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Landes : Forêt de Higas, la création d’une des plus grandes forêts comestibles d’Europe

Comme dans une forêt sauvage, Yoann veut organiser les plantations en différentes strates avec une densité forte pour avoir des fruits et légumes de saison, des fruits à coque, des plantes médicinales, du bois et du fourrage pour les futurs animaux, du miel, des œufs et même de la spiruline qui sera elle cultivée dans un ancien pressoir à vin transformé en bassin.

Au cœur des Landes, sur 7 hectares, les joyeux compères Yoann et Frank ont semé les premières graines d’un projet fou : créer l’une des plus grandes forêts comestibles d’Europe avec plus de 60 000 arbres, arbustes et buissons, une rivière, des animaux et une multitude de légumes et plantes en tout genre. Leur rêve : recréer « un écosystème complet, havre de biodiversité, où l’Homme et la Nature se rendent services dans un parfait équilibre. »

Une corne d’abondance alimentaire

Le soleil rayonne en ce matin de novembre sur les champs d’Estibeaux. Il y a 7 ans, ces vallons étaient encore utilisés pour de l’agriculture industrielle de maïs. Laissé en jachère en 2013, il aura bien fallu toutes ces années au sol pour se remettre des traitements chimiques et du labour à outrance.

« Pendant très longtemps, seul du rumex poussait ici ce qui indiquait que le sol était mal oxygéné et mal aéré. Maintenant, il y a du plantain, des fleurs et les premiers noisetiers et chênes qui poussent ! Cela montre que le sol s’est enfin rétabli. » sourit Yoann Lang, le cerveau qui a pensé et imaginé le projet pendant des années, pour La Relève et La Peste

En plus de ces plantes bio-indicatrices, Yoann fait des mesures pour connaître précisément l’état du sol. Il veut transformer ces anciennes parcelles de monoculture de maïs « en corne d’abondance alimentaire et en un havre de paix pour la biodiversité. » L’agriculteur qui lui a vendu les terres trouve son projet « génial » malgré le fait que l’agroforesterie soit une approche radicalement différente de l’agriculture industrielle.

Frank à gauche et Yoann à droite – Crédit : Laurie Debove

Comme dans une forêt sauvage, Yoann veut organiser les plantations en différentes strates avec une densité forte pour avoir des fruits et légumes de saison, des fruits à coque, des plantes médicinales, du bois et du fourrage pour les futurs animaux, du miel, des œufs et même de la spiruline qui sera elle cultivée dans un ancien pressoir à vin transformé en bassin.

Du poivre de sichuan, dont la cosse se mange, pas la baie – crédit : Laurie Debove

« Le but est d’avoir une production avec la plus grande diversité possible, pour répondre localement aux besoins des habitants. En plus des fruits et légumes traditionnels, nous allons par exemple cultiver des champignons – Pleurotes, Reiishi et Shiitaké sur billes de bois, mais aussi des baies de goji, des citrons Yuzu et caviar ou encore du poivre de Sichuan qui composeront nos haies. » énumère Yoann Lang, le cerveau qui a pensé et imaginé le projet pendant des années, pour La Relève et La Peste

Crédit : Forêt de Higas

L’agroforestier prévoit même de construire une verrière photovoltaïque d’1 hectare, dès la première année, qui abritera bananes, cacao, café, thé, avocats et agrumes. Le climat étant clément dans ce coin de France, les températures devraient être suffisantes pour ne pas avoir besoin de la chauffer, et le lit d’une rivière courra à l’intérieur pour recréer l’humidité dont ces plantes tropicales ont besoin !

« Les gens sont souvent étonnés par la volonté de faire des bananes ou du cacao, ils pensent que ce n’est pas vraiment écolo. Mais je suis pragmatique : rares sont ceux qui arrêtent vraiment de consommer ces produits, et nous ne pouvons plus nous permettre de continuer à les importer en masse depuis l’autre bout du monde à cause de la pollution que cela entraîne. Il faut donc bien créer de nouvelles façons de faire. » explique Yoann Lang pour La Relève et La Peste

Dans une démarche jusqu’au-boutiste, Yoann et Frank font énormément de récupération pour limiter l’usage de ressources et de matériaux. Quand il en a vraiment besoin, Yoann crée ainsi du béton grâce à du verre pilé récupéré localement, du ciment et de l’eau. Au-delà de la culture de comestibles, la Forêt de Higas veut ainsi répondre aux enjeux climatiques et écologiques du XXIème siècle.

Crédit : Laurie Debove

Un projet utile au territoire

Dans cette commune habituée à l’agriculture industrielle, nombreux sont les anciens du coin à considérer Yoann et Franck comme des utopistes, « des bobos du XVIème » qui ne connaissent pas les réalités du métier. Pourtant, Yoann a grandi à la campagne, inspiré et formé par son grand-père jardinier.

Surtout, le projet a été mûrement réfléchi pour se créer avec les locaux, et pour faire face aux nombreux défis posés par la crise écologique et climatique comme l’érosion des sols, la pollution des nappes, la sixième extinction de masse, etc.

« L’eau, particulièrement, est un enjeu d’avenir. Les gens ne réalisent pas à quel point. Nous allons vivre des périodes de sécheresses de plus en plus longues ponctuées par des périodes de pluie de plus en plus courtes et violentes qui aggravent les risques d’inondations. C’est pourquoi nous avons décidé de créer un bassin de retenue d’eau, alimenté par les eaux de ruissellement de plusieurs dizaines d’hectares environnants, qui seront nettoyées par phytoépuration, avant de rejoindre le ruisseau qui ira jusqu’à notre étang. Cette rivière avait été bouchée en 1950, nous allons donc la faire revivre. » détaille Yoann Lang pour La Relève et La Peste

Pendant un an, Yoann a récupéré les déchets verts de paysagistes locaux pour créer du compost. Il prévoit d’acheter 1500 châtaigniers à son voisin pépiniériste. – Crédit : Laurie Debove

Cette année, Estibeaux et les communes voisines ont essuyé des épisodes orageux particulièrement violents qui ont provoqué des inondations faisant de nombreux dégâts matériels. La ville de Pouillon regarde donc le projet de la Forêt de Higas avec intérêt. Frank, lui, en est convaincu : nous avons besoin d’arbres, et vite.

« J’ai été amené à vivre deux fois en Guyane pendant ma carrière de gendarme, à dix ans d’intervalle. C’est là-bas que j’ai pris conscience de l’importance des arbres. Quand je suis revenu, les villageois avaient rasé les arbres pour agrandir les maisons, plutôt que construire autour comme avant. Résultat : la température a tellement augmenté et l’humidité tellement baissé que l’on suffoquait littéralement sur la place centrale du village. Une forêt comestible, cela permet de retenir l’eau, donc de se protéger, en plus de se nourrir ; c’est pour ça que ce projet m’a paru évident. » raconte Frank Lutic, futur salarié de la Forêt de Higas, pour La Relève et La Peste

Un saule a ainsi besoin de boire 100 litres d’eau par jour. A l’image des arbres qui essaiment leurs graines au vent, la Forêt de Higas s’inscrit déjà dans une dynamique territoriale collective plus large. Ainsi, Romane, une jeune voisine de 25 ans prépare elle aussi son projet agroécologique avec la Ferme de Midgard, un projet d’exploitation Agricole Bio pour du Houblon et des Fruits rouges.

Elle est accompagnée par l’AARCE, l’Association d’Aide au Reboisement et à la Conversion Ecologique créée par Yoann, Frank et sa compagne pour appuyer le développement de projets similaires dans la région. Parmi les projets soutenus : la rénovation d’un moulin de 1703 pour que de petits agriculteurs locaux ou même des particuliers faisant pousser un peu de céréales puissent y moudre leur farine ou son BIO, de manière ancestrale. 

Carotte, la mascotte de la Forêt. Crédit : Laurie Debove

« On est hyper bien accompagnés par d’autres associations comme Humans by Nature, alors on voulait rendre la pareille. L’idée, c’est d’enlever le frein économique à la transition écologique. Il faut qu’on soit des milliers à porter et assumer ce genre de projets si on veut réussir à transformer la société en profondeur. J’ai deux filles, de 6 et 8 ans. C’est pour elles que je fais tout ça. Je suis extrêmement inquiet pour leur futur, et je veux leur léguer un petit îlot de résilience pour qu’elles soient à l’abri. » confie Yoann Lang pour La Relève et La Peste

Et à la Forêt de Higas, le travail ne manquera pas ! Yoann et Frank prévoient déjà d’embaucher 5 personnes au fur et à mesure du temps sur les différents ateliers de l’exploitation, qu’il s’agisse de maraîchage, transformation, de soigner les animaux, d’entretenir les cultures ou faire de la vente.

Alors que la banque vient de leur accorder un prêt juste suffisant pour l’achat des terrains et quelques outils (165 000 euros), Yoann et Frank ont lancé une campagne de financement participatif pour acquérir le matériel restant et les plants nécessaires.

Prochaine étape le 15 janvier 2021, où les arbres parrainés par les crowdfundeurs seront plantés sur le terrain. Les parrains et marraines pourront ensuite venir en récolter la moitié des fruits chaque année. On souhaite à ce beau projet de prendre racine.

Laurie Debove

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