La méthode TELED, « Tâches Énergivores Lorsque l'Energie est Disponible », est un mode d’organisation d’entreprise porté par un collectif qui vise à s’adapter à un accès intermittent aux ressources. Arnaud Cretot, l’un de ses initiateurs avec son entreprise NeoLoco, nous explique le concept.
TELED, alternative à l’utilisation de l’énergie disponible
Arnaud Cretot détaille TELED, une proposition qui consiste à consommer l’énergie lorsqu’elle est disponible et qui permet à des entreprises qui veulent être plus durables, de l’être de manière économique.
« Le modèle économique basé sur le flux tendu est fragile dans un monde qui change. Ce qui est intéressant avec le point de bascule, c’est que l’on touche les industriels au portefeuille. Leur entreprise peut être plus rentable, et compatible avec des énergies intermittentes. » explique Arnaud Cretot pour La Relève et La Peste
Le Point de bascule, c’est le calcul du moment à partir duquel l’entreprise va être plus rentable à fonctionner avec un accès compatible avec une organisation TELED plutôt qu’une organisation en flux tendu (énergies fossiles en tête).
Aujourd’hui avec, entre autres, Loïc Perochon, un expert en organisation industrielle, ils sont en discussion avec des entreprises allant du secteur de l’agroalimentaire à la verrerie en passant par des fabricants de caisses en bois et regroupant de 50 à plusieurs milliers de salariés.
La méthode TELED repose sur 4 points fondamentaux : lister toutes les tâches de l’entreprise, identifier celles qui consomment de l’énergie, prioriser celles énergivores quand l’énergie est disponible (correspondant à 15/20 % du temps de travail) et ensuite la gestion du stock. Ce dernier étant le cœur de la méthode TELED.
« L’année dernière, les préfectures ont demandé aux entreprises de se préparer à des coupures d’énergie. Du point de vue du modèle économique, ça veut dire qu’il n’y avait plus accès à de l’énergie capable de le faire tourner. Les énergies continues deviennent alors l’intermittence. » décrypte Arnaud Cretot pour La Relève et La Peste
TELED, une autre organisation du travail
TELED ne prétend pas faire table rase d’un modèle existant mais plutôt « de s’organiser autour des énergies renouvelables pour lutter contre le réchauffement climatique et permettre aux entreprises qui ne sont pas encore équipées de résoudre ce problème purement économique ».
Cette vision a été illustrée par le dessinateur VITO à travers un dessin socio-technique qui imagine la société autrement en mettant en avant les low-tech, la culture locale pour un changement local et les énergies intermittentes. Le collectif a développé plusieurs façons de concrétiser ce rêve à l’échelle d’un pays, par la construction d’une méta-structure qui puisse survivre et résister à la tempête qui arrive.
« Il y aura toujours des industries. Dans la fresque de VITO, il y a des grandes villes avec des usines, etc. Fabriquer un IRM sans industrie n’est pas possible. Pour les matériaux, il y a toujours des échanges internationaux, le but n’est pas de se renfermer sur nous-mêmes. Le projet n’est pas de remplacer toutes les voitures à pétrole par des voitures électriques.
Le principe est d’utiliser un minimum de technologies pour répondre aux besoins essentiels.
Quand on parle à des acteurs plus importants, le stockage devient un problème parce que dans leur logique du flux tendu, il a un coût. Il faut un bâtiment dédié et de la trésorerie. Une série de coûts est liée au stock, mais les entreprises réalisent aussi des gains liés aux économies d’énergie grâce à la « gratuité » du renouvelable et à la disponibilité de cette énergie sur le réseau les jours de vents ou de beau temps. » précise Arnaud Cretot pour La Relève et La Peste
La COVID ou encore la guerre en Ukraine ont entraîné l’émergence de pénuries. TELED offre une sécurité économique pour les territoires, les entreprises mais aussi pour les citoyens et consommateurs.
« Pour préparer cette méta-organisation, transformer l’organisation est ce qu’il y a de plus profond. Si on ne la change pas, on ne fait que mettre des petits pansements. Switcher de technologie ne fait que consommer des ressources. Le jour où il y a une rupture dans la chaîne d’approvisionnement à cause d’une guerre, c’est beaucoup plus sécurisant pour des entreprises organisées en énergies intermittentes avec un stock, qui ont beaucoup moins de risques de pénurie, que pour celles fonctionnant sur des énergies continues en flux tendu. » détaille Arnaud Cretot pour La Relève et La Peste
TELED, une méthode à long terme
Pour Arnaud, il y a deux choses. La question du long terme : de quel droit ponctionne-t-on des ressources que l’on n’est pas capable de transmettre ? Selon lui, il est vain d’inonder les parcs automobiles de voitures électriques si cela ne fait survivre les constructeurs automobiles que pour les 20 prochaines années.
« Ce discours est très peu audible. Personne sur TF1 ne dira « Au regard de l’Histoire, ce n’est pas important de réussir à maintenir notre niveau de vie pendant 20 ans ». Mais c’est très difficile parce que l’économie ne fonctionne que sur du court terme donc on se confronte à un mur. Pour me donner du courage, je me dis qu’on prépare la suite. » raconte Arnaud Cretot pour La Relève et La Peste
TELED n’est pas seulement compatible avec des outils Low-tech. En effet, ce sont deux concepts distincts. Ce mode d’organisation d’entreprise pour s’adapter à un accès intermittent aux ressources touche tous les secteurs et peut intégrer l’utilisation de High-Tech quand cela est nécessaire.
TELED demande une réelle réflexion sur les savoir-faire concernant les produits périssables, mais s’adaptent parfaitement à ceux de conservation. Cela demande par contre une plus grande flexibilité de travail dans la mesure où les personnes qui font les tâches énergivores en intermittence doivent s’adapter aux jours de mauvais temps. De quoi permettre d’améliorer sa gymnastique d’esprit dans nos représentations du cadre de travail.
« Les personnes qui viennent nous voir n’ont que le cadre de référence avec l’énergie continue. Il faut créer une cohérence pour avoir une méthode d’organisation que les gens puissent appliquer dans différents secteurs. Qu’ils puissent passer d’une entreprise à l’autre sans être surpris. Ceux qui viennent en formation, en une journée, sont capables de créer une activité ailleurs alors qu’avant de venir ce n’était pas le cas. » précise Arnaud Cretot pour La Relève et La Peste
L’essentiel se trouve dans la création de représentations sociales auxquelles les gens puissent s’identifier pour construire le monde de demain.
Le collectif TELED est actuellement en discussion avec 4 industriels pour commencer à les accompagner sur leurs diagnostics. On y trouve des entreprises dans l’agroalimentaire, la verrerie, la fabrication de caisse en bois et l’emballage. Arnaud espère à terme pouvoir créer un rapport complet sur l’efficacité de cette technique.