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Des chalutiers géants pillent le Golfe de Gascogne alors que les pêcheurs artisans sont bloqués par la crise du coronavirus

Si les chalutiers ont légalement le droit de se rendre en mer, ce qui pose véritablement problème ici, c’est l’injustice du "deux poids – deux mesures" appliqués dans le secteur de la pêche, et exacerbés par la crise. Contre 400 tonnes de poisson pêchées par jour pour un chalutier, un bateau artisan a une capacité maximale moyenne de 200kgs par jour.

Une injustice criante se déroule actuellement dans le Golfe de Gascogne : alors que les pêcheurs artisans sont cloués à quai par la crise du coronavirus, des chalutiers géants, de plus de 100 mètres, continuent d’aller en mer et en profitent pour capturer tous les poissons.

L’effondrement du marché pour les pêcheurs artisans

Le confinement imposé par la crise sanitaire du coronavirus a des impacts sur tous les secteurs de la société et la pêche n’est pas épargnée, bien au contraire ! Avec la fermeture des restaurants et des frontières, les prix se sont littéralement effondrés, passant de 20€ à 1€ le kilo sur certaines espèces, à tel point que les criées, comme à Sète et Saint-Jean-de-Luz, et pêcheries ont dû être fermées.

A Saint-Brieuc, la campagne de pêche à la coquille Saint Jacques a même complètement été arrêtée pour l’instant, en raison de la chute des prix mais aussi de la fermeture des entreprises de décorticage et transformation, mesures de confinement obligent. Ce sont des tonnes de coquilles saint jacques qui ont ainsi pourri sur les quais, invendues.

Durement touchés par cette crise, les pêcheurs artisans ont donc arrêté de sortir en mer. A l’inverse des gros chalutiers qui eux, continuent d’aller pêcher en toute tranquillité !

« L’alerte a été lancée par des pêcheurs artisans bloqués à quai hier. Ils ont repéré les 4 chalutiers géants, visiblement il y en a un cinquième qui les aurait rejoint depuis ce matin. On parle ici de bateaux qui peuvent traiter 400 tonnes de poisson par jour. A titre de comparaison, Lorient, 1ère criée française, traite en moyenne 200 tonnes de produits de la mer par jour : chaque jour, chacun de ces chalutiers géants peut traiter 2 fois plus de poisson que l’un des plus gros ports de pêche français. L’ampleur du scandale n’a donc d’égale que les capacités de capture démesurées de ces unités de pêche. » précise Thibault Josse, chargée de mission pour l’Association Pleine Mer, à La Relève et La Peste

Si les chalutiers ont légalement le droit de se rendre en mer, ce qui pose véritablement problème ici, c’est l’injustice du « deux poids – deux mesures » appliqués dans le secteur de la pêche, et exacerbés par la crise. Contre 400 tonnes de poisson pêchées par jour pour un chalutier, un bateau artisan a une capacité moyenne de 200kgs par jour.

Un bateau artisan en mer – Crédit : Association Pleine Mer

Une injustice qui aggrave les inégalités entre chalutiers industriels et pêcheurs artisans

Les chalutiers raflaient déjà le maximum de quotas de pêche autorisés grâce à la taille de leurs navires, maintenant ils vont en plus profiter, à eux seuls, des retombées économiques de la saison du maquereau, pendant que leurs confrères aux bateaux plus modestes sont cloués à quai.

Encore plus préoccupant, en voulant découvrir qui se cache derrière le nom des 4 chalutiers actifs (Sandettie, Annie Hillina, Prins Bernhard, Frank Bonefaas), l’association Pleine Mer a découvert qu’il s’agit d’armements néerlandais et français (des grosses structures qui possèdent plusieurs bateaux) dont certains des directeurs font également partie des comités de direction des instances nationales et européennes de pêche ! Une collusion d’intérêts que dénonce l’association Pleine Mer.

Parmi eux : l’armement France Pélagique, dont le directeur général Antoine Dhellemmes est également vice-président du comité national des pêches maritimes et des élevages marins (CNPMEM). Et Hervé Jeantet, autre dirigeant de l’armement France pélagique, qui est le président du conseil spécialisé « pêche et aquaculture » de FranceAgrimer, et le vice- président de la principale Organisation de Producteurs Française, les Pêcheurs de Bretagne (LPDB).

« Quand on sait que France Agrimer, le CNPMEM et LPDB s’épanchent depuis une semaine dans les médias en disant vouloir tout mettre en œuvre pour soutenir les marins français qui sont à quai … alors que les bateaux de certains de leurs administrateurs profitent de l’opportunité pour piller la ressource des pêcheurs artisans … Il y a de quoi crier au scandale ! Ces bateaux aux capacités démesurées ne devraient même pas exister, et leur utilisation en période de crise est d’un opportunisme abject, qui tue l’environnement et les pêcheurs artisans. » s’indigne Charles Braine, président de l’association Pleine Mer et ancien marin-pêcheur

Un bateau artisan rentre au port – Crédit : Association Pleine Mer

En effet, les immenses chalutiers sont responsables de la surpêche qui déciment les océans, et privent chaque année un peu plus les pêcheurs artisans de quotas de poissons, en plus de bénéficier de la majeure partie des financements français et européens.

Comme le souligne la plate-forme LIFE (Low Impact Fishers of Europe) : 70 % des dernières subventions du Feamp ont été octroyées aux flottes de grande taille et 18 % aux petites flottes de pêche artisanale, composées de bateaux de moins de douze mètres.

Pour aider les pêcheurs artisans à faire face à cette concurrence déloyale, l’association Pleine Mer a créé une carte interactive qui met en lien direct les pêcheurs artisans avec les consommateurs. Le but : créer un contrat entre artisan et consommateur où le pêcheur s’engage à utiliser des méthodes de pêche durables, dans le respect des espèces, tandis que le consommateur paie un prix juste.

Il s’agit de re-développer le lien entre pêcheurs et consommateurs et créer des criées de pêche plus résilientes, car les prix y sont pour l’heure extrêmement instables comme le prouve la crise du coronavirus. A ce jour, tout le monde peut continuer à acheter en vente directe aux artisans pêcheurs, dans le respect des règles sanitaires en cours.

Une fois encore, la crise du coronavirus met en exergue les dysfonctionnements de la société, cette fois-ci entre la précarité de la pêcherie artisanale, et les privilèges obtenus par les chalutiers industriels.

Laurie Debove

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