Vous cherchez un média alternatif ? Un média engagé sur l'écologie et l'environnement ? La Relève et la Peste est un média indépendant, sans actionnaire et sans pub.

Des agriculteurs victimes de pesticides se battent en justice dans le Maine-et-Loire

« A mon époque, on utilisait des pesticides, parce qu'on faisait confiance, on se disait que si c'était sur le marché, ça irait... On sait maintenant que ce n'est pas le cas et il faut que cela change. »

Malades des suites de l'utilisation de pesticides, trois anciens agriculteurs du département se battent pour une meilleure reconnaissance de leurs droits. Le tribunal judiciaire d'Angers rendra sa décision le 3 mars prochain.

Une vie au service de l’agriculture

Il est des yeux qui sourient. Ceux de Dominique Emeriau sont de ceux-là. Né dans la commune de Montrevault-sur-Èvre, dans le Maine-et-Loire, il y a 69 ans, le Maugeois y a travaillé jusqu’en 2016 au sein de l’exploitation agricole familiale. Quarante-et-un an de polyculture-élevage, aux côtés de ses parents d’abord puis de certains de ses frères, sur une exploitation passée au fil des ans de 10 à 140 hectares. Quarante ans en agriculture « conventionnelle », aussi, autrement dit qui recourt aux produits chimiques.

« Au tout début on utilisait des pesticides, mais on sous-traitait, rembobine Dominique Emeriau, attablé dans sa cuisine, pour La Relève et La Peste. Puis dans les années 80, on s’est équipés et on s’est mis à faire les traitements nous-mêmes. »

Des traitements aux pesticides pour les cultures fourragères destinées aux vaches laitières de l’exploitation, mais aussi pour désinfecter les poulaillers, l’exploitation comptant aussi des volailles.

« A ce moment-là, on ne savait pas que cela pouvait causer des problèmes, personne ne parlait de bio, poursuit l’agriculteur pour La Relève et La Peste. Et puis il faut bien dire ce qui est, c’était tellement pratique… »

Le cancer de la prostate reconnu comme maladie professionnelle

La soixantaine entamée, pourtant, le diagnostic tombe. Dominique Emeriau est atteint d’un cancer de la prostate. Une situation qui, pour un ancien agriculteur exposé aux pesticides, n’a rien d’un cas isolé. Face au nombre croissant de professionnels agricoles atteints d’un cancer de la prostate, ce cancer a été reconnu officiellement comme maladie professionnelle en 2021.

« Pourtant, au début, personne ne m’a parlé du lien qu’il pouvait y avoir entre pesticides et cancer de la prostate, constate l’ancien agriculteur pour La Relève et La Peste. Ni mon médecin, ni la clinique. » Et de renchérir : « Je ne savais non plus que je pouvais être soutenu, que des structures existent nous accompagner ».

C’est seulement après son opération que l’ancien agriculteur découvre par l’un de ses frères l’existence du Collectif de soutien aux victimes des pesticides de l’ouest. Comme son nom l’indique, la structure aide les victimes de pesticides à faire reconnaître leur maladie et à se faire indemniser pour les préjudices subis.

De fait, une personne reconnue en maladie professionnelle obtient le versement d’une rente financière dont le montant dépend du taux d’Incapacité permanente partielle (IPP) qui lui est reconnu par le Fonds d’indemnisation des victimes de pesticides (FIVP).

« Rien que l’année dernière, on a fait reconnaître 64 personnes en maladie professionnelle, explique à ce titre Michel Besnard, président du Collectif, pour La Relève et La Peste. Et sur tous ces cas, le cancer de la prostate est la maladie qui est arrivée en premier », poursuit le militant associatif dont le collectif, depuis la création en 2015, a accompagné plus de 200 personnes, et ce principalement en régions Bretagne et Pays de La Loire.

Des cas loin d’être isolés

Alors qu’en juin 2023, suite à une décision du FIVP, Dominique Emeriau a reçu une proposition d’indemnisation à hauteur de 35% d’IPP, l’ancien exploitant agricole a décidé de faire appel de cette décision auprès du tribunal judiciaire d’Angers. Ce dernier rendra sa décision le 3 mars prochain pour son cas, ainsi que pour celui de deux autres agriculteurs du Maine-et-Loire, aussi reconnus en maladie professionnelle suite à leur exposition aux pesticides, l’un âgé de 72 ans et atteint d’un cancer de la prostate, l’autre âgé de 83 ans et souffrant de la maladie de Parkinson.

« Le taux d’indemnisation est fixé une fois la maladie professionnelle reconnue en fonction des séquelles physiques et psychiques des personnes, mais le problème avec le cancer de la prostate, c’est que l’impact psychologique de la maladie est souvent sous-évalué », détaile Michel Besnard pour La Relève et La Peste.

Des propos corroborés par Dominique Emeriau qui souligne l’impact sur la vie privée, et notamment sur la santé sexuelle, de la maladie. « Et puis même une fois guéri, il faut continuer à surveiller. » 



« Ce qu’on demande, in fine, c’est une agriculture sans pesticides »

Pas de quoi l’empêcher pour autant de se mobiliser, au contraire. S’il a décidé de s’engager, aux côtés d’autres agriculteurs du Maine-et-Loire, pour faire entendre sa voix auprès du tribunal d’Angers, c’est dans une démarche collective, afin que la situation des victimes de pesticides évolue.

« A mon époque, on utilisait des pesticides, parce qu’on faisait confiance, on se disait que si c’était sur le marché, ça irait… On sait maintenant que ce n’est pas le cas et il faut que cela change. »

D’autant qu’autour de lui, l’ancien agriculteur connaît d’autres agriculteurs atteints, eux aussi, de cancers. Des professionnels en agriculture conventionnelle qu’il a d’ailleurs orienté vers le Collectif de soutien des victimes des pesticides de l’ouest, dans le département « où on a le plus de demandes de soutien, détaille Michel Besnard pour La Relève et La Peste. Il faut dire que le Maine-et-Loire, en tant que région viticole, arboricole et semencière, est un gros consommateur de pesticides, et donc un gros fournisseur de malades… »

Et de renchérir : « Ici comme partout en France, ce qu’on demande, in fine, c’est une agriculture sans pesticides. » En attendant, le fils de Dominique Emeriau a repris l’exploitation familiale et tente d’en utiliser le moins possible.

S’informer avec des médias indépendants et libres est une garantie nécessaire à une société démocratique. Nous vous offrons au quotidien des articles en accès libre car nous estimons que l’information doit être gratuite à tou.te.s. Si vous souhaitez nous soutenir, la vente de nos livres financent notre liberté.

Cecile Massin

Faire un don
"Le plus souvent, les gens renoncent à leur pouvoir car ils pensent qu'il n'en ont pas"

Votre soutien compte plus que tout

Animal, un nouveau livre puissant qui va vous émerveiller 🐺

Notre livre Animal vous invite à vous émerveiller face à la beauté du peuple animal. Des dernières découvertes scientifiques sur le génie animal jusqu’au rôle primordial de chaque espèce qui peuple notre terre, notre livre vous plonge au cœur du monde animal et vous invite à retrouver votre instinct.

Après une année de travail, nous avons réalisé l’un des plus beaux ouvrages tant sur le fond que sur la forme.

Articles sur le même thème

Revenir au thème

Pour vous informer librement, faites partie de nos 80 000 abonnés.
Deux emails par semaine.

Conçu pour vous éveiller et vous donner les clés pour agir au quotidien.

Les informations recueillies sont confidentielles et conservées en toute sécurité. Désabonnez-vous rapidement.

^