La justice a donné raison aux citoyens ! La cour administrative d’appel de Marseille a jugé illégal, ce vendredi 31 mai, l’arrêté préfectoral qui permettait à la multinationale canadienne Boralex de déroger au droit environnemental pour détruire des espèces et habitats protégés sur la mythique montagne de Jean Giono.
Le saccage illégal de la montagne
Le couperet judiciaire est tombé : à Lure, la construction d’une centrale photovoltaïque a bien saccagé la montagne en toute illégalité. Voilà plus d’un an que des collectifs s’opposent à ce gigantesque parc solaire de 17 hectares, porté par la société canadienne Boralex, à travers des blocages de chantier et des actions en justice.
Ce vendredi 31 mai, la cour administrative d’appel de Marseille vient de leur accorder une première victoire cruciale en annulant la dérogation accordée en janvier 2020 par le préfet des Alpes-de-Haute-Provence à la société Boralex. En cause : la recherche insuffisante d’une éventuelle solution alternative pour le choix du site, qui soit moins impactante pour la biodiversité. Pour les juges, cette recherche aurait « en particulier pu porter sur des terrains déjà artificialisés » et ce « à l’échelle de l’ensemble du secteur de la « Haute-Provence », ce que n’a pas fait la multinationale Boralex.
« C’est une magnifique victoire pour la vie sauvage et la Réserve de Biosphère, fruit d’un travail acharné et déterminé pour laquelle le GNSA et l’ANB s’associent pour féliciter le collectif Elzéard (…) et tous les soutiens car le chantier est à présent suspendu » se réjouissent le Groupe National de Surveillance des Arbres et l’Association Nationale pour la Biodiversité dans un communiqué
Par cette décision de justice, les travaux doivent en effet être suspendus car l’entreprise n’a plus le droit de porter atteinte aux habitats des 90 espèces protégées du site, ni même de perturber ces espèces.
Heureux hasard du calendrier : nous sommes dans une période de grande vulnérabilité de la biodiversité car c’est le moment de nidification des oiseaux, reproduction des reptiles et émergence des insectes. Le moment est donc idéal pour laisser les espèces du site en paix. Parmi elles : le papillon Alexanor, le Traquet oreillard (un passereau), le lézard ocellé, l’aigle royal, ou encore la fauvette pitchou. Un recensement incroyablement riche sur un site si restreint, nous explique un naturaliste.
« Ce jugement montre qu’on ne peut pas détruire un habitat sans impunité. Cela légitime aussi nos actions et les perturbations du chantier contre lesquelles le Préfet a envoyé les forces de l’ordre. Le Préfet est doublement responsable : il a signé un arrêté hors-la-loi et a protégé les intérêts d’une société privée au mépris du droit environnemental » accuse Pierrot Pantel de l’Association nationale pour la biodiversité (ANB), qui s’est saisi du dossier pour le collectif Elzéard, auprès de La Relève et La Peste
Le collectif va être particulièrement attentif à ce que la décision de justice soit bien respectée, quitte à saisir un juge d’instruction le cas échéant.
La détermination des citoyens
Cette décision sera notamment particulièrement importante pour le procès de Sylvie Bitterlin et Claudine Clovis, deux « gardiennes de la montagne de Lure » qui se sont opposées aux machines des chantiers face aux atteintes illégales à la biodiversité du projet.
De son côté, la multinationale Boralex a déclaré que cette décision ne « remet pas en cause son droit d’exploiter la centrale de Cruis » alors qu’elle était sur le point de procéder aux raccordements du site et que des dizaines de millions d’euros sont en jeu.
Pourtant, cette exploitation a bien un impact délétère sur les espèces alors que la température des panneaux peut monter à plus de 85°C, ce qui grille les insectes passant à proximité. De la même façon, les débroussaillages d’une dizaine d’hectares autour du site pour créer des pare-feux perturbent voire détruisent l’habitat d’espèces protégées, notamment les chiroptères (chauve-souris). Des lumières artificielles de couleur blanche éclairent également autour de plus de 4km de la centrale toute la nuit. Une pollution lumineuse connue par les chercheurs pour son impact mortel sur la biodiversité.
Les collectifs s’attendent maintenant à ce que Boralex porte le jugement devant le Conseil d’État et vont demander la reconnaissance d’un préjudice écologique pour imposer à la société une remise en état du lieu.
Pour les opposants au projet, ce n’est pas le principe du photovoltaïsme qui est problématique, mais bien la taille gigantesque des projets en cours sur le territoire et leur lieu d’implantation. Au-delà de Cruis, une trentaine de projets photovoltaïques sont prévus sur la montagne de Lure, et recouvriraient à terme un millier d’hectares selon les calculs de l’ANB et du collectif « Elzéard, Lure en résistance ».
Ce dernier est d’ailleurs prêt à s’opposer aux futurs projets pour protéger la montagne emblématique de l’écrivain Jean Giono, qui en a fait un lieu d’inspiration onirique. La montagne de Jean Giono va-t-elle redevenir l’oasis de vie qu’elle était ?