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LGV GPSO : des arbres centenaires abattus illégalement contre l’avis du maire

« Ils rasent des arbres centenaires qui nous protégeaient, nous faisaient de l'ombre, étaient beaux, pour construire un mur antibruit ? Mais c'est illogique ! » Il apparaît pourtant bien sur les plans. « Combien ça va coûter, rien que ça, alors qu'on n’arrête pas de nous dire qu'il faut arrêter les dépenses ! »

Au départ de Toulouse, comme à Bordeaux, la résistance au grand projet contesté de LGV s'organise. Le week-end dernier a vu des habitants et le maire de Saint-Jory soutenir les opposants aux coupes illégales d'arbres centenaires le long du canal, dans le cadre des travaux d'aménagement ferroviaire du nord de Toulouse (AFNT).

L’abattage illégal d’arbres pour le GPSO

Il fait encore doux en ce pont du 11 novembre, sur les bords du canal latéral à la Garonne, à Saint-Jory, au nord de Toulouse. C’est tant mieux pour les « écureuils », ces résistants à l’abattage d’arbres centenaires. Ils sont installés dans deux immenses platanes et un chêne imposant, aujourd’hui cernés par les ouvriers du chantier AFNT.

Partie intégrante du Grand projet sud ouest (GPSO, construction d’une LGV entre Toulouse et Bordeaux et Bordeaux et Dax), l’AFNT consiste en la mise à quatre voies de l’infrastructure existante entre Saint-Jory et Toulouse. La zone d’insertion des nouvelles lignes aux anciennes se fera sur 2,3 km.

Les travaux, à la fois sur la signalisation ferroviaire et au sol pour faire la place aux deux voies supplémentaires sont évidemment conséquents. Dans cette zone périurbaine densément peuplée (385 habitants/km²), afin éviter au maximum les expropriations et la destructions d’habitations, c’est le bord du Canal latéral à la Garonne qui est rétréci pour faire place aux nouvelles voies. Logique, mais la réalité du terrain a du mal à passer.

Certes, la Déclaration d’utilité publique (DUP) parle de « reprise de la berge Est du canal latéral à la Garonne sur un linéaire discontinu des écluses d’Emballens à Lacourtensourt. » Mais, si le défrichage, ou plus précisément « la libération des emprises végétales semi-naturelles » est autorisé et prévu dans la DUP, les alignements de grands arbres doivent faire l’objet d’une autorisation spécifique, dit le Conseil national pour la protection de la nature (CNPN), ce qui n’a pas été fait.

D’où le dépôt d’un référé auprès du tribunal administratif de Toulouse dès le vendredi 8 novembre par les Amis de la Terre et LGV Non Merci. D’où l’occupation des arbres par 5 écureuils et l’inévitable présence des forces de l’ordre.

Et ce weekend, les grands moyens déployés rappellent furieusement les situations similaires le long du tracé de l’A69. Il y a là des policiers, des CRS, en alternance avec les gendarmes mobiles, un ou deux drones, le Peloton de Surveillance et d’Intervention de la Gendarmerie (PSIG), la Cellule Nationale d’Appui à la Mobilité (CNAMO) assistée par le Peloton de Gendarmerie de Haute Montagne (PGHM). Sur le canal, deux canots motorisés font des ronds dans l’eau.

Deux bûcherons abattent un platane où vivent encore deux écureuils. La gendarmerie bloque l’accès à l’une des rivières du Canal du Midi afin d’expulser les écureuils qui occupent les arbres. Crédit : Alain Pitton

Des arbres non alignés « au sens de la loi »

Le juge des référés a estimé dans son jugement rendu le 9 que ces arbres n’étaient pas alignés « au sens de la loi ». Cependant, explique Jean Olivier, président des Amis de la Terre, un expert a quand même été dépêché sur le terrain par la préfecture, le jour même du référé.

« Il a fait Lespinasse-Saint-Jory [un peu plus de 2 km] à pied pour photographier et noter la position GPS de 150 arbres de plus de 50 cm de diamètre. Il a conclu que c’est un alignement, d’où la nécessité de déposer un autre référé pour stopper le massacre. »

Là, précise-t-il, il faudrait attaquer au pénal car SNCF Réseau a coupé avant l’arrêté. Mais, pour le moment, les finances manquent aux associations. Qu’à cela ne tienne, les écureuils sont fidèles au poste, autrement dit, sur les branches.

Les blagues fusent, ça chante, un poème tombe des branches comme une feuille dorée à point. Une façon de se donner du courage : la veille, un grimpeur du Groupement national de sauvegarde des arbres (Gnsa) a fait un malaise en étant délogé d’un platane par la CNAMO. Emmené en urgence à l’hôpital, il est ressorti indemne quelques heures plus tard. L’arbre qu’il occupait n’est plus qu’un gros cure-dent dépouillé de ses branches.

Les écureuils occupent les arbres pour bloquer leur coupe pour la LGV (ligne à grande vitesse) près de l’écluse de Saint-Jory sur le Canal du Midi – Crédit : Alain Pitton

En face de la rive du canal concernée par les coupes, sur la promenade et piste cyclable, une poignée d’opposants et de plus en plus de riverains regardent, attirés par le vacarme des tronçonneuses et autres engins. Nombreux sont ceux qui tombent des nues. Bien sûr, ils savaient qu’il y aurait « un jour » la LGV et qu’elle passerait par Saint-Jory qui est l’entrée de la ligne venant de Bordeaux.

Mais, réflexion maintes fois entendue à propos de grands travaux : « C’était dans l’air, mais un peu comme l’arlésienne, on pensait qu’on avait le temps, voire que ça ne se ferait jamais. »

Les pas s’arrêtent, les visages se lèvent et aperçoivent, minuscules dans les grands platanes en face, les écureuils. Ils s’interrogent, posent des questions, des voisins apportent du café, des femmes angoissent pour l’ « écureuille »qui monte très, très haut dans son arbre, crie sa colère et pleure alors qu’elle est délogée. Elle sera relâchée très vite, mais les témoins sont choqués.

« Les montagnards, à la montagne ! », lance Claude, excédé par la présence du PGHM. Puis ce sont trois opposants qui sautent à l’eau avec des bouées ridicules et jouent à la bataille navale avec les policiers en barges à moteur. Les rires fusent, il en faut aussi.

De nombreux habitants sont venus soutenir les écureuils perchés dans les arbres. Crédit : Alain Pitton

Un rassemblement appelé par le maire

« C’est un endroit apprécié pour la promenade, pour la proximité avec la nature, proche d’un quartier. », dit une mère de famille qui passe avec ses bambins.

« J’ai vu ici Thierry Brugère, l’adjoint au maire il y a quelques jours, assure Zouie, une voisine, il était furax. Apparemment, la mairie n’était pas au courant. »

Elle montre la copie de la lettre que l’édile a envoyée dès le 7 novembre au préfet de région Pierre-André Durand, coordonnateur du GPSO. Le jeune maire socialiste, Victor Denouvion, alerté par les riverains et les associations assure tout d’abord qu’il se réjouit de la LGV et comprend la nécessité des travaux AFNT.

Il rappelle cependant qu’ « En tant que maire de Saint-Jory, je me dois d’être le garant de la protection de notre biodiversité et de notre patrimoine naturel. » Il regrette par ailleurs que « la question des conséquences sur la biodiversité n’a pas fait, à ce jour, l’objet d’une concertation ou d’une présentation, ni par vos services ni par les AFNT. »

Sur cette portion d’une centaine de mètres, les discussions vont bon train : pourquoi « mordre » autant sur la berge du canal alors qu’il y a 20 mètres de large entre les voies existantes et le canal, soit assez pour faire passer deux nouvelles voies ?

« Ils vont construire un mur antibruit. D’ici 2032. » « Ils rasent des arbres centenaires qui nous protégeaient, nous faisaient de l’ombre, étaient beaux, pour construire un mur antibruit ? Mais c’est illogique ! » Il apparaît pourtant bien sur les plans. « Combien ça va coûter, rien que ça, alors qu’on n’arrête pas de nous dire qu’il faut arrêter les dépenses ! »

L’agitation monte, on apprend que le maire appelle à un rassemblement ici, à 18h. Quand il arrive, il est assailli, mais écouté. Il n’est arrivé à la mairie qu’en décembre 2023, soit après l’enquête publique et une fois que tout était calé. Sans doute n’a-t-il pas été assez attentif, mais il faut dire que son prédécesseur, Thierry Fourcassier mis en examen pour corruption et blanchiment d’argent, lui a laissé quelques dossiers épineux, notamment en matière d’urbanisme. Pas étonnant que les Saint-Joryens soient en alerte au moindre bruit de pelleteuse.

Dans le froid qui monte et la pénombre, le maire se « désole de voir ce que devient notre patrimoine naturel. » Deux autres écureuils descendront le lendemain. Le froid, alors qu’ils ont été dépouillés par les FDO de leurs sacs de couchage, le manque de nourriture (confisquée aussi) aura raison de leur endurance et ce, malgré la bonne volonté des habitants qui ont tenté de leur faire passer de l’aide.

Un chêne, énorme, reste occupé. « Normalement, il ne craint rien jusqu’en septembre 2025, explique Jean olivier, il a été marqué par l’écologue comme habité par des chauves-souris et des grands capricornes. »

Un sursis pour ce multi-centenaire qui pourrait devenir le porte-voix de riverains sonnés par l’arrivée brutale de la LGV dans leur quotidien.

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Valérie Lassus

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