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Ces 15 agriculteurs landais produisent une farine 100% locale en créant un moulin à meule de pierre

« A un moment donné faut qu’on se remette dedans, nous les agriculteurs, en disant qu’on ne peut pas avoir de pénurie de farine alors que la France est l’un des greniers de l’Europe. Dans les Landes, il n’y a plus de farine locale, on est les premiers à la recréer ! Notre réflexion d’autonomie était déjà là et le contexte nous a donné raison. »
7 février 2023 - Laurie Debove
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- Thème : Intelligence et communication, protection des forêts, déforestation, santé…
- Format : 300 pages
- Impression : France

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Finies les monocultures de maïs ! Ces 15 agriculteurs ont décidé de recréer une filière locale de farine qui avait complètement disparue des Landes. L’objectif : varier les cultures dans les champs pour soulager les sols, leur assurer un revenu décent et créer une farine de qualité pour les boulangers locaux. Une aventure agronomique et humaine exemplaire.

Cultiver du blé pour soulager les sols

Pour ces 15 agriculteurs et agricultrices landaises, tout a commencé en 2017 lorsqu’ils cherchaient une solution pour allonger leurs rotations de culture afin de diminuer les engrais et herbicides.

« En bio, le cahier des charges impose une rotation des cultures. Avec les trois cultures principales (souvent du soja, maïs et tournesol), il en faut deux de plus d’où l’idée de cultiver des céréales à paille qui permettent d’éviter les herbes indésirables et de fournir de la nourriture aux animaux des éleveurs. Les changements culturaux permettent de mieux répartir l’assolement et d’être moins tributaires de l’eau l’été » raconte Mélanie Martin, agricultrice en agriculture biologique à Saint-Pierre du Mont, pour La Relève et La Peste

En effet, le blé par exemple possède quelques avantages par rapport au maïs. Même s’il a besoin de plus d’eau, il pousse l’hiver ce qui limite l’irrigation, contrairement au maïs qui pousse l’été. Après deux ans de tests et de recherches, soutenus par l’ALPAD (Association Landaise pour la Promotion de l’Agriculture Durable), les agriculteurs ont sélectionné plusieurs variétés de céréales, notamment le Blé Rouge de Bordeaux, une semence paysanne.

Un champ de blé d’Haria Blanca en train d’être moissonné – Crédit : Faire du Blé

« Cela reste un vrai défi de produire du blé dans les Landes à cause du manque de froid l’hiver et de printemps très pluvieux. Historiquement, il y a toujours eu du blé en Chalosse et plutôt du seigle dans les Hautes Landes, mais jamais de rendements exceptionnels » détaille Mélanie Martin, qui cultive du seigle bio et des légumes bio à la Ferme de Burté, pour La Relève et La Peste

En plus d’un faible rendement, le dérèglement climatique entraîne une précocité des récoltes. En 2022, le blé a dû être ramassé le 20 juin à cause des fortes chaleurs (au lieu de mi-juillet en temps normal). Face à ces problématiques et inspirés par une expérience précédente sur l’huile et le colza, les agriculteurs ont alors eu l’idée de créer de la valeur ajoutée en transformant directement les céréales en farine en créant la coopérative Haria Blanca, qui veut dire « farine blanche » en Gascon.

Participer à l’autonomie alimentaire locale

Après avoir suivi des formations pour apprendre les techniques de culture, tri, stockage et transformation des céréales, les agriculteurs ont été confrontés à un nouveau défi : trouver un moulin !

 « Jusque dans les années 60, il y avait des meuniers partout. Cela a cessé à cause de la standardisation alimentaire nationale, on a tout laissé aux mains des grands groupes et la farine n’y a pas échappé. Nous, on a pris le chemin inverse : on s’est dit qu’on allait faire des céréales locales à une échelle plus importante qu’un producteur isolé pour les faire rayonner autour de chez nous dans les Landes » explique Eric Labaste, éleveur de canards et producteur de kiwis à Saint-Lon Les Mines, pour La Relève et La Peste

Les membres d’Haria Blanc ont pu faire leurs premiers débuts dans la meunerie grâce à l’association des moulins des Landes et Maurice, 92 ans, qui a vécu cette époque et possède encore aujourd’hui une minoterie industrielle à l’ancienne datant de la fin des années 1800 ainsi qu’un savoir inestimable. Une véritable transmission transgénérationnelle.

Formation au moulin de Maurice – Crédit : Faire du Blé

« Comme les moulins de l’époque ne sont plus adapté au travail d’aujourd’hui, nous avons décidés de construire un moulin cumulant l’ancien et le nouveau : une meule de pierre avec des tamis électriques pour avoir une farine de qualité. La meule de pierre permet d’écraser le grain de façon souple et moins rapide ce qui permet de conserver la chaîne protéique de la graine » précise Mélanie Martin, agricultrice en agriculture biologique à Saint-Pierre du Mont, pour La Relève et La Peste

Le collectif a lancé une campagne de financement participatif pour pouvoir construire ce moulin qui transformera environ 200 tonnes de céréales par an. Le stockage du grain est prévu dans des cellules en bois qui permettent une meilleure conservation des céréales durant l’année, en plus d’être un matériau écologique.

Construction des silos de stockage en bois – Crédit : Faire du Blé

Les ruptures dans les chaînes d’approvisionnement provoquées par la pandémie d’abord, puis le conflit russo-ukrainien et son impact sur les cours du blé ont renforcé la coopérative dans la justesse de sa démarche.

« A un moment donné faut qu’on se remette dedans, nous les agriculteurs, en disant qu’on ne peut pas avoir de pénurie de farine alors que la France est l’un des greniers de l’Europe. Dans les Landes, il n’y a plus de farine locale, on est les premiers à la recréer ! Notre réflexion d’autonomie était déjà là et le contexte nous a donné raison. Là, on a peur de l’inflation d’où le lancement de la campagne de financement participatif » confie Mélanie Martin pour La Relève et La Peste

Nom de la farine choisie par le coopérative : « Faire du blé » – Crédit : Faire du Blé

Pour ne pas dépendre des fluctuations des cours du marché, les agriculteurs ont convenu d’une rémunération stable fixée à 500 euros la tonne de blé bio. Ce prix fixe permet également d’assurer une stabilité pour les boulangers, qui sont alors en confiance avec des fournisseurs se trouvant à proximité.

Lire aussi : Les ABCD, les 4 géants céréaliers, tirent des superprofits records de la crise alimentaire

« On a déjà 3 ou 4 boulangers motivés et une pâtissière réputée qui attend la farine avec impatience, preuve de l’engouement des gens pour le circuit court. Pour monter notre projet, on a rencontré plein de meuniers, de boulangers et d’initiatives similaires, dont une dans le Pays basque. Alors que le modèle économique actuel pousse à la concurrence effrénée, on nous a chaleureusement encouragé à partir dedans. Plus on sera nombreux et plus on sera utiles pour la population, il y a énormément de place pour recréer des circuits courts pour une alimentation de qualité » sourit Eric Labaste

Avec 80 tonnes récoltées en 2022 à cause de la sécheresse, la coopérative Haria Blanca compte faire mieux en 2023 et envisage de cultiver aussi du petit épeautre, de l’orge ou du sarrasin à long terme. Leur initiative exemplaire a déjà reçu un prix par la fédération nationale des CUMA pour participer à la résilience alimentaire des territoires.

Dégustation de crêpes faites avec de la farine locale sur le marché – Crédit : Faire du Blé
7 février 2023 - Laurie Debove
"Le plus souvent, les gens renoncent à leur pouvoir car ils pensent qu'il n'en ont pas"

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