Valérie Pécresse et sa majorité ont entériné le nouveau schéma d’aménagement du territoire de la région Ile de France jusqu’en 2040. Une programmation bien en deçà de la zéro artificialisation nette qui limite le bétonnage des terres. La politique est décrite comme incompatible avec « l’urgence climatique » par l’opposition.
Le ZAN, zéro artificialisation nette pour 2050, prévu par la loi climat et résilience adoptée le 22 août 2021, est au cœur de multiples problématiques. « Objectifs pas à la hauteur de l’urgence climatique » pour les uns, « trop restrictifs » pour l’aménagement du territoire pour les autres. Cette loi cruciale dictera l’artificialisation des terres en France durant les trois prochaines décennies.
Qu’est-ce que le ZAN ? A l’horizon 2050, il prévoit que toute artificialisation de terres agricoles, forestières ou naturelles, devra être compensée par la renaturalisation d’une parcelle d’une même dimension.
Premier problème avancé par les oppositions de gauche, la désartificialisation d’une zone et la création d’une nouvelle aire naturelle « n’est pas équivalente » à la destruction d’un écosystème riche de plusieurs milliers d’années, de zones fertiles ou de zones humides avec une biodiversité florissante.
En Ile de France, Valérie Pécresse a présenté un SDRIF (Schéma directeur de la région Île-de-France) bien en deçà des impératifs du ZAN. La loi prévoit une baisse de 50% de l’artificialisation d’ici 2031, pour arriver petit à petit à 100% en 2050. De son côté, la majorité de droite au Conseil régional a voté une baisse de 20% entre 2024 et 2031, entre 2032 et 2041, et entre 2042 et 2050.
« La trajectoire est irréaliste, si on additionne ces trois fois 20%, on arrive au total à 50% de baisse d’artificialisation en 2050. Et, selon la majorité, on arriverait aux objectifs du ZAN d’un seul coup en 2050. Cela voudrait dire que, en une année, on baisserait de 50% l’artificialisation des sols pour atteindre les 100% » assène Vianney Orjebin.
La politique de la majorité Les Républicains est principalement expliquée par la crise du logement que traverse la région. Chaque année, la région francilienne gagne environ 50 000 habitants. Dans le même temps, elle compte 1,3 million de personnes mal-logées, dont 140 000 sans domicile fixe. Les marges de construction sont très réduites dans certaines villes dont la densité du bâtie est très forte.
La région compte 5,9 millions de logements dont près de 89% de résidences principales. Les autres logements sont soit vacants (7 %), soit des résidences secondaires ou occasionnelles (4 %). En 50 ans, le nombre de logements vacants a plus que doublé dans la région et presque triplé à Paris.
Avec plus de 5 millions de ménages en Ile de France en 2020 selon l’INSEE et un prix moyen du mètre carré de 5 969 euros, l’édification de nouveaux logements à bas coût, accessibles aux foyers les plus modestes, seraient donc « indispensables » selon les membres de la majorité.
Valérie Pécresse n’entend pas favoriser la construction de HLM, comme le démontre sa mesure anti-ghetto, mais plutôt les logements intermédiaires, avec un loyer plafonné, en dessous des prix du marché. Des résidences inaccessibles pour un grand nombre de franciliens en attente d’une place dans un logement social. En 2021, ils étaient 743 118 à demander l’accessibilité à ce type d’habitation selon la Direction régionale et interdépartementale de l’Hébergement et du Logement d’Ile de France.
L’opposition à Valérie Pécresse table, elle, sur la surélévation des bâtiments actuels, la transformation des bureaux, beaucoup sont inoccupés en petite couronne, sur l’exploitation de friches industrielles, ainsi que sur la réquisition des logements vides. Cette politique a porté ses fruits à la mairie de Paris, qui a réussi à augmenter son parc de logements sociaux de 25% ces dernières années.
Le zéro artificialisation brut (ZAB), la solution ?
« Le Zan, c’est le même principe que les droits à polluer. Si on arrive à décarboner à un endroit, on a le droit d’émettre des gaz à effet de serre ailleurs. Si on désartificialise à un endroit, on octroie des droits à bétonner ailleurs. Donc pour nous ce n’est pas suffisant » analyse Vianney Orjebin.
Les compensations et les restaurations des milieux naturels « ne sont pas à la hauteur ». Face à l’urgence écologique, une proposition commence à faire l’unanimité dans les mouvements de gauche et dans le milieu associatif (France Nature Environnement notamment) : le ZAB, zéro artificialisation brute.
Porté par des élus de La France Insoumise d’Ile-de-France, cette politique entend interdire l’artificialisation de nouvelles terres à l’exception de projets d’intérêt public comme des lycées ou des lignes de chemin de fer.
L’opposition LFI à la Région a présenté une contre-proposition dans ce sens dans le cadre du nouveau SDRIF. Celle-ci prévoyait une baisse de 50% de l’artificialisation entre 2021 et 2031, comme le planifie le ZAN, puis une baisse de 60% entre 2032 et 2041, et enfin une baisse de 80% entre 2042 et 2050.
Une fois le milieu de siècle atteint, le ZAB ne permet plus aucune artificialisation des terres.
Ce ZAB est une demande qui a pris de l’ampleur au sein des multiples luttes qui ont vu le jour en Ile de France face à l’artificialisation des terres : la zad du plateau de Saclay, dont le sol est l’un des plus fertiles d’Europe et menacé par la construction de la ligne 18 et l’extension de la « Silicon valley française », le triangle de Gonesse, les jardins d’Aubervilliers, le projet Val Bréon 2 qui va artificialiser 150 hectares de terres agricoles.
Face à une région de plus en plus bétonnée, il est fort à parier que d’autres luttes de ce type émergent dans les prochaines années.