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Dérèglement climatique : la pire moisson de blé tendre depuis 40 ans

« Le réchauffement climatique est violent et sape graduellement notre rentabilité. Deux mauvaises années consécutives vont mettre en difficulté une grande partie des fermes françaises. Le silence est de plus en plus pesant dans nos campagnes. On ne reconnaît plus le travail de cette France des panneaux retournés »

C’est une année catastrophique pour les céréaliers. Les pluies constantes depuis l’automne et le manque d’ensoleillement au printemps ont favorisé l’apparition de maladies dans les champs. Résultat, la production de blé tendre est en baisse d’environ 24% par rapport à la période 2019 – 2023.

Le dérèglement climatique n’est pas seulement synonyme de sécheresse, il est aussi le catalyseur de précipitations plus fortes. Alors que les agriculteurs parlent déjà de « chaos climatique », ne sachant plus à quelle saison se vouer, les céréaliers ont subi d’importantes pertes cette année.

Dans sa note de conjoncture grandes cultures du 9 août, Agreste indique ainsi que le rendement de blé tendre est évalué à 62,4 q/ha, -15,5 % à celui de 2023 « et notamment pour les trois premières régions de production : -18,7 % en Hauts-de-France, -19,4 % en Grand Est, -12,8 % en Centre-Val de Loire. »

Le blé tendre est la céréale la plus cultivée en France. Il est notamment transformé en farine propice à la confection de pain, biscuits ou gâteaux. Ce n’est pas la première fois que les céréaliers subissent les impacts du dérèglement climatique.

« En 10 ans, le blé français, fierté nationale, a connu trois catastrophes agricoles majeures, dont deux accentuées par le changement climatique. Du fait de politiques agricoles non adaptées, l’affaiblissement de nos sols et surtout la pression du changement climatique, la production de blé français continue sa décroissance » explique l’agroclimatologue Serge Zaka

2016 avait été une année particulièrement noire pour le blé, avec des épisodes de pluie majeurs en avril-juin durant le remplissage du grain et les moissons. Les champs étaient alors inaccessibles et inondés, faisant chuter la production de plus de 20%.

Or, si les rendements de 2024 restent supérieurs à ceux de l’année 2016, « la production de blé est encore plus faible cette année qu’en 2016. Cette saison, l’excès de précipitations a commencé dès l’automne empêchant la bonne réalisation des semis. Les surfaces ont perdu -10,5 % sur un an pour tomber à 4,243 millions d’hectares. Il a manqué 900 000 ha par rapport à 2016, d’où une récolte encore plus mauvaise ! », rappelle Gautier Le Molgat, directeur d’Argus Media France.

Ce rendement fait de 2024 l’une des trois plus petites récoltes de blé tendre des 40 dernières années. Seul le bassin méditerranéen a vu son rendement de blé tendre augmenter, malgré une faible implantation, par rapport aux années précédentes marquées par la sécheresse. Dans le reste de la France, les céréaliers sont dans la tourmente.

« Le réchauffement climatique est violent et sape graduellement notre rentabilité, à cela s’ajoute en 2023 la dépréciation de nos stocks et la flambée des intrants (qui fluctuent selon les lois du marché, ndlr). Deux mauvaises années consécutives vont mettre en difficulté une grande partie des fermes françaises. Le silence est de plus en plus pesant dans nos campagnes. On ne reconnaît plus le travail de cette France des panneaux retournés » témoigne l’agriculteur céréalier Julien Senez qui a repris la ferme familiale dans les Hauts de France

Entièrement tributaires du marché international, où d’autres pays ont fait de meilleures récoltes, les agriculteurs français ne pourront pas compenser en augmentant leurs prix. Et le blé n’est pas la seule culture concernée : orge, colza ou pois ont également souffert des fortes précipitations printanières. Le maïs, le tournesol et le sorgho ont, à l’inverse, plutôt prospéré une fois que les températures ont augmenté.

A long terme, cette baisse de rendements risque sans doute de faire perdre à la France sa position dominante à l’export, remettant en perspective le besoin de d’abord assurer la résilience alimentaire de nos territoires. A l’inverse, la Russie est devenu le 1er exportateur mondial de blé en 2017.

« Ce pays est considéré par les scientifiques comme le futur grenier du monde ; le changement climatique lui offrant de nouvelles possibilités agricoles. Un danger pour le prix mondial du blé en cas d’instabilité climatique» prévient Serge Zaka.

Si la FNSEA a demandé des dispositifs d’accompagnement pour aider les agriculteurs à faire face à la crise, l’Etat n’a pour l’instant rien mis en place. Surtout, les agriculteurs redoutent les prochaines années. L’instabilité causée par le dérèglement climatique n’étant pas prête de s’arrêter, faute d’action politique de grande envergure pour réduire nos émissions de gaz à effet de serre.

Laurie Debove

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