Elle n’a été effective que trois jours. Sur la demande des propriétaires fonciers, le tribunal administratif de Pau a suspendu la réglementation « anti AirBnB » adoptée par la Communauté d’Agglomération Pays basque (CAPB). Cette mesure de compensation oblige les propriétaires d’un meublé touristique à proposer un autre bien à la location à l’année dans la même commune. Face à cette décision, habitants et élus ont repris la fronde de plus belle pour endiguer la crise du logement. Un recours a été déposé devant le conseil d’État pour annuler la décision du tribunal.
On vous en parlait dans nos colonnes en mars, la CAPB avait adopté une mesure radicale pour limiter la prolifération des meublés touristiques qui empêchent les locaux de se loger à l’année. Concernant les locations de résidence principale supérieures à 120 jours par an et toutes les résidences secondaires, cette règle de compensation permettait de remettre des milliers de logement dans le parc locatif annuel.
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Un vote qui n’a pas plu aux propriétaires et lobbies des plateformes comme Airbnb. Une cinquantaine de propriétaires et une vingtaine de sociétés avaient saisi la justice dans une procédure en référé. Trois jours après l’entrée en vigueur de la règle de compensation, ce vendredi 3 juin, le tribunal de Pau a décidé de suspendre le règlement en attendant un jugement sur le fond, d’ici 1 ou 2 ans.
« Nous sommes en colère contre cette décision car ce règlement a été approuvé à 95% par les élus suite à la manifestation contre la crise du logement qui avait réuni 8000 personnes dans la rue : c’est un déni de l’expression démocratique et populaire de ce territoire. »
« Encore plus grave, les juges prétendent que la difficulté à se loger n’est pas avérée. C’est tout simplement scandaleux car quand vous faites une demande de logement social, vous pouvez au bout d’un certain temps faire un recours DALO après un délai « anormalement long » dicté par le Préfet : en Pyrénées Atlantiques il est de 12 mois, mais au Pays Basque il est de 3 ans ! Et ce n’est pas le monde associatif qui le définit mais les autorités publiques ! Cela illustre clairement la difficulté bien plus grave à se loger !
Et c’est pas le pire ! On a plein d’exemples de gens qui vivent dans leur voiture, dans leur caravane ou dans des cabanons de jardins ! Ici, les gens ne comprennent pas la décision du tribunal, nous on rappelle qu’elle n’est pas définitive et on demande aux élus et aux citoyens d’agir par tous les moyens. » explique Xebax Christy, porte-parole de l’association Alda, pour La Relève et La Peste
En effet, rien n’est perdu car cette suspension est seulement temporaire le temps pour la justice de statuer sur le fond. De plus, face à la détermination des élus, le règlement de compensation continue à avoir un impact par son effet dissuasif pour les acheteurs et les investisseurs (les banques) qui sont plus réticents à autoriser un crédit sur 10 ou 15 ans. Alors qu’il devient difficile d’intégrer les revenus d’AirBnb dans un plan de financement, ce n’est plus possible de rentabiliser sa résidence secondaire avec un meublé touristique.
Et pour continuer la lutte, la jeune association Alda et la plateforme Se Loger au Pays ne manquent pas d’idées.
Ils proposent notamment aux citoyens et aux élus de demander les règlements de copropriété des résidences lorsque quelqu’un souhaite mettre un bien en location touristique pour vérifier s’ils autorisent ou interdisent les locations de courte durée et/ou commerciale : une nouvelle manière d’endiguer la prolifération des meublés touristiques.
« Les règlements de copropriété n’autorisent normalement pas les meublés de tourisme et il suffit aux copropriétaires de s’emparer de cette question. On reçoit de plus en plus de demandes en ce sens par des résidents excédés par les nuisances : solitude l’hiver et tapage nocturne l’été. » raconte Xebax Christy, porte-parole de l’association Alda, pour La Relève et La Peste
L’enjeu : éviter la perte de 16 000 nouveaux logements destinés à la population locale, au cours des prochaines années.
La plateforme Se Loger au Pays dénonce « une justice de classe qui ne se préoccupe que du retour sur investissement spéculatif des plus aisés ». Elle dénonce l’impact des riches contre les plus pauvres, des multi-propriétaires contre les locataires et l’intérêt privé de quelques uns contre l’intérêt général.
Surtout, elle défend le droit d’avoir au moins un logement contre celui d’en avoir 2 ou plus. Un beau combat pour la dignité humaine et l’équité.