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Autrefois refuge, l’Arctique devient un piège mortel pour les animaux migrateurs

L'étude a ainsi mis en avant trois grands aspects actuels du phénomène de migration animale vers le Grand Nord : ces voyages ne débouchent pas nécessairement sur plus de nourriture, exposent les animaux à une prédation accrue, ainsi qu’à davantage de parasites et de pathogènes.

Nombreux sont les animaux qui migrent vers le Grand Nord : les mammifères, les poissons, ainsi que les oiseaux et les insectes. Mais les espèces migratrices sont particulièrement vulnérables au changement climatique et aux pressions humaines. Une étude de plusieurs experts en biodiversité et en écologie et s’appuyant sur 25 enquêtes à propos des migrateurs du Nord démontre que les répercussions sur ces migrateurs sont multiples.

Des migrations gigantesques

Les migrations animales sont des mouvements persistants, année après année. Ces mouvements sont contrôlés par les systèmes endocriniens, l’horloge biologique des animaux. Ces derniers tendent à migrer lors de changements de saisons, afin de trouver des réserves de nourriture plus abondantes.

Certaines migrations sont très courtes, mais d’autres sont de très grands périples. Les troupeaux de caribous, pouvant atteindre des milliers d’individus, effectuent jusqu’à 6000 kilomètres par an. La sterne arctique fait l’aller-retour depuis l’Arctique, son lieu de reproduction, jusqu’en Afrique australe, en Australie ou en Antarctique chaque année, réalisant ainsi un voyage de 35 000 à 38 000 kilomètres.

Bien qu’on ne puisse pas encore expliquer les raisons derrière le comportement de toutes les espèces migratrices, comme celui des baleines à bosse, le rythme de ces mouvements persistants tend à se mettre en place vis-à-vis de la qualité et du nombre récurrent de ressources que peuvent se procurer les animaux à leur arrivée.

Plusieurs espèces se reproduisent au Nord, profitant ainsi de la présence de nourriture abondante saisonnière, de celle de moins de parasites et de moins de prédation en comparaison avec les latitudes équatoriales. Mais ces migrations pourraient s’épuiser.

Auparavant havre de paix pour les espèces migratrices, le Grand Nord change aujourd’hui très rapidement. Une biologiste et écologiste à l’origine de l’étude, Vojtěch Kubelka, de l’Université de Bath au Royaume-Uni, commente :

« Au contraire, de nombreux sites de l’Arctique et du Nord tempéré peuvent désormais représenter des pièges écologiques ou, pire encore, des environnements dégradés pour divers animaux migrateurs, notamment les oiseaux de rivage, les caribous ou les papillons. »

D’autant plus que la terre est un écosystème complexe, comme le souligne Tamás Székely, biologiste évolutionniste, qui a également participé à l’étude :

« Les changements dans la rentabilité des migrations affectent les populations d’animaux migrateurs, ce qui entraîne des modifications au niveau de la composition des espèces, des chaînes alimentaires et du fonctionnement de l’écosystème dans son ensemble. »

L’étude a ainsi mis en avant trois grands aspects actuels du phénomène de migration animale vers le Grand Nord : ces voyages ne débouchent pas nécessairement sur plus de nourriture, exposent les animaux à une prédation accrue, ainsi qu’à davantage de parasites et de pathogènes.

Vol de sternes arctiques – Crédit : Philip Pilosian

Dangers mortels à l’arrivée

On estime qu’il y a désormais un décalage saisonnier qui empêche le migrateur d’arriver dans le Nord au moment où les ressources sont disponibles. Le changement climatique avance ou retarde la période de floraison de certaines plantes et de facto l’émergence de certains insectes.

De la même façon, les animaux tendent à commencer leurs voyages plus tôt ou plus tard qu’auparavant pour assurer leur trajet malgré les aléas de la météo. La rencontre entre le migrateur et sa nourriture d’origine s’avère donc parfois difficile. Les animaux nés dans le Nord de parents migrateurs pourraient ainsi se voir privés de nourriture et mourir plus facilement.

Ces familles pourraient également avoir à affronter de nouveaux prédateurs. Les rongeurs, par exemple, sont en déclin. D’après Vojtěch Kubelka, les campagnols et les lemmings, autrefois source principale de nourriture pour les renards en Arctique, ont aujourd’hui des difficultés à atteindre la nourriture présente sous la neige, qui à désormais tendance à geler avec la tombée des pluies sur les étendues blanches :

« Avec moins de lemmings et de campagnols pour se nourrir, les renards mangent les œufs et les poussins des oiseaux migrateurs à la place. »

Renard polaire en quête de nourriture – Crédit : Jonatan Pie

La modification des écosystèmes affecte également les animaux non-migrateurs locaux qui doivent alors chercher d’autres manières de se nourrir, ayant recours au cannibalisme de façon exponentielle, comme chez les ours polaires, dont la menace de disparition grandit avec la fonte de la banquise. Parfois, et de plus en plus fréquemment, c’est également chez les humains que ces espèces se voient obligées d’aller chercher de quoi survivre.

Les taux de prédation sur nids d’oiseaux de rivage migrateurs de l’Arctique auraient triplé au cours des 70 dernières années, et cela en grande partie à cause du changement climatique.

Malheureusement, lorsque les oiseaux parviennent malgré tout à trouver de la nourriture et à éviter les prédateurs locaux, ils doivent également faire face à la maladie, car la montée des températures a progressivement fait apparaitre des parasites et des pathogènes dans l’Arctique.

Afin de préserver les structures importantes de communautés animales et la fonction des écosystèmes, les chercheurs estiment qu’il faut protéger les zones de reproduction situées en Arctique. Pour y parvenir, ils proposent la cartographie des facteurs de stress pour les animaux dans l’espace et dans le temps, qui permettrait de mieux cibler les zones à protéger et de mettre en œuvre les mesures de conservation appropriées.

L’Arctique étant l’une des régions les plus affectées par les gaz à effets de serre, les boucles rétroactives liées au changement climatique y sont particulièrement nombreuses. Cette étude démontre une nouvelle fois que les changements du Grand Nord n’affectent pas que les locaux, mais de multiples espèces venues de régions lointaines, dépendantes de sa biodiversité ; tout comme la fonte des glaces de la banquise nous impacte directement à travers la multiplication de grands froids et de chutes de neiges extrêmes.

Lire aussi : La fonte de la banquise arctique provoque des vagues de froid de plus en plus violentes

Crédit photo couv : Des caribous dans le Grand Nord – peupleloup

Maïté Debove

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