Dans le Haut-Rhin, un collectif de riverains basé à proximité de l’aéroport de Bâle-Mulhouse a récemment réalisé des tests en laboratoire démontrant que le sang des habitants était lourdement contaminé aux PFAS, en plus de la pollution de l’eau potable déjà bien connue.
Combattre plusieurs pollutions
Il y a d’abord eu la nuisance sonore de l’aéroport, raison pour laquelle l’Association de Défense des Riverains de l’Aéroport (ADRA) s’est constituée il y a maintenant plus de 30 ans. Puis, petit à petit, sont venues s’ajouter la pollution atmosphérique, les particules fines et désormais, les PFAS, ces polluants éternels présents dans des ustensiles de cuisine, mais aussi les cosmétiques ou l’alimentation et ne se dégradant pas dans l’environnement.
C’est par l’intermédiaire du chimiste de l’association, s’étant intéressé très tôt à la problématique des PFAS, que les riverains ont compris que les mousses anti-incendies, utilisées dans les aéroports, étaient la principale origine de la présence en grand nombre de PFAS dans l’eau potable. Une information confirmée par une lettre à destination de tous les consommateurs d’eau riverains de l’aéroport, dans l’agglomération de Saint-Louis.
« Cette lettre nous a été envoyée par Veolia, en nous disant que, oui, il y avait effectivement une pollution, mais de ne pas nous inquiéter, que tout allait bien. Ils citaient également l’ARS, en précisant qu’aucune recommandation particulière n’était mentionnée », explique Bruno Wollenschneider président de l’ADRA pour La Relève et la Peste.
L’eau la plus polluée de France aux PFAS
Fin 2023, en apprenant cette pollution, un comité de pilotage mené par la préfecture est organisé, auquel le collectif de riverains n’est cependant pas convié. Ce dernier mène alors ses propres enquêtes, avec l’aide d’autres riverains, de journalistes mais aussi d’ONG à l’image de Générations Futures.
Depuis, aucune information supplémentaire n’a été communiquée aux citoyens.
« Nous avons demandé à l’ARS de donner des recommandations à la population pour qu’elle puisse nous protéger, mais nous souhaitions également que des mesures soient prises immédiatement afin que la population ait accès à une eau réellement potable. On nous a juste confirmé ce que l’on savait déjà, rien de plus », ajoute Bruno Wollenschneider.
« Dans le même temps, nous avons appris que l’eau de captage, donc redistribuée aux riverains, était même la plus fortement polluée de France au PFAS. Nos puits sont directement en contrebas de l’aéroport et l’eau affiche des taux 2 et 4 fois supérieurs à la normale de pollution aux PFAS », continue le président de l’ADRA.
La limite de qualité étant fixée, aujourd’hui, à 0,10 microgramme par litre pour 20 PFAS.
Des taux élevés de PFAS dans le sang
Le collectif décide alors d’aller plus loin, en faisant réaliser des analyses de sang de 10 habitants dans un laboratoire spécialisé, Eurofins, le tout en recherchant 7 PFAS. Lors des résultats, l’ADRA constate alors que les riverains de l’aéroport font partie des 5 à 10% des Français les plus exposés au PFAS (en comparaison avec l’étude Esteban de 2019) avec des taux s’élevant à 22, 20, 19, 17, 15 ou 10 microgrammes de PFAS par litre de sang.
« Des effets néfastes à long terme sur la santé étant possibles chez les personnes présentant un niveau supérieur à 6,9 microgrammes par litre de sang », rappelle le collectif sur son site.
« Il y a déjà eu le scandale des PFAS aux Etats-Unis, illustré par le film Dark Waters, qui ont pris des mesures. En France, malgré ce scandale sanitaire, les autorités sanitaires ne font rien de plus. D’après les directives européennes, depuis 2023, il faut prendre des mesures lorsqu’une pollution est trouvée. Il faut surveiller, analyser, circonscrire la pollution, filtrer, enfin, rendre l’eau potable. Il y a visiblement un comité de pilotage qui est en place, qui a pris des mesures, mais qui ne pourront être effectives qu’en 2027-2028, parce qu’il faut construire des usines de filtration », ajoute Bruno Wollenschneider pour La Relève et la Peste.
Rendre l’eau « réellement » potable
Aujourd’hui, le collectif espère une réaction imminente, passant, par exemple, par des unités mobiles de grands distributeurs d’eau permettant de traiter différentes pollutions localisées.
« Cela peut être l’une des solutions. Cela fait déjà des décennies que l’on boit cette eau, nous en avons marre d’attendre », lance le président de l’ADRA.
Pour rappel, de nombreuses études épidémiologiques et scientifiques menées ont démontré que ces polluants éternels sont susceptibles d’accroître les risques de cancers, mais aussi des risques cardio-vasculaires ou d’impacter sérieusement la fertilité, entre autres.
Aussi, les autorités sanitaires européennes imposeront une limite de 100 nanogrammes par litre d’eau en janvier 2026.
« C’est un premier pas, mais ce n’est pas suffisant parce que cette limite reste élevée comparé aux limites qui ont été établies aux États-Unis, au Danemark ou en Hollande par exemple. Mais je crois que c’est une réaction typiquement française.
C’est comme Tchernobyl, on nous a dit que les radiations s’arrêtaient à la frontière. Nous, qui sommes à la frontière, étions d’autant mieux placés pour savoir que c’était faux », conclut Bruno Wollenschneider.