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Un enfant forcé de tuer un renardeau : le Lien entre maltraitance animale et humaine

« Les séquelles sont équivalentes à celles d’un viol : c’est un viol psychique avec à terme des conséquences extrêmement dramatiques dont la banalisation et la reproduction de l’acte envers des animaux mais aussi des humains ! » alerte le Dr Jean-Marc Benkemoun, pédo-psychiatre et médecin légiste, à La Relève et La Peste

Des enquêteurs de One Voice ont infiltré le milieu du déterrage. Leur objectif était de démontrer la cruauté de cette pratique de chasse pour la faire interdire. Dans les images vidéo rapportées de leur expédition, la présence de deux enfants de 5 et 12 ans, dont le dernier a été forcé de tuer un renardeau, a choqué de nombreux psychologues et professionnels de la protection de l’enfance. Loin d’être un événement isolé, cette vidéo fait la lumière sur un phénomène négligé en France : « le Lien », c’est à dire le fait que la maltraitance animale va souvent de pair avec un comportement agressif ou violent envers des humains. Si de nombreux pays anglo-saxons prennent le sujet très au sérieux pour prévenir la criminalité, la France affiche un retard inquiétant dans ce domaine. Une tribune a été lancée pour porter le sujet à grande échelle.

La cruauté de la vénerie sous terre

La vénerie sous terre est une pratique de chasse qui consiste à traquer et déterrer des animaux de leur terrier. Elle est autorisée en France toute l’année, même en période de reproduction. Décriée pour sa cruauté, de nombreuses associations de protection de la faune sauvage se battent pour la faire interdire et protéger les blaireaux et les renards qui en sont victimes.

« Non seulement cette chasse est extrêmement cruelle, mais en plus ils saccagent totalement la nature pendant la traque en retournant toute la terre. Le jour de la chasse aux blaireaux, ils ont même coupé les racines d’un vieux chêne pour déterrer les animaux de leurs terriers ! » s’indigne Muriel Arnal, Présidente de One Voice, à La Relève et La Peste

Pour exposer la barbarie de cette pratique, des enquêteurs de ces ONG infiltrent régulièrement le monde de la chasse afin d’en révéler les plus sombres failles. Les images rapportées par les agents de One Voice sont donc choquantes, mais malheureusement habituelles. Dans une scène de déterrage ordinaire, des chasseurs extirpent avec brutalité des renardeaux de leur terrier et les battent à mort à coups de pince sur la tête.

Ce qui dénote ici : la présence de deux enfants de 5 et 12 ans. En riant, les chasseurs obligent le plus grand à frapper lui-même un renardeau à mort « pour le former ». Au sol, le renardeau agonise dans des soubresauts. Face au jeune garçon qui n’y arrive pas, les chasseurs agacés lui prennent la pince des mains pour finir la besogne.

« Que ces enfants passent la journée à traquer des animaux avec des hommes aux comportements violents, souvent avinés, qui forcent un pré-ado à tuer un bébé animal et s’agacent sur lui parce qu’il ne veut pas le faire, c’est de la maltraitance. Pareillement, on avait sorti une enquête sur une école de corrida où l’on découvrait des enfants terrorisés, obligés de tuer des jeunes veaux, et un enfant de six ans qui s’échappe pour ne pas avoir à tuer un veau. Six ans ! l’âge où on apprend à lire et à écrire ne devrait pas être celui où l’on apprend à tuer un animal pour le plaisir. » raconte Muriel Arnal, Présidente de One Voice, à La Relève et La Peste

La France est un pays où la banalisation de la violence, sous prétexte de « tradition », entraîne de nombreux traumatismes et séquelles chez les enfants et adultes qui y sont exposés. Ainsi, des psychologues, professionnels de la protection de l’enfant, philosophes, juristes, scientifiques et artistes s’insurgent et dénoncent ce déchaînement de violence dans une tribune de plus de 1000 signataires.

Les séquelles de l’exposition à la violence sur les enfants

Dans le monde entier, des psychologues et des spécialistes de la criminalité étudient ce phénomène et alarment de l’impact qu’une exposition si jeune à la violence peut avoir sur le développement cérébral et l’empathie des enfants, puis de leur comportement une fois adultes.

« Les conséquences immédiates peuvent être traumatiques, car l’enfant a été contraint à faire quelque chose de terrible. En fonction de son âge, il peut ne pas s’en rendre compte tout de suite et c’est petit à petit qu’il va réaliser la maltraitance à laquelle il a été soumis. Les séquelles sont équivalentes à celles d’un viol : c’est un viol psychique avec à terme des conséquences extrêmement dramatiques dont la banalisation et la reproduction de l’acte envers des animaux mais aussi des humains ! » alerte le Dr Jean-Marc Benkemoun, pédo-psychiatre et médecin légiste, à La Relève et La Peste

Ce phénomène est tout simplement appelé « le Lien » (de l’anglais The Link), c’est-à-dire « l’idée que les actes de violence interpersonnelle sont fréquemment précédés ou accompagnés d’actes de cruauté envers des animaux ». Dans ce domaine, la maltraitance animale est communément définie comme « un comportement socialement inacceptable qui cause intentionnellement une douleur, une souffrance ou une détresse évitable ou la mort d’un animal ».

Depuis 40 ans, les pays anglo-saxons se sont saisis du sujet pour mieux anticiper et empêcher la violence au sein des familles et de la société. Ce domaine de recherche est devenu une discipline sérieuse pour de nombreux corps de métiers notamment les sociologues, les criminologues, les travailleurs sociaux, les psychologues et les juristes.  

A tel point qu’aujourd’hui, en Angleterre et dans certains Etats des Etats-Unis, les services de protection de l’enfance et des animaux se donnent mutuellement l’alerte quand ils doivent intervenir dans un foyer où il y a maltraitance animale et/ou humaine, les deux allant trop souvent malheureusement de pair.

Crédit : Leo Rivas

Le lien entre violence animale et humaine

Il est communément admis que des actes de cruauté envers les animaux, quand ils sont perpétrés spontanément par des enfants ou des jeunes adultes, sont un signe de pathologie psychiatrique ou de troubles de la personnalité. Ce qui l’est beaucoup moins en France, c’est la façon dont la violence domestique est liée aux abus ou violences sur les animaux domestiques.

« On sait de longue date que la maltraitance animale est liée à la pathologie psychiatrique, mais ce qu’on découvre de plus plus en plus c’est que comme l’enfant, l’animal va être l’objet d’un chantage. L’animal aimé de l’être victime va subir des coups, des menaces, de la torture de la part de l’être maltraitant, et c’est souvent un premier passage à l’acte ! Il n’est pas rare que l’animal soit une première étape avant que la personne agresse physiquement son/sa partenaire ou son enfant. Les enfants victimes de maltraitance conjugale expliquent quasiment systématiquement que le parent violent passe ses nerfs sur les animaux : coups, abandon, y compris des actes de barbarie voire des meurtres. A tel point que, dans mon travail, je pose toujours la question de savoir s’il y a un animal ou un enfant quand une maltraitance est avérée dans un cas ou l’autre. » explique le Dr Jean-Marc Benkemoun, pédo-psychiatre et médecin légiste, à La Relève et La Peste

Ce lien de cause à effet entraîne des situations tragiques comme l’histoire d’Enzo, enfant de onze ans, qui s’est décidé à prévenir les autorités en voyant son beau-père abattre à la hache son chiot qui s’était cassé la patte. Cette alerte a révélé que la famille subissait depuis dix ans de nombreuses violences de la part cet homme qui a ensuite été condamné à huit mois de prison ferme.

Pour One Voice, « cette glaçante affaire est exemplaire dans le lien qu’elle dénote entre les violences subies par les enfants et leur mère et celles perpétrées sur le chiot. »

« La violence, quand elle est quotidienne, l’enfant finit par penser qu’elle est normale. Il imagine que c’est comme ça que le monde tourne. Si cet enfant a alerté les autorités pour le chiot, c’est que la mort de son compagnon lui a sauté aux yeux comme quelque chose d’extrêmement brutal. » analyse le Dr Jean-Marc Benkemoun, pédo-psychiatre et médecin légiste, à La Relève et La Peste

Et pour cause : les animaux occupent une place particulière dans le développement des jeunes humains qui ont souvent un vocabulaire plus étendu lorsqu’ils parlent d’animaux, comme le rappellent les 200 signataires de la tribune :

« Apprendre à un enfant à tuer de la sorte un animal, c’est aussi tuer quelque chose de précieux et fragile à l’intérieur de lui-même : sa sensibilité envers le vivant, sa façon d’être au monde. »

D’ailleurs, la tribune est ouverte à toutes et à tous, et même des enfants ont signé comme le témoignage touchant de Louise, 6 ans, passionnée par les loups, lynx, renards et ours… qui a précisé : « je veux pas qu’on fasse du mal aux jolis renards et leurs bébés ».

Crédit : National Cancer Institute

Abolir la violence animale et humaine

Pour parvenir à créer un monde sans violence, il faut cesser de la banaliser. C’est pourquoi les signataires de la tribune expriment trois demandes :

1 – L’interdiction de faire participer des enfants à une chasse. La violence n’est jamais un exemple, quelle qu’en soit la victime. Instrumentaliser un enfant pour la pratiquer ne doit plus être autorisé.

2 – La reconnaissance dans le droit français de la sensibilité des animaux sauvages et libres, afin que cessent les souffrances que la faune subit en toute impunité.

3 – L’instauration de cours dédiés à la sensibilité animale et à l’apprentissage de l’empathie pour les animaux dans les programmes scolaires, car nous sommes convaincus qu’il existe bien d’autres manières de considérer le vivant à transmettre à nos enfants. L’empathie et la bienveillance en font partie.

« Quand j’ai vu les enfants sur la vidéo, j’ai été surprise. On n’amène pas les enfants dans un abattoir et là, cela ne pose aucun souci aux chasseurs. On est vraiment contents que cette tribune soit signée. A la base, cette investigation demande l’abolition de la vénerie sous terre, il y a même eu une proposition de loi portée par plusieurs députés de tous partis, mais il ne faut pas oublier l’humain au milieu de tout ça et encore moins les enfants. Il faut en finir avec l’enseignement de la violence et la destruction de l’empathie. » développe Muriel Arnal, Présidente de One Voice, à La Relève et La Peste

crédit : Tatiana Rodriguez

« Si on continue d’être maltraitants envers les animaux on n’accédera jamais au monde auquel on tend qui est un monde sans violence, c’est un déni de sadisme. » renchérit Caroline Bréhat, auteure du roman autobiographique « J’ai aimé un manipulateur », ainsi que du témoignage « Mauvais Père », pour La Relève et La Peste

De fait, si la France se décidait à suivre le modèle anglo-saxon, la prise en compte du lien entre maltraitance animale et humaine permettrait sans doute d’éviter de nombreux drames. Pour y parvenir, les professionnels de la protection des animaux et de l’enfance le croient fermement : il faut porter ce débat au sein de la société, haut et fort, afin que le plus grand nombre soit au courant de ce Lien.

Pour protéger « l’apprenti chasseur » de la vidéo, One Voice a sollicité l’intervention du Défenseur des droits pour lui faire part de leur inquiétude vis-à-vis des effets délétères sur le développement physique et psychologique de ces enfants exposés à une telle violence.

« Cet enfant a besoin d’être sorti du milieu de la chasse. Ici, l’alcool vient aggraver les choses car il les rend incontrôlables : il n’y a aucun moyen de contrôler quelqu’un qui a bu. Il faut donc aider très rapidement cet enfant. Ici, il n’est qu’un instrument : le chasseur qui l’y a obligé est suspect de perversité et peut avoir un comportement extrêmement destructeur. » analyse le Dr Jean-Marc Benkemoun, pédo-psychiatre et médecin légiste, à La Relève et La Peste

Afin de briser ce cercle vicieux, les initiateurs de la tribune invite chacun et chacune à la partager pour parvenir à faire évoluer les mentalités de façon plus large, et à être vigilant sur les cas de maltraitance animale et domestique en n’hésitant pas à solliciter les associations concernées en cas de doute.

Laurie Debove

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