Retournement de situation victorieux pour le vivant ! En constatant la présence de la pie grièche méridionale, une espèce protégée, sur la zone, le Tribunal Administratif de Nîmes a décidé d’annuler l’autorisation environnementale d’un centre de tri Amazon de 38 000m2 qui devait détruire autant de terres agricoles près du Pont du Gard. Motif : le tribunal ne reconnaît pas l’intérêt public majeur du projet, qui justifierait de tuer une espèce protégée. Cette décision fait suite à l’abandon des projets d’Ensisheim et de Montbert, c’est donc un 3ème revers de taille pour le géant de Seattle dans l’hexagone.
Le respect du vivant
Ce mardi 9 novembre 2021, le Tribunal Administratif de Nîmes a mis fin à la polémique qui divisait profondément élus et habitants du Gard depuis plusieurs années. Dans un communiqué paru mardi, la justice a annulé l’autorisation environnementale accordée à un projet de centre de tri de colis du géant du e-commerce à Fournès, dans le Gard, dont elle ne reconnaît pas « l’intérêt public majeur », ce qui fait obstacle à la mise en œuvre du permis de construire de l’entreprise.
Saisi d’une requête demandant l’annulation d’un arrêté préfectoral de novembre 2019, la décision du tribunal est une véritable victoire pour tous les habitants qui étaient opposés au projet.
Porté par la société Argan, spécialisée dans la construction de bases logistiques, ce projet prévoyait de construire un bâtiment de 38.800 m² sur un terrain de 13,7 hectares, à proximité de l’autoroute A9, axe important vers l’Espagne.
« C’est une importante victoire pour les opposants locaux. Pas moins de 38 000m2 de terres agricoles AOC allaient être bétonnées, avec un afflux de 1000 poids lourds et de 4000 utilitaires par jour, à moins de 5km du Pont du Gard. » ont réagi dans un communiqué commun les associations Attac et les Amis de la Terre
La décision du tribunal a été motivée par la présence d’une espèce protégée sur la zone – la pie grièche méridionale – dont il est interdit de détruire l’habitat sauf sous des conditions d’intérêt général.
« Malgré la création probable de 600 emplois équivalent temps plein et les retombées économiques (…) celui-ci ne répondait pas à une raison impérative d’intérêt majeur, notion appréciée très strictement par la jurisprudence du Conseil d’État. » a précisé le tribunal de Nîmes
De surcroît, le projet causait beaucoup d’inquiétudes quant à son impact sur les commerces et les emplois locaux alors que les villes d’Arles et de Nîmes subissent déjà d’importantes vacances au sein de leurs centres-villes. En effet, selon une enquête de novembre 2020 par les économistes Florence Mouradian et Ano Kuhanathan, le recours croissant au e-commerce a engendré 114 000 destructions d’emplois dans le secteur du commerce non-alimentaire en France entre 2009 et 2018.
Lutte contre une implantation à marche forcée
Contacté par l’AFP, Amazon n’avait pas réagi mardi soir. Si Amazon a « officiellement » nié être derrière le projet, c’est pourtant principalement pour les besoins d’Amazon que la société Argan opère. En effet, face à l’opposition locale de plus en plus forte, la multinationale avance désormais à visage masqué pour étendre son empire dans l’Hexagone. Une stratégie dénoncée dans les colonnes de La Relève et La Peste dès juin 2020.
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« C’est une grande victoire pour la mobilisation « Stop Amazon » ! Partout en France les projets d’entrepôts Amazon rencontrent une forte résistance de la part de riverains, agriculteurs, commerçants, altermondialistes, écologistes… et ces luttes mettent en échec le géant Amazon. Deux semaines après l’abandon du projet d’entrepôt à Montbert (44) nous nous félicitons de cette décision de justice qui enterre le projet de Fournès, mais nous restons vigilants car nous savons que la multinationale a d’autres projets. » s’est exprimé Raphael Pradeau, porte-parole d’Attac
De fait, il s’agit du troisième revers de taille dans la stratégie d’expansion d’Amazon dans l’Hexagone. Il y a un an, Amazon avait abandonné son méga projet de 189 000m2 qui devait bétonner des terres agricoles à Ensisheim en Alsace, et vient d’abandonner il y a deux semaines à peine un projet similaire à Montbert.
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L’abandon du projet d’entrepôt à Montbert fait suite à une forte mobilisation populaire locale. Dans le Gard, la décision du tribunal de Nîmes vient une fois de plus questionner la légitimité de l’implantation à marche forcée du géant américain en France.
Ce dernier est ouvertement soutenu par le gouvernement d’Emmanuel Macron qui avait refusé d’étendre l’interdiction de bétonisation de terres agricoles pour les zones commerciales aux projets d’entrepôt d’e-commerce. Et ce, alors que ces derniers projets sont en moyenne beaucoup plus grands que les surfaces commerciales !
« Le soutien du Gouvernement à l’expansion d’Amazon en France est tel, que les procédures d’autorisation sont de moins en moins contraignantes. Les entrepôts de e-commerce sont exemptés du moratoire sur l’artificialisation de la loi Climat. Ils sont également exemptés d’autorisation commerciale, et donc d’évaluation de leur impact sur les commerces locaux. Le Gouvernement réfléchit même à réduire les délais de jugement des recours contre les projets ! Cette décision du tribunal de Nîmes montre qu’on ne peut pas fouler au pied la loi pour faire plaisir à Amazon. Nous demandons l’arrêt de tous les projets alors qu’il est largement démontré qu’Amazon nuit au climat, aux emplois et évade l’impôt de toutes les manières possibles. » explique Alma Dufour, chargée de campagne aux Amis de la Terre
Les Amis de la Terre et Attac épinglent régulièrement les géants d’e-commerce pour leurs pratiques d’évasion fiscale indécente. Ainsi, Attac a démontré comment Amazon dissimule la moitié de son chiffre d’affaires dans les paradis fiscaux. De la même façon, The Guardian a révélé qu’Amazon a payé zéro impôts sur les sociétés au Luxembourg en 2020, alors que toutes ses ventes européennes sont enregistrées dans ce pays.
Et ce n’est pas le seul problème pointé du doigt par les associations : Amazon cautionne également un système de fraude à la TVA massive sur sa plateforme, qui a coûté 1 milliard d’euros à la France en 2019. Enfin, plusieurs élus locaux se plaignent désormais qu’Amazon évade les impôts locaux de la même façon que l’impôt sur les sociétés.
Grâce à la pie grièche méridionale, les citoyens et associations célèbrent aujourd’hui « une victoire pour la protection des terres, du climat et des emplois locaux, qui interroge sur la légalité de l’expansion d’Amazon à marche forcée, soutenue par le Gouvernement. »
Crédit photo couv : Les Amis de la Terre