Comme Henry David Thoreau en son temps, des citoyens du Sud-Ouest de la France refusent de payer un impôt supplémentaire. La taxe dite TSE a été ajoutée à tous ceux qui vivront à moins de 60 minutes d’une gare LGV construite pour le Grand Projet ferroviaire du Sud-Ouest. Des habitants dénoncent un projet anachronique et destructeur qu’ils refusent de financer, et demandent la rénovation des lignes existantes.
La Taxe TSE, « l’impôt LGV » du GPSO
Sous les deux mandats d’Emmanuel Macron, de nombreux vieux projets d’aménagement du territoire ont été ressortis des tiroirs à marche forcée. Alors que les finances publiques sont dans une très mauvaise passe, l’argent public semble couler à flots pour financer d’anciens rêves tels que l’A69 (pensée par Pierre Fabre il y a 30 ans) ou le projet LGV dit GPSO, initialement débattu en 2005.
Porté par Carole Delga, la présidente de Région Occitanie et Alain Rousset, le président de la Région Nouvelle-Aquitaine, il vise à créer 327 km de Lignes à Grande Vitesse, dont 222 km entre Bordeaux et Toulouse d’ici à 2030, puis une liaison de Bordeaux vers Dax dont la construction débuterait plus tard, en 2037. Gain de temps estimé : 1h23 entre Toulouse et Paris.
Au-delà des 4800 hectares qui seront artificialisés, c’est le coût faramineux du projet qui a fait bondir les populations locales et de nombreux élus : a minima 14,3 milliards d’euros, financés à 40% par l’Etat, 40% par les collectivités locales et 20% l’Union européenne.
Or, la part des collectivités locales va notamment être financée par un impôt supplémentaire mis en place pendant 40 ans ! Il s’agit d’une taxe spéciale sur l’équipement (TSE) instaurée par la loi de Finances de 2023 qui concerne tous les propriétaires fonciers (professionnels ou particuliers) de 2.340 communes en Nouvelle-Aquitaine et en Occitanie, situées à moins d’une heure de voiture d’une gare LGV.
Mise en place depuis l’an dernier, son montant oscille entre 2 et 17 euros selon les communes. Il peut être réévalué chaque année en fonction de l’évolution du coût de la vie, et est déjà bien supérieur par rapport aux estimations de base ! Fin 2021, Sacha Briand, vice-président de Toulouse Métropole chargé des finances, avait ainsi déclaré que : « pour le particulier qui paie un impôt foncier de 1 000 euros, cela va faire 4 euros de plus ».
« Les collectivités ont signé le plan de financement sans voir le diable dans les détails. Elles auraient dû se rendre compte que ni l’Etat ni l’UE se s’engageait sur la partie Sud-Gironde-Dax, et que ça allait être compensé par les collectivités », explique Catherine (son prénom a été modifié) à La Relève et La Peste.
Le budget GPSO s’établit à 160 millions d’euros par an au sein de la société de financement, dont 100 millions d’euros de contributions des collectivités territoriales et 60 millions d’euros de fiscalité nouvelle. En 2023, la TSE a rapporté seulement 24 millions d’euros, les Régions espèrent que 2024 permette de rapporter les 60 millions d’euros prévus.
Le boycott de l’ « impôt LGV »
Alors, pour de nombreux citoyens qui ne veulent pas du GPSO, pas question de financer le projet avec leurs impôts, quitte à rentrer en désobéissance civile.
« L’impôt on le paie depuis deux ans, et là ça devient faramineux ! dénonce Catherine auprès de La Relève et La Peste. Sur Mont-de-Marsan on est passés de 14 à 17 euros, soit une augmentation de 21,42% en seulement un an ! C’est terrible de demander de l’argent pour ça, mais pas pour d’autres services publics. »
Le précédent gouvernement Barnier demandait dans le projet de la loi de finances 2025 à la Région Nouvelle Aquitaine un effort de 126 millions d’euros pour soutenir le déficit colossal du pays. Pas de quoi impacter le projet GPSO, les réductions seront faites ailleurs.
C’est pourquoi depuis deux ans, Catherine boycotte l’ « impôt LGV » comme une centaine d’autres citoyens. Des notices ont été mises en ligne pour expliquer comment contester cette nouvelle taxe. Lorsque le paiement des impôts se fait en ligne, il suffit de retirer la somme de la taxe du montant final de paiement.
Un geste revendiqué auprès du service des impôts à travers une réclamation. Si la réclamation est rejetée, le plus gros risque qu’encourent les désobéissants civils est de devoir « payer l’impôt contesté ainsi qu’une majoration de 10 % due pour retard de paiement ». Soit 1,7€ de pénalité pour une TSE à 17€.
Le pire pour les boycotteurs, c’est l’inégalité et l’injustice criante de cette taxe supplémentaire réservée aux locaux alors que l’ensemble des français, et notamment les franciliens, vont bénéficier de la future LGV. « Je refuse de financer un projet ruineux destiné exclusivement à une clientèle aisée de voyageurs » dénonce ainsi une personne sur sa réclamation aux impôts.
En plus de cet « acte de désobéissance fiscale », une Question Prioritaire de Constitutionnalité va être déposée au gouvernement pour statuer sur la question suivante : « une taxe locale qui brise l’inégalité des territoires devant l’impôt pour financer un grand projet est-elle conforme à la Constitution française ? »
Le chantier des Aménagements ferroviaires du nord toulousain (AFNT) et les Aménagements ferroviaires du sud bordelais (AFSB) ont eux commencé. Tout comme l’occupation terrain de part et d’autre de la ligne, dont nous entendrons probablement parler au cours de l’année prochaine.
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