Ce weekend se tenait les premières assises des Jardins Populaires, en lutte contre leur bétonisation effrénée partout en France. A Besançon, plusieurs centaines de personnes ont ainsi affronté le froid et la neige pour sauver les parcelles des Vaîtes, menacées par un « écoquartier ». Ensemble, les manifestants ont créé une parcelle maraîchère destinée à fournir en paniers de légumes les habitant.es du quartier et sur laquelle s’engagent deux jeunes femmes pour une première saison.
Samedi 2 avril, les jardiniers et leurs nombreux soutiens se sont retrouvés à 09h devant la Chambre d’Agriculture locale, sur laquelle le groupe Extinction Rebellion local a déployé une banderole XXL avec l’inscription « La Terre Tremble ! ».
Paysans.es, jardinier.es et habitant.es du Doubs et d’ailleurs se sont ensuite rendues aux jardins des Vaîtes, « avec 2 tracteurs et un paquets d’outils », pour lancer sur une parcelle encore inoccupée l’installation en maraîchage de deux jeunes femmes.

En une journée, tous les manifestants ont travaillé, paillé, clôturé et décoré la parcelle. Ils ont même planté les premières patates et oignons, et construit une cabane de travail pour faciliter l’activité de maraîchage. Les deux jeunes femmes ont pour objectif de fournir en paniers de légumes les habitants du quartier populaire.
« La naissance de cette AMAPirate peut être saluée à ce titre comme l’occupation de terre la plus conséquente et à la visée la plus pérenne menée jusqu’ici par les Soulèvements de la Terre. Elle n’a rien d’anodin car sur d’autres portions de territoires résistants, la zad de Notre-Dame-des-Landes avec l’installation en manif de la ferme maraîchere du sabot en 2011 ou bien aux Lentillères à Dijon avec l’installation du jardin des maraîchers en 2012, des initiatives de ce type ont pu être des moments charnières. Elles sont un moyen puissant de s’enraciner sur les lieux que nous défendons, autant que des structures écoles à même de susciter des vocations paysannes. » explique le collectif des Soulèvements de la Terre, à l’origine de la manifestation avec l’association des Jardins des Vaîtes
Depuis 2005, les 34 hectares des terres des Vaîtes à Besançon sont menacés par un projet d’écoquartier. Composés de jardins, vergers, prairies, espaces boisés et de zones humides entourées de collines, les Vaîtes sont pourtant un endroit historique de la ville. Depuis le milieu du siècle dernier, ce sont plusieurs générations d’habitant.es de Besançon qui y cultivent en autogestion leurs potagers comprenant des mares, vergers, chemins et cabanes.

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Face à leur menace de destruction, les jardiniers et les habitants luttent sans répit depuis 2018 pour sauver les jardins, avec un certain succès ! Face à la fronde populaire et après avoir longtemps ignorées les revendications, la Mairie essaie maintenant d’apaiser la contestation en revoyant pour la première fois son projet de bétonisation à la baisse en prévoyant de bétonner 11,5 ha plutôt que 16,5ha.
Un premier compromis qui est loin de satisfaire les attentes des jardiniers, dont les revenus économiques, avec la flambée des denrées alimentaires, mais aussi la santé et le bien-être dépendent étroitement de ces espaces vivriers remplis de biodiversité.

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Suite à la création de la parcelle maraîchère, la journée a continué avec une assemblée ouvrant les assises des jardins populaires en lutte. A Besançon, comme à Aubervilliers, Dijon, Lille, Rouen, Tourcoing ou encore la Haguette, les jardins populaires urbains sont menacés par la bétonisation et l’appétit des promoteurs immobiliers.
« Ces rares espaces de nature, de jardinage et de sociabilité libre et non-marchande possibles pour les citadin.es sont attaqués au pretexte d’éco-quartiers, de Jeux Olympiques et autres projets immobiliers. Ils portent avec les Vaîtes un soucis commun de faire rempart au phénomènes de gentrification et sont en recherche d’une écologie par et pour les habitant.es les plus précaires. » expliquent les jardiniers
Au sortir de ces premières assises, l’ensemble des jardins populaires en lutte présents ont décidé de se nommer « Coalition des jardins en lutte ».
Ils prévoient de se retrouver à nouveau en juin au sein d’un des jardins de cette coalition pour poursuivre cette lutte commune.
Leur mantra : « Si on touche à un jardin, on touche à tous les jardins ».

Preuve que la lutte paie : les Jardins d’Aubervilliers viennent de remporter une belle victoire face aux Jeux Olympiques, tandis que les Lentillères, jardins emblématiques de Dijon, ont sauvé 9ha du béton. Les jardins populaires sont également soutenus par les opposants aux méga-bassines, illustrant à quel point agriculture vivrière et production nationale font face aux mêmes enjeux : la préservation des communs que sont les terres agricoles, la biodiversité et l’eau.
« Entre le week-end dernier aux bassines et celui-ci aux Vaîtes, les Soulèvements de la Terre ont dansé sur leurs deux pieds : la cohorte de pelles et pioches qui creusaient de conserve la semaine dernière pour démonter la canalisation destinée à alimenter une méga-bassine dans les Deux-Sèvres servaient ce samedi à mettre en culture des terres menacées et y implanter un projet paysan. » expliquent les membres des Soulèvements de la Terre
Durant tout le weekend, les défenseurs des terres fertiles ont donc réfléchi ensemble aux meilleures façons de protéger ces oasis de biodiversité et véritables outils de résilience alimentaire pour les populations les plus précaires partout en France. Les Soulèvements des Jardins populaires n’est pas prêt de s’arrêter.
