Ce jeune couple de permaculteurs s’est lancé un défi fou : transformer 7ha de terres ravagées par la culture du maïs industriel en un paradis permacole. Depuis 4 ans, ils bûchent sans répit pour bâtir leur rêve : une ferme pédagogique préservant des races animales anciennes et produisant œufs, fruits et légumes dans le respect des principes de la permaculture. Aujourd’hui, les animaux sont arrivés sur le terrain, un étang a été créé, de nombreux arbres et arbustes ont été plantés, les premiers légumes ont été récoltés. Il leur reste une étape cruciale : construire un pôle agricole destiné à accueillir villageois, paysans et visiteurs.
Un chemin vers la liberté
Anthony et Zoé ont toujours ressenti l’appel de la Terre. Dès l’enfance, Anthony a appris les savoirs paysans auprès des anciens landais, en échange de travaux manuels et dans les champs. Quant à Zoé, elle a passé un CAP agricole en Ile-de-France, sa région natale, à l’adolescence. Leur rencontre a tout précipité, avec l’envie viscérale d’offrir à leur future famille un mode de vie libre et résilient.
« Depuis toujours, je voulais créer un parc pédagogique autour des animaux et des plantes. On s’est rencontrés, et en évoluant ensemble la volonté de prendre soin de la Terre s’est renforcée. C’est comme ça qu’est né le projet « Les Pieds sur Terre », pour encourager du monde à se lancer dans une démarche d’autosuffisance et prouver que c’est possible. » raconte Anthony Castera pour La Relève et La Peste
A seulement 20 et 23 ans, Zoé et Anthony sont revenus de voyage d’Amérique du Sud déterminés à trouver le terrain sur lequel construire leur rêve. L’attente aura été longue, il leur aura fallu un an. L’agriculteur qui a accepté de leur vendre des terres leur avait d’abord dit non un an plus tôt, mais le départ à la retraite approchant et sa peur devant l’évolution mortifère de la société occidentale l’ont convaincu de donner une chance aux jeunes rêveurs.
Au bout d’un an de fermage et avoir passé le diplôme du BPREA pour Anthony, le jeune couple est devenu propriétaire d’un terrain de 7ha comprenant 5,8ha jusque-là cultivés en maïs et une enceinte de forêt autour, à Saint-André-de-Seignanx, une commune du Sud-Ouest des Landes. Dès la période de fermage, le travail abattu a été titanesque.
« La première année, on a semé un gros couvert végétal et préparé le sol pour le décompacter. On a mis des amendements comme du fumier et pas mal de matière végétale. C’était un moment de pure euphorie où j’ai planté 3700 piquets d’acacia à la masse, en faisant d’innombrables allers/retours pour les installer. Si un drone était resté pendant 4 ans là-haut, il aurait filmé une vraie fourmilière. » raconte Anthony en riant pour La Relève et La Peste
Dès le début, le projet est clair et balisé : une ferme landaise à vocation pédagogique comprenant du maraîchage avec avec des semences paysannes, la conservation des races anciennes avec un poly-élevage bénéfique pour amender les sols, et tout cela dans un système agroécologique où chaque élément a plusieurs fonctions. Ainsi, pour faire le brise-vent de la serre, ils ont empilé des tas de bois de châtaigniers, destinés au chauffage, qui servent d’hôtel à insectes.
Le soin de la Terre et des êtres
Les débuts ont été parfois bien difficiles. La montagne de paperasse administrative pour obtenir toutes les autorisations nécessaires a été bien plus chronophage que prévu. L’activité de maraîchage a été stoppée net par l’invasion du liseron. Emporté par l’impatience de voir éclore son projet, Anthony a fait un burn-out après trois ans de travail sans relâche qui l’a obligé à lever le pied. Et les remboursements des crédits contractés pour lancer leur activité agricole n’attendaient pas.
« On s’est retrouvés tiraillés entre l’envie de prendre soin de cette Terre et la nécessité d’arriver à une rentabilité rapidement pour rembourser nos prêts. Finalement, cela a été des ajustements permanents pour arriver à un équilibre intermédiaire. On va faire beaucoup moins de maraîchage que prévu au début : on le fera quand le sol sera prêt. » explique Zoé Martinez pour La Relève et La Peste
Toutes ces épreuves sont impossibles à deviner quand on accompagne Anthony et Zoé sur leur ferme. Partout, les arbres commencent à bourgeonner. Les insectes bourdonnent et les premières abeilles ont fait leur apparition.
Les 250 poules pondeuses déambulent à leur guise ; les chèvres des Pyrénées trônent sur les tas de bois dans leur enclos et vont librement dans la forêt ; Reine, la vache originelle du fromage à raclette, batifole avec la vache Highland, les moutons et l’âne Kirikou ; les dindes aux grands yeux interpellent les visiteurs et les serres se préparent petit à petit pour les prochaines récoltes.
« On a tout de suite fait le choix de s’orienter vers des races d’animaux anciennes car ce sont des espèces adaptées aux conditions locales et c’est urgent de les préserver. On s’entraîne d’abord avec une troupe de dindes blanches avant d’accueillir des dindons gascons, car il n’y en a plus que 50 au conservatoire avicole local et c’est très difficile d’en trouver ailleurs. » explique Zoé pour La Relève et La Peste
Seules exceptions : les poneys et chèvres naines pour le contact avec les petits enfants et les poules pondeuses, sauvées de la réforme pour donner un second souffle à des animaux considérés comme des déchets par l’élevage industriel. En France, on estime que 40 millions de poules pondeuses sont abattues chaque année. Les œufs d’Anthony et Zoé sont vendus aux AMAP, restaurations collectives et infrastructures locales comme la Ferme Emmaüs Baudonne.
Tous les différents enclos ont été conçus pour que les animaux domestiques et sauvages puissent coexister pacifiquement, sans empiéter sur les corridors naturels des espèces sauvages qu’il s’agisse des hérissons, batraciens, ou de plus grands animaux comme les chevreuils à l’orée de la forêt. Les clôtures servent aussi à ce que les pieds des visiteurs n’amènent pas de germes sous leurs chaussures dans les champs de cultures. D’immenses poteaux ont été plantés dans les champs pour que les rapaces et les échassiers puissent faire leurs nids.
Aujourd’hui, après 4 ans de travail, Zoé et Anthony se sentent prêts et attendent leur premier enfant. Passionnés et animés du désir profond de transmission, ils ont commencé à accueillir des visiteurs et des scolaires, et souhaitent bâtir un pôle agricole.
« C’est pour nous la pierre angulaire du projet. On l’appelle Pôle Agricole mais ce sera plus l’art de l’humain. Le but c’est que cela soit un lieu de rencontres, entre un point d’accueil et la vente directe à la ferme, un atelier de transformation, du stockage de récoltes et matériel, mais aussi un salon de thé. J’aimerais aussi y créer un four à pain communal. » détaille Anthony pour La Relève et La Peste
« Nous voulons développer la connaissance et la reconnaissance du monde agricole local, transmettre notre savoir et savoir-faire puis surtout, sensibiliser les publics pour redonner du sens à ce qu’ils consomment. » renchérit Zoé
Pour faire sortir de terre ce bâtiment de 310m2, Anthony et Zoé ont lancé une campagne de financement participatif. La structure extérieure du bâtiment est évaluée à 21 000 €.
« Au plus dur des épreuves, il y a eu tellement de fois où on a cru qu’on n’y arriverait pas qu’on a bien failli abandonner. Mais aujourd’hui, quand je vois tout ce qu’on a accompli, je me sens fière et pleine d’espoir. On a envie de le partager avec le plus grand nombre : une agriculture nourricière, durable, locale et diversifiée, c’est possible ! » conclut Zoé dans un grand sourire
Pour suivre l’évolution d’Anthony et Zoé, retrouvez-les sur leur page FB et compte Instagram. Vous pouvez découvrir l’histoire d’Anthony et Zoé dans le documentaire « Nouvelles Graines », réalisé par Sophie Labruyère et Nicolas Meyrieux, et visible gratuitement ici.
Crédit photo couv : Sophie Labruyère