l’enquête menée pour FranceInter, explique que lors d’une réunion au ministère de l’environnement en 2008, l’annonce de la réduction des pesticides a été abordée très rapidement et surpris les syndicats agricoles ainsi que la FNSEA et des Chambres d’Agriculture. Ils ont exprimé leur colère et obtenu l’ajout d’un « si possible » à la fin du texte officiel.

En 2014, dans le cadre d’une mission parlementaire, Dominique Potier tire la sonnette d’alarme : 361 millions d’euros ont déjà été dépensés dans le cadre du plan. D’après lui, il y a trop de donneurs d’ordre, et les agences de l’eau ont leur propre logique, ce qui a dispersé les forces employées à ce but.

Laurence Guichard, ex-ingénieure agronome à l’INRA, estime que le plan a été  : « pensé dans une vraie logique de guichet, avec la possibilité pour les uns de récupérer de l’argent pour financer des postes et des activités »

tandis que ceux qui donnaient l’argent, notamment les pouvoirs publics, travaillaient avec « une logique de distribution d’argent sans réel souci de résultats (…) Il y a beaucoup de financements dans la recherche de programmes qui ne sont pas forcément utiles à Ecophyto et à la confection de systèmes moins dépendants. »

Des dépenses inutiles ont été faites pour des études menées sur les mêmes sujets, parfois à plusieurs reprises, comme sur les effets des pesticides, là où le plan avait logiquement pour but la mise en place de véritables actions pour les réduire. Une partie des financements a aussi été versée dans des domaines qui ne sont pas liés à la réduction des pesticides.

En novembre 2019, la Cour des Comptes élève le bilan des plans Ecophyto : ce ne sont pas 800 000 millions, mais 4 milliards sur les fonds publics qui auraient été dépensés entre 2009 et 2021, soit 400 000 euros en plus par an.

Certains acteurs ont ainsi continué à se servir, les principaux bénéficiaires étant les organismes agricoles. Les chambres d’agricultures auraient notamment organisé une surveillance des cultures pour près de 10 millions d’euros par an, afin de ne traiter qu’en cas de nécessité, tel que lors de maladies.

Mais ces alertes récurrentes ont encouragé d’autant plus les agriculteurs à traiter leurs parcelles avec des pesticides.

Jean-Marc Ménard, directeur de recherche à l’INRA, explique que si certains agriculteurs, après avoir lu des alertes du bulletin de santé sur la présence d’un insecte ravageur dans le département, recherchent d’abord sa présence dans leur champs, d’autres traitent immédiatement, en amont.

Des fabricants de pesticides se servent par ailleurs de ces alertes pour contacter directement les agriculteurs par mail, ou par sms, et les inciter à utiliser leurs produits.

En 2020, nous écrivions déjà sur l’augmentation de l’utilisation des pesticides en France. Les chiffres donnaient alors une augmentation de 25%. C’est leur mise à jour, publié sur le site du ministère, qui établit désormais l’augmentation à 15% entre 2009 et 2019.

13 millions et demi d’euros ont également financé tous les ans des animateurs et des mi-temps pour fédérer un réseau de 3000 fermes dites exemplaires, les fermes Dephy. Si les chambres d’agriculture ont touché les subventions, un manque d’expérience des acteurs et des agriculteurs a empêché un véritable développement de méthodes alternatives dans au moins 80 % de ces fermes.

Quant à celles qui ont réussi, elles n’ont pas tant servi d’exemple aux autres, malgré les résultats qu’elles ont rendu aux animateurs de la fédération. Il y a donc eu ici un véritable manque de communication.

Des détournement de ces fonds ont été notés. Parmi les responsables de 5 chambres d’agriculture départementale, des financements ont été faits envers des syndicats agricoles, 40 000 euros dépensés en places de match de foot, et 80 000 euros en voyage d’étude en Afrique du Sud pour les élus, et leurs conjoints.

L’argent d’Ecophyto a aussi bénéficié à des acteurs privés tels que des coopératives et des négociants vendeurs de pesticides. Trois grandes sociétés étrangères de pesticides ont été rachetées par cet intermédiaire.

Afin de contrer les entreprises qui vendaient uniquement des pesticides, le plan Ecophyto 2 a été mis en place en 2014 pour les pénaliser, mais ce plan s’est avéré être un échec et presque aucune mesure n’a suivi. Les prélèvements continuent donc, malgré la minorité de voix qui s’élèvent contre ce gaspillage d’argent public.

Le nombre d’opposants et les sanctions qui pourraient suivre de la part des élus n’augmente cependant pas contre les responsables agricoles. Claudine Joly, chargée de la question des pesticides pour France Nature Environnement, estime que cela est dû aux élections régulières. Elle commente : « Il est beaucoup plus logique pour un politique dans une démocratie de dire : on vous accompagne et on travaille ensemble pour le changement. »

Maïté Debove

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