La résidence secondaire du ministre de l’Économie et des Finances a été occupée par des militants du collectif basque EH BAI qui réclament des mesures fortes contre la crise du logement. Au Pays basque comme dans de nombreux endroits en France, l’explosion des résidences secondaires et des meublés touristiques prive les locaux de logements à l’année.
Le droit d’avoir un logement
Bruno Le Maire possède une résidence secondaire à Saint-Pée-sur-Nivelle. Alors que la crise du logement n’a jamais été aussi forte sur le territoire basque, des membres du mouvement basque Herria Bal (EH Bai) ont investi sa maison le 11 juillet pour en retirer des tuiles. Cette action symbolique avait pour objectif d’illustrer la nécessité de déplafonner la taxe sur les résidences secondaires.
« Sans nouvelles du Préfet depuis la mi-février, on a décidé de s’adresser directement à l’échelon supérieur de l’Etat : le ministre de l’Economie et des Finances Bruno Le Maire. Aujourd’hui, seule la majoration d’un taux maximum de 60% de la taxe d’habitation peut être mise en place par les communes de la zone tendue. Or, même fixée à son plafond maximal de 60%, cette surtaxe n’a aucun effet dissuasif sur les propriétaires des résidences secondaires puisqu’elle représente à peine quelques centaines d’euros par an. » explique Nikolas Blain, porte parole d’EH Bai, pour La Relève et La Peste
Ce déplafonnement permettrait aux communes d’avoir plus de revenus tout en remettant dans le parc locatif annuel des logements. Selon un travail de recensement effectué par la Communauté d’agglomération du Pays basque, il existe au moins 41 000 résidences secondaires en Pays Basque Nord. Cela représente plus de 21% du parc de logements.
« Quand on a pris le diagnostic en pleine figure, on a halluciné car la situation était pire que ce qu’on pensait, et cela a été fait en 2018 avant le Covid ! On a des communes comme Guéthary et St-Jean-de-Luz où il y a plus de résidences secondaires que principales ce qui entraîne des difficultés majeures : les écoles ferment et les commerces ne vivent pas mieux, cela déstructure une société.
Le comble, c’est que 9% des constructions neuves vont directement en résidences secondaires ! On dit qu’il faut préserver les terres agricoles mais on bétonne à tout-va pour multiplier les résidences secondaires et touristique, on va dans le mur. Ceux qui veulent venir vivre à l’année ici il n’y a pas de soucis mais cela ne peut pas être quelques mois dans l’année : le droit d’avoir un logement doit passer devant celui d’en avoir deux » détaille Nikolas Blain, porte parole d’EH Bai, pour La Relève et La Peste
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Autres revendications du collectif : élargir la zone tendue (24 sur 158 communes actuellement), instaurer un encadrement renforcé des loyers et créer un statut de résident qui soumettrait l’achat d’un bien immobilier à la condition de vivre et travailler sur le territoire depuis un an.
Cette dernière proposition est également portée par de nombreux collectifs partout en France, tant la crise du logement frappe désormais tout le territoire. Il y aurait actuellement 250 000 résidences secondaires en Bretagne.
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En France (hors Mayotte), il y aurait au moins 3,2 millions de résidences secondaires au sens fiscal en 2017, soit un logement sur dix, le taux le plus fort d’Europe. Parmi ces résidences, 40% se situent sur le littoral, 16% en altitude et 12% dans les agglomérations du Grand Paris, de Lyon, Toulouse et Bordeaux.
Aujourd’hui, un million de ménages français sont des « maxi-propriétaires » qui possèdent au moins cinq logements, selon l’Insee. Résultat, alors qu’ils ne représentent que 3,5% des ménages, ils possèdent à eux seuls la moitié des logements que des particuliers louent en France, ainsi que le rappelle cette enquête de FranceInfo.
Des avancées législatives
Suite à leur action coup de poing, les membres du collectif EH Bai ont obtenu par l’intermédiaire de Bruno Le Maire un rendez-vous à la Préfecture, qui ne leur répondait plus depuis mi-février. Malgré une « écoute active », les fonctionnaires ont expliqué ne pas disposer du mandat suffisant pour engager quoi que ce soit.
C’est pourquoi les membres d’EH Bai travaillent actuellement avec les parlementaires du territoire pour intégrer leurs propositions dans le futur projet de loi finances 2023 qui va être présenté par Bruno Le Maire et ses services dans le courant de l’automne.
« Il faut trancher le dilemme entre l’intérêt privé et l’intérêt général. Personnellement, je n’ai pas de résidence secondaire : je peux entendre que les intérêts des propriétaires divergent des nôtres mais faut qu’ils comprennent qu’ils sont en train de déstructurer le parc de logements. Il existe des cantons en Suisse où ils ont instauré des quotas avec 30% max de résidences secondaires. Cela soulève aussi la question des contrôles car en France il n’y en a pas, tout repose sur le déclaratif. Surtout, si le statut de résidence secondaire existe fiscalement, il n’est pas défini dans la loi : commençons par définir ce qu’est une résidence secondaire. » analyse Nikolas Blain, porte parole d’EH Bai, pour La Relève et La Peste
De leur côté, les élus basques ont bien pris la mesure de l’urgence de la situation. Ils ont été 98% à ré-adopter une mesure de compensation ambitieuse début juillet, après un premier camouflet par le Tribunal administratif de Pau. L’objectif de cette mesure est de limiter le nombre de locations touristiques de courte durée en obligeant les propriétaires de ces biens à l’année. Actuellement, il y a 16 000 meublés touristiques sur le territoire. La nouvelle réglementation adoptée à 98% entrera en vigueur le 1er mars 2023.
Pour le maire de Bidart Emmanuel Alzuri, « il faut regarder d’urgence les effets des Plan Locaux d’Urbanisme sur le littoral car trop souvent les logements construits ne sont pas destinés à la population locale ». Il rappelle que la crise du logement est désormais trop grave pour avoir des divergences. Un constat partagé par EH Bai : « il n’y a pas d’étiquette politique à ce sujet de société ! »
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