La situation s’empire. L'acidification des océans a franchi pour la première fois son seuil critique, portant à sept sur neuf le nombre de limites planétaires dépassées. Causé par les activités humaines, l’acidification des océans perturbe toute la chaîne alimentaire marine et la capacité d'absorption de CO2 des océans.
Le rapport Planetary Health Check, publié par l’Institut de Potsdam (PIK), lance l’alerte. L’humanité a désormais dépassé sept limites planétaires (« planetary boundaries »).
Théorisées en 2009 par 26 chercheurs internationaux, dont Johan Rockström et Will Steffen du Stockholm Resilience Center, les limites planétaires représentent les seuils à ne pas franchir pour maintenir dans l’équilibre fonctionnel des principaux processus qui régulent la vie sur Terre.
Depuis l’aube de la civilisation, le système terrestre est resté relativement stable pendant 12 000 ans, permettant à l’humanité de s’épanouir. Ce système est complètement bouleversé par les activités humaines, qui mettent en péril les conditions de vie sur Terre.
« Plus des trois quarts des systèmes de soutien de la Terre ne se situent pas dans la zone de sécurité. L’humanité dépasse les limites d’un espace opérationnel sûr, augmentant le risque de déstabilisation de la planète », déclare Johan Rockström, directeur du PIK.
Avec le changement climatique, l’extinction de la biodiversité, la destruction des habitats sauvages, les flux de phosphore et d’azote, la pollution chimique et le cycle de l’eau, voici que l’humanité vient de franchir une septième limite planétaire : celle de de l’acidification des océans.
« Nous allons clairement dans la mauvaise direction », avertit Levke Caesar, codirectrice du Planetary Boundaries Science Lab. « Les océans deviennent plus acides, les niveaux d’oxygène baissent, et les vagues de chaleur marines augmentent. La pression s’accentue sur un système vital pour la stabilité de la planète », prévient la physicienne du climat.
Depuis l’ère préindustrielle, l’acidité des océans a augmenté de 30 à 40%, selon le rapport. Ce phénomène, causé par la combustion des énergies fossiles, et aggravé par la déforestation et la modification de l’utilisation des terres, affaiblit la capacité des océans à stabiliser la planète.
Alors que l’océan est un puits de carbone vital, qui absorbe environ un quart de nos émissions de gaz à effet de serre, leur constante augmentation sature les océans et réduit la capacité d’absorption du CO2.
Le pH de l’eau de mer diminue, ce qui devient nocif pour de nombreux organismes. Coraux, coquillages, et crustacés ne peuvent plus construire leurs carapaces et squelettes. Un danger aux conséquences en cascade mal maîtrisées, risquant d’atteindre des points de non-retour sur l’ensemble des écosystèmes marins.
« Aujourd’hui, l’acidification est un voyant rouge clignotant sur le tableau de bord de la stabilité terrestre. L’ignorer, c’est risquer l’effondrement des fondations mêmes du monde vivant », affirme l’océanographe et exploratrice Sylvia Earle. « Sans mers en bonne santé, pas de planète en bonne santé. »
Seules deux limites sont respectées et ne se détériorent pas : la pollution aux aérosols atmosphériques et le maintien de la couche d’ozone.
Pour grandir, les sociétés humaines doivent sortir du dogme de la croissance et apprendre à composer avec les limites planétaires. Comme le rappelle le manifeste du Muséum national d’Histoire naturelle, Face aux limites, « cela demandera cependant un peu d’humilité et de lucidité : la reconnaissance des humains comme indissolublement ancrés en nature, petite partie d’elle (…) ».