C’est une victoire majeure qui vient récompenser un combat long de 10 ans pour la LPO, mais aussi pour l’association de défense animale One Voice. Dans un arrêt rendu le 17 mars 2021, la Cour de Justice de l’Union Européenne a tranché : il est désormais illégal pour la France d’autoriser la pratique du piégeage à la glu des oiseaux. Après l’Espagne, Malte et Chypre, la France était le dernier pays européen à la permettre. L’instance de justice européenne a notamment pointé du doigt la non-sélectivité de ce type de captures et ses séquelles mortifères sur tous les volatiles, mais aussi le fait que la « tradition » n’est pas une excuse suffisante pour justifier ce genre de pratiques !
La fin d’une technique de piégeage aveugle
La France est l’un des pires membres de l’Union Européenne en matière de respect des directives européennes concernant la protection d’espèces. Dans un arrêt du 17 mars, la Cour de justice de l’Union européenne (CJUE) l’a donc une fois de plus rappelé à l’ordre concernant le piégeage à la glu des oiseaux :
La pratique du piégeage à la glu contrevient à La Directive Oiseaux et ne doit pas être autorisé par la France en raison de la non-sélectivité des captures, et des séquelles sur les oiseaux relâchés.
Cette décision répond à une interrogation de la CJUE par Conseil d’Etat français, suite aux recours de la Ligue de Protection des Oiseaux (LPO) et de l’association One Voice contre 5 arrêtés ministériels de septembre 2018 autorisant cette pratique dans 5 départements de PACA pour la saison de chasse 2018-2019.
Les chasseurs badigeonnent des baguettes de glu pour attraper des grives et des merles noirs censés rester vivants. Ils les détachent ensuite par aspersion de diluants type essence F4 afin de les utiliser en les plaçant dans des cages pour servir d’appelant et attirer leurs congénères lors des campagnes de chasse.
Depuis plus de 10 ans, la LPO dénonçait la cruauté et la non-sélectivité de cette pratique.
« C’est à la fois une grande frustration d’avoir vu tant de temps s’écouler générant de la souffrance et la disparition de bon nombre d’oiseaux, et une satisfaction de voir que la France va être obligée de faire cesser ces pratiques. La France était le dernier pays européen à autoriser cette pratique. Une fois de plus, la Commission Européenne nous tire vers le haut ! » confie Allain Bougrain-Dubourg, Président de la LPO, à La Relève et La Peste
Dans une vidéo inédite parue fin 2019, la LPO apportait ainsi la preuve que les principales victimes du piégeage à la glu sont des passereaux et des rapaces (rouge-gorge, fauvettes, mésanges, rouge-queue, faucons…) pourtant protégés par la loi, en théorie.
La tradition n’est plus une excuse
Avec cette décision, la CJUE désavoue également l’avis rendu en novembre 2020 de l’avocate générale Juliane Kokott (ça ne s’invente pas) qui estimait que la chasse aux gluaux dans le sud de la France pouvait être compatible avec la directive UE de conservation des oiseaux sauvages si elle avait « une importance culturelle significative ».
Cette fois-ci, la CJUE l’affirme avec force : la tradition n’est plus une excuse pour nuire aveuglément à la biodiversité.
Elle l’explique clairement dès le début de son arrêt : « le caractère traditionnel d’une méthode de capture d’oiseaux, comme celle de la chasse à la glu, ne suffit pas, en soi, à établir qu’une autre solution satisfaisante ne peut lui être substituée. »
La France, sous prétexte de tradition, est trop souvent permissive avec des techniques de chasse qui cachent en fait un braconnage massif ne disant pas son nom. Ainsi, les oiseaux sont piégés avec des filets et des matoles (cages métalliques) dans le Sud-Ouest, carrément écrasés avec des pierres plates (les tendelles) dans le Massif Central ou étranglés avec des collets dans les Ardennes.
Les oiseaux chassés finissent dans les assiettes de certains restaurants gastronomiques mais nourrissent aussi un trafic de petits oiseaux protégés qui seront alors eux aussi mangés (brochettes de pinsons et autre rouge-gorge) ou destinés à des concours de chant et de beauté pour les plus « chanceux » (chardonnerets et autres linottes mélodieuses).
« En France, il y a toujours 20 espèces qui continuent d’être chassables alors qu’elles sont sur la liste rouge de l’IUCN et que c’est une mesure qui pourrait être prise dans l’immédiat par le gouvernement, c’est inacceptable ! L’oiseau est un indicateur précieux de l’état de la biodiversité, quand il s’épanouit c’est tout le cortège du vivant qui s’épanouit aussi : batraciens, reptiles, insectes. Et quand ils disparaissent, c’est l’ensemble du vivant qui s’estompe. » explique Allain Bougrain-Dubourg, Président de la LPO, à La Relève et La Peste
Un combat essentiel pour la biodiversité
Les éléments et les données de sciences participatives livrées par des associations comme la LPO ont notamment permis à l’IUCN de faire le triste bilan de l’état de la biodiversité en France.
2430 espèces animales et végétales sont menacées d’extinction dans le pays, et les oiseaux sont particulièrement concernés : 32 % des oiseaux nicheurs sont menacés de disparition du territoire français. Suite à la décision de la CJUE, l’Etat français doit maintenant prendre les décisions qui s’imposent.
« Il serait logique que ce soit le président de la république qui explique qu’on était le dernier pays européen à pratiquer ce type de piégeage, et qu’il est désormais interdit. Malheureusement, malgré toutes les promesses et les reconnaissances en faveur de la biodiversité et de sa préservation, on est toujours en train de se battre pour éviter le pire. Le gouvernement français prévoit 30% d’aires marines et terrestres protégées, c’est très bien sur le papier mais j’attends de voir ce que cela va donner concrètement. On s’est battus pendant 10 ans contre le piégeage à la glu, mais la première qualité des naturalistes, c’est la patience. Il a fallu 20 ans pour arrêter le braconnage des tourterelles des bois, 15 ans pour suspendre le braconnage des ortolans dans les landes, 10 ans pour la glu, et 10 ans pour que le préjudice écologique soit reconnu suite au naufrage de l’Erika. Nous continuerons donc nos actions tant qu’il le faudra. » promet Allain Bougrain-Dubourg, Président de la LPO, à La Relève et La Peste
Suite à des plaintes déposées auprès de la Commission Européenne par la LPO, le gouvernement français avait également suspendu la chasse aux oies cendrées en février pour les deux dernières saisons, et suspendu la chasse de la tourterelle des bois et le piégeage à la glu pour la première fois en 2020-2021.
Face à la sixième extinction de masse, le travail des associations de protection de l’environnement n’a jamais été aussi essentiel. Ce nouvel avis de la CJUE est aujourd’hui venu récompenser leur persévérance.
Crédit photo couv : Rougegorge familier piégé à la glu – LPO